Le projet de Super League toujours pendant devant les tribunaux

par | 31, Oct, 2022

Le feuilleton de la Super League, qui avait secoué le monde du football en avril 2021, est sur le point de connaître un nouvel épisode qui pourrait bien être déterminant. En effet, ce projet de compétition semi-fermée concurrente à la Ligue des Champions, avorté en 48 heures face à la pression des supporters et des institutions, fait aujourd’hui l’objet d’une procédure devant les juges européens. 

Récemment invité à s’exprimer sur le projet de Super League, Joan Laporta, président du FC Barcelone, a indiqué clairement qu’il était toujours d’actualité : « Nous sommes encore là avec la Juventus, le Real Madrid et d’autres équipes qui attendent. […] Nous sommes là et nous gagnons dans chacune des poursuites judiciaires qui ont été engagées. Nous attendons maintenant le verdict de la Cour européenne et nous espérons qu’elle statuera d’ici la fin de l’année ». 

Cette dernière procédure est sur le point d’aboutir et pourrait apporter de nouveaux arguments en faveur de la Super League.

Elle fait suite à une demande du Tribunal de Commerce de Madrid, qui avait été saisi d’un recours contre l’UEFA par l’European Super League, société porteuse du projet. Les trois clubs qui en sont membres, la Juventus de Turin, le Real Madrid et le FC Barcelone, contestent les sanctions prononcées à leur encontre par l’UEFA. Cette procédure avait entraîné en juin 2021 le gel de ces sanctions, permettant à ces trois clubs de continuer à participer à la Ligue des Champions. 

La question posée par le juge espagnol est la suivante : l’UEFA « abuse-t-elle de sa position dominante » en sanctionnant les clubs participants à la Super Ligue et empêchant de fait l’apparition d’une compétition concurrente à sa très lucrative Ligue des Champions ?

Les 15 juges composant la grande chambre de la Cour de Justice de l’Union Européenne au Luxembourg tenteront d’y répondre très prochainement. Ils se sont notamment réunis les 11 et 12 juillet derniers lors d’une procédure, en espagnol, au cours de laquelle les avocats des deux parties étaient conviés à présenter leurs arguments. 

L’UEFA était représentée par deux spécialistes du droit européen, Denis Waelbroeck et Donald Slater, tous deux membres du bureau bruxellois du cabinet Ashurst. Les tenants de la Super League ont quant à eux choisi le belge Jean-Louis Dupont, l’un des avocats à l’origine de l’arrêt Bosman en 1995.

Cette affaire pourrait faire jurisprudence quant à la position du droit européen sur l’étendue du pouvoir des fédérations sportives pour faire face à l’apparition de compétitions concurrentes. Un cas de figure de plus en plus fréquent dans de nombreuses disciplines, comme en basketball avec l’EuroLigue, ou plus récemment en golf avec le circuit LIV Golf. 

Un précédent cas avait déjà amené le droit européen à se positionner sur le sujet lors de l’affaire Tuitert et Kersohlt contre l’International Skating Union (ISU) portée devant la Commission Européenne. Dans les faits, des patineurs de vitesse hollandais avaient été sanctionnés par leur fédération internationale (ISU) pour avoir participé à des compétitions organisées par une autre organisation. Ces sanctions allaient jusqu’à l’exclusion de toute compétition organisée par l’ISU.

La Commission avait jugé ces sanctions excessives et rappelé que « les règles sportives établies par les fédérations sont soumises aux règles de concurrence de l’UE lorsque l’entité qui fixe ces règles ou les sociétés et les personnes concernées par les règles exercent une activité économique. » Elle avait aussi précisé que « selon la jurisprudence de la Cour de justice européenne, les règles sportives sont compatibles avec le droit de l’UE si elles poursuivent un objectif légitime et si les restrictions qu’elles créent sont inhérentes et proportionnées à la réalisation de cet objectif». Ainsi, une fédération ne peut sanctionner des clubs ou joueurs uniquement dans le seul but de préserver ses intérêts commerciaux, mais doit justifier la poursuite d’un intérêt légitime. 

La décision de la CJUE, qui devrait arriver dans les prochains jours, devra donc juger si les mesures de l’UEFA répondent bien à un tel objectif et si elles sont bien proportionnées. Si c’est le cas, elle sonnerait probablement définitivement la fin d’un projet contesté par une grande partie des supporters européens Dans le cas contraire, elle pourrait relancer totalement ce projet de compétition fermée entre les plus puissants clubs européens.

Toutefois, Laporta a aussi indiqué lors de sa prise de parole sur le sujet que la formule de compétition a évolué depuis le projet de ligue fermée initial, pour laisser plus de place aux résultats des championnats nationaux. Un format qui se rapproche donc de la Ligue des Champions de l’UEFA, dont la nouvelle version, sous la forme d’un mini-championnat, entrera en vigueur en 2024. Une réforme qui permettra peut-être de réconcilier ces trois clubs avec l’institution reine du football européen…

Sources : 

  • Le Monde, « Super Ligue : la Cour européenne doit dire si l’UEFA abuse d’une « position dominante », 11 juillet 2022
  • AS, “The trial of the European Super League begins”, 11 juillet 2022
  • Foot Mercato, « FC Barcelone : le rétropédalage étonnant de Joan Laporta sur la Super League ! », 8 octobre 2022

Crédit photo : Sans Filtre

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