Conseil d’État, 2ème et 7ème sous-sections réunies, 21/10/2013, 367107
« Le pouvoir disciplinaire des fédérations sportives ne peut déroger au principe fondamental d’individualisation des peines »
L’entraîneur d’une équipe de niveau Nationale 1 au sein la Fédération Française de Basketball commet trois fautes techniques lors de trois différentes rencontres au cours d’une même saison. La chambre d’appel de la Fédération, en application du règlement fédéral, lui applique la sanction suivante : il est suspendu temporairement, à raison d’un match. Suite à cette suspension et à l’autorisation d’être de nouveau présent lors des matchs, l’entraîneur commet, lors de l’une de ces rencontres, une nouvelle faute technique. La chambre d’appel de la Fédération prononce alors une nouvelle fois une sanction à son égard, et ce toujours en application du règlement fédéral : l’entraîneur est de fait suspendu, à raison de deux matchs cette fois ci.
L’entraîneur sanctionné présente alors, devant le tribunal administratif d’Orléans, plusieurs requêtes. Si deux de ces requêtes tendent à l’annulation pour excès de pouvoir des sanctions énoncées à son égard, elles sont corrélées intrinsèquement à la troisième requête, tendant à l’annulation des dispositions du règlement fédéral sur lesquelles furent basées les sanctions prononcées par la chambre d’appel de la Fédération.
L’entraîneur sanctionné base l’ensemble des conclusions présentées devant le tribunal administratif sur un même grief : l’atteinte à l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (DDHC) de 1789 que représentent les dispositions du règlement fédéral. En effet, il attribue à ces dispositions un caractère automatique, et donc la qualité de punition, notamment en raison de l’absence de contradictoire. Ce caractère ne peut cependant s’articuler avec le principe fondamental découlant de l’article de la DDHC, article à valeur constitutionnelle : celui de l’individualisation des peines (le lien entre l’article et le principe ayant été reconnu par une décision du 22 juillet 2005 rendue par le Conseil constitutionnel1).
La requête est transmise au Conseil d’État par le président du tribunal administratif d’appel d’Orléans.
Le Conseil d’État reconnaît les différents griefs attribués à la Fédération Française de Basketball et plus précisément à sa chambre d’appel, responsable de l’application du règlement disciplinaire fédéral. Par un arrêt du 21 octobre 2013, il reconnaît que le pouvoir disciplinaire détenu par les fédérations nationales sportives doit s’appliquer « en fonction des circonstances propres en l’espèce ». Les dispositions faisant griefs au sein du règlement de la fédération, revêtant un caractère automatique, sont annulées. Le principe d’individualité des peines, principe constitutionnel, s’applique aux procédures de sanctions de la fédération.
Cet arrêt marque un véritable tournant pour les instances disciplinaires des fédérations sportives. Si le pouvoir disciplinaire est un corollaire au pouvoir réglementaire, qui permet au veiller au respect des règles déontologiques et des réglementations fédérales, il doit se conformer aux principes généraux du droit : cette conformité représente la soumission de la fédération à l’État de droit.
Le défi ainsi proposé aux fédérations suite à cet arrêt est de taille : proposer un encadrement juridique adéquat et précis assurant le respect de l’ensemble de ces règles tout en se conformant au principe d‘individualisation des peines, et cela, au moyen de leurs possibilités financières propres. Les fédérations ont opté à la suite de cet arrêt pour des définitions minimales, renvoyant à des préconisations de sanctions, au sein de leurs règlements. C’est dans le cadre de cette nouvelle forme de rédaction que le Conseil d’État, dans un arrêt du 11 mai 20162, a refusé de reconnaître l’atteinte au principe d’individualisation des peines réalisée par le règlement de la Fédération Française de Football, en raison de la possibilité donnée au joueur d’être entendu et du caractère indicatif du barème de sanctions.
- Conseil Constitutionnel, déc. n° 2005-520 du 22 juillet 2005.
- Conseil d’État, 2ème – 7ème chambres réunies, 11/05/2016, 388322