Arrêt URSSAF / FFF – Cour de cassation, 22 janvier 2009

par | 14, Sep, 2022

Arrêt URSSAF / FFF, Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 22 janvier 2009, 07-19.039 07-19.105.

Faits & Procédure

Cet arrêt questionne la mise à disposition des joueurs de football en Équipe de France, sont-ils des salariés?

À l’image de la controverse Uber, découlant de la reconnaissance par la Cour de Cassation du statut de salarié des conducteurs enregistrés sur la plateforme, de nombreuses professions actées comme libérales ou salariales se sont vues être requalifiées par la Haute Juridiction.

Dans cet arrêt, ce sont les arbitres officiels de la Fédération Française de Football, ainsi que les joueurs mis à sa disposition en sélection nationale, qui ont vu leur situation juridique questionnée.

En l’espèce, l’Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales (URSSAF) de Paris avait effectué un contrôle au cours de l’année 1996  portant sur les cotisations sociales versées par la Fédération Française de Football à l’Union de Recouvrement. L’objectif de ce contrôle était, classiquement, de vérifier si l’ensemble des cotisations avait été réglé, eu égard à la masse salariale (et donc au nombre de revenus versés) par la 3F. Suite à ce contrôle, l’URSSAF avait enjoint la FFF à intégrer dans son assiette de cotisations sociales, base du calcul du montant lui étant dû, les primes de matchs versées à l’ensemble des arbitres ainsi que les sommes versées aux membres de l’équipe de France, pour leur participation et leur mise à disposition pour les activités de la Fédération.

Suite au redressement justifié par l’URSSAF par la réintégration de nouvelles sommes à l’assiette de cotisations sociales de la FFF, cette dernière a contesté cette réintégration. Elle a saisit dans un premier temps la commission de recours de l’URSSAF, puis le Tribunal Judiciaire.

Suite à un jugement rendu en première instance, un appel a été interjeté devant la Cour d’Appel de Paris. Cette dernière, par un arrêt du 5 juillet 2007, a annulé le redressement relatif à la réintégration des primes de match versées aux arbitres et des sommes versées aux membres de l’Équipe de France de football.

L’URSSAF de Paris s’est alors pourvu en cassation devant la Cour de Cassation qui, par un arrêt du 22 janvier 2009, a statué également en faveur de la fédération aux 3F.

Se basant sur les différents critères nécessaires à la caractérisation du contrat de travail, à savoir la prestation, la rémunération, et surtout le lien de subordination, la Haute juridiction a statué et caractérisé la nature des relations entre l’institution fédérale et ces deux groupes de professionnels. Elle a énoncé ainsi ne pas reconnaître entre ces derniers (à savoir les arbitres et les joueurs de l’équipe de France) et la FFF l’existence d’un potentiel lien de subordination assimilable à celui existant entre un employeur et un employé. Cette différence s’explique en raison des prérogatives de puissance publique détenues par la FFF en raison de sa mission de service public.

L’ensemble des sommes versées pour les activités de ces deux ensemble n’appartenaient pas à l’assiette de cotisations sociales qui doit être versée à l’URSSAF de Paris.

La Cour de Cassation a ainsi rejeté le pourvoi formé par l’URSSAF de Paris, bien qu’elle ne se base pas sur la même justification que la Cour d’Appel de Paris.

Zoom sur le raisonnement présenté par la Haute Juridiction

La Cour de Cassation a présenté dans un premier temps son appréciation de la situation des arbitres vis-à-vis de la FFF. Si elle a reconnu dans un premier temps que la liberté dont ils disposent lors de l’exercice de leurs fonctions n’excluait pas automatiquement leur subordination à la FFF, elle a reconnu également que les différentes obligations faites aux arbitres pour leur permettre d’exercer leur profession (de leur participation à des tests physiques, à la désignation pour la fédération de certains arbitres pour certains matchs, en passant par leur tenue…) représentent des injonctions faites par une instance supérieure. Ces deux éléments pourraient alors caractériser un lien de subordination. Si cette première appréciation du droit diffère de celle effectuée par la Cour d’Appel, elle mène pourtant à une même conclusion finale. En effet, la Cour de Cassation a considéré que la juridiction d’appel n’avait pas pris en compte les prérogatives dont dispose la Fédération Française de Football, qui sont en réalité des prérogatives de puissance publique (PPP). Pour la Haute Juridiction, il s’agissait des mêmes prérogatives dont disposent la fédération dans son action envers ses licenciés et pour lesquelles elle bénéficie d’une appréciation particulière.

Ainsi, l’absence d’un lien de subordination entre les arbitres et la 3F n’est pas due à l’indépendance des premiers, mais plutôt aux prérogatives de la seconde. Les obligations et injonctions sus-citées ne pouvaient ainsi pas être reconnues comme simplement dictées par une instance supérieure mais plutôt comme énoncées par une institution détenant des prérogatives de puissance publique.

Suite à cette première caractérisation de la situation des arbitres, la Cour de Cassation a statué sur la situation des joueurs de l’Équipe de France. En l’espèce, ce sont les conditions dans lesquelles les joueurs participent aux matchs de l’équipe de France, ainsi que le pouvoir disciplinaire exercé par la FFF vis à vis de ces matchs qui posaient la question de l’existence du lien de subordination (et donc de l’existence d’un contrat de travail). En effet, la caractérisation d’un pouvoir de direction, de contrôle, et de sanction fait partie des différents éléments pris en compte dans le faisceau d’indices permettant de caractériser un lien de subordination. Pourtant, la Cour de Cassation a reconnu ici qu’en exerçant son pouvoir disciplinaire, la FFF n’exerçait ici que ses prérogatives que la Haute Juridiction a reconnu plus tôt comme étant des prérogatives de puissance publique. Les joueurs mis à disposition de la Fédération française de football ne sont donc pas des salariés, car aucune instance supérieure n’exerce sur eux un pouvoir permettant de les caractériser comme tels.

La Cour de Cassation réalise par cet arrêt une précision de sa jurisprudence, par la création d’une distinction de statuts entre les joueurs professionnels de football selon les instances sous lesquelles ils évoluent. En effet dans un arrêt du 23 janvier 2008, la Cour de cassation avait reconnu comme salarié un joueur professionnel de football dans une affaire l’opposant à son club. Il semblerait dorénavant, que lorsque ce même joueur est mis à disposition de la fédération nationale de sa discipline, la mission de service public dont cette dernière est chargée, redéfinisse sa position vis-à-vis de la fédération. 

À la vue de ce jugement, gage aux différentes juridictions de déterminer en l’espèce et dans le futur si la situation dans laquelle les joueurs se trouvent doit être prise en compte au regard de leur lien avec la fédération, qui dispose de ces prérogatives, ou de leurs clubs, qui n’en disposent pas.


NB : Il peut être soulevé que le jugement relatif à la situation des arbitres était plus facilement anticipable : depuis 2006 le législateur avait déterminé que « les arbitres et les juges ne peuvent être regardé, dans l’accomplissement de leur mission, comme lié à la fédération par un lien de subordination ».

Crédit photo : Le Parisien – FFF

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