Dans le cadre de la conclusion des contrats de travail à durée déterminée, la temporalité joue un rôle clef, et peut régulièrement amener le juge à considérer différemment une succession d’évènements. En effet, rappelons le, ce type de contrat concède une certaine protection à ses parties, en termes de résiliation du contrat notamment. Est en jeu la nature même de ce contrat, plus “fragile” que le CDI, et l’effectivité de son utilisation. Le CDD spécifique aux entraîneurs et sportifs professionnels, créé lors de l’adoption de la loi du 27 novembre 2015, n’y fait pas exception.
L’affaire présentée aujourd’hui met en avant le refus du juge d’accorder une certaine flexibilité d’appréciation relative aux modalités de rupture anticipée du CDD spécifique, et plus largement au CDD “classique”.
Un particulier, joueur de volleyball, avait conclu avec un club professionnel de la discipline un contrat à durée déterminée (CDD), en sa qualité de joueur uniquement. Le contrat avait été conclu en 2011, puis pris fin en 2013. Un second contrat de même nature entre les deux parties avait alors été conclu, le particulier ayant alors la qualité d’entraîneur-joueur. Ce contrat prenait fin en 2014. En mars 2013, le joueur saisit la juridiction prud’homale d’une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, au motif de manquements du club professionnel. Suite à cette saisine, le joueur conclut en mai de la même année un contrat de travail avec un autre club professionnel de la discipline. 10 jours après la conclusion de ce nouveau contrat de travail, il prend acte de la rupture de son contrat de travail1.
En première puis en second instance, le juge judiciaire considère que les faits reprochés sont avérés et donc que le contrat est rompu aux torts de l’employeur, ce qui a pour conséquence de produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le club professionnel se pourvoit devant la Cour de Cassation, aux motifs que la conclusion d’un contrat de travail avec un autre club professionnel de volley avant la prise d’acte matérialise une volonté claire et non équivoque de résilier le contrat de travail, c’est-à -dire une démission.
La Cour de Cassation, reconnaissant la juste appréciation faite par la cour d’appel des faits reprochés à l’employeur (reconnus par cette dernière comme avérés), refuse de reconnaître une telle volonté et donc une démission. Elle considère en effet que l’engagement d’une procédure judiciaire de résiliation du contrat de travail initial précédant la conclusion du second, cette conclusion ne peut être considérée comme une manifestation claire et non équivoque de démissionner auprès de son premier club.
La Cour de Cassation rejette ainsi le pouvoir formé par le club professionnel ayant conclu le premier contrat de travail. Ce dernier est ainsi condamné à verser les indemnités correspondantes à une rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée. Le CDD spécifique en question n’apparaît ainsi pas ici comme un contrat au régime dérogatoire dans l’appréciation faite par la Cour de Cassation.
Référence : Cour de cassation, Chambre sociale, 3 juin 2020, n°18-13.628
- Rappel : La prise d’acte constitue un mode de rupture du contrat prise par décision de justice. Elle a pour conséquence la cessation immédiate du contrat de travail et la saisine du juge afin de statuer sur les effets produits en fonction de son appréciation casuistique des faits reprochés à l’employeur : licenciement sans cause réelle et sérieuse ou démission