Conseil d’État, 11 décembre 2019, Société Montpellier Hérault Rugby Club, N° 434826
La régulation des activités sportives compétitives répond à une double nécessité. La première est globale, et directement liée aux principes à la genèse du droit du sport : la nécessité de veiller à la régularité, la continuité et l’équité des compétitions sportives. A la nécessité de satisfaire ces principes généraux s’ajoutent des objectifs plus spécifiques à certaines situations, telles que la protection de la formation des jeunes joueurs, la compétitivité des équipes de France …
Face à ces objectifs, l’ensemble des acteurs contribuant à la réalisation des activités sportives compétitives doit ainsi œuvrer sous des particulières, en raison de la nature du domaine dans lequel ils coexistent. L’article 165 du Traité Fondamental de l’Union Européenne (TFUE) illustre parfaitement la particularité de cet environnement, reconnaissant que les « enjeux du sport » ainsi que « ses spécificités, ses structures fondées sur le volontariat ainsi que de sa fonction sociale et éducative ». Ces particularités s’illustrent également au regard des possibles atteintes à des libertés fondamentales qu’elles causent. L’existence même d’un « salary cap » au sein de certaines compétitions en est un parfait exemple. Ce phénomène limité au cadre des compétitions sportives vient clairement restreindre les libertés d’entreprendre des dirigeants de club et leur liberté contractuelle. Cette spécificité du sport nécessite ainsi des mécanismes propres, menant à des atteintes justifiées, proportionnées et adaptées : c’est un véritable contrôle de proportionnalité qui est ainsi réalisé.
C’est dans un contexte menant à un tel contrôle que le Conseil d’État a statué, par un arrêt du 11 décembre 2019, au regard de l’atteinte à la liberté d’entreprendre que représentait le salary cap imposé à l’ensemble des clubs professionnels évoluant en première division par la Ligue Nationale de Rugby.
La société du Montpellier Hérault Rugby Club, club évoluant en première division, avait dépassé le seuil de dépenses relatif au recrutement de joueurs fixé par la Ligue Nationale de Rugby (« salary cap »). Suite à ce dépassement, il s’était vu infliger une sanction (en l’occurrence, une amende) pour ce manquement au règlement de la LNR. Cette sanction, prévue au sein du règlement de la LNR (plus particulièrement de son organisme de contrôle de gestion), était en effet rendue possible par l’application de l’article L.131-16 du code du sport. Ce dernier dispose ainsi que « Les fédérations délégataires édictent : (…) / 3° Les règlements relatifs aux conditions juridiques, administratives et financières auxquelles doivent répondre les associations et sociétés sportives pour être admises à participer aux compétitions qu’elles organisent. Ils peuvent contenir des dispositions relatives (…) au montant maximal, relatif ou absolu, de la somme des rémunérations versées aux sportifs par chaque société ou association sportive. (…) ».
Le MHR soutenait alors que l’existence même d’un tel plafonnement, et donc par conséquence la présence de sanction lors de son dépassement par les clubs professionnels de rugby, méconnaissent la liberté d’entreprendre, la liberté d’association ainsi que la liberté contractuelle de ces clubs. Ces dernières ayant valeur constitutionnelle, son pourvoi devant le Conseil d’État avait pour objet de demander l’annulation de l’article suscité en raison de l’atteinte qu’il leur portait.
Dans la continuité de sa jurisprudence précédente relative aux atteintes aux libertés fondamentales rendues possibles au regard des particularités du sport, le Conseil d’État rappelle que le législateur peut porter atteintes aux différentes libertés fondamentales lorsque ces atteintes résultent d’une nécessité liée à l’intérêt général, « à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées au regard de l’objectif poursuivi ».
Or, en l’espèce, si l’article L.131-16 du code du sport permet aux fédérations sportives délégataires de fixer, pour leur discipline, un montant maximal de la somme des rémunérations versées aux sportifs par chaque société ou association sportive, cette atteinte à la liberté d’entreprendre, la liberté d’association ainsi qu’à la liberté contractuelle n’est pas jugée disproportionnée.
En effet, le Conseil d’État reconnaît qu’une telle disposition a pour objectif premier de « garantir l’équité sportive des championnats, la stabilité́ et la bonne situation financières des sociétés ou associations sportives », soit d’assurer la réalisation des objectifs premiers de la régulation des activités sportives compétitives. L’atteinte qu’elle cause aux différentes libertés fondamentales est ainsi légitime et non-disproportionnée.
La Haute juridiction rejette ainsi le pourvoi formé par le MHRC et réaffirme la spécificité du régime juridique propre aux acteurs évoluant autour des activités sportives compétitives.
NB : Le MHRC avait joint à son pourvoi une QPC au contenu similaire à celui-ci devant le Conseil d’État. Cette dernière, n’étant pas jugée « nouvelle » et donc « non-sérieuse », n’a pas été renvoyée au Conseil Constitutionnel par la Haute Juridiction.