Au micro de Jurisportiva, Philippe Mallaroni, Manager de l’Olympique d’Ales, partage son expérience avec le club et notamment leur récente montée en National 2. La place du football amateur en France, la réforme en National 2, ou encore le souhait de création d’une Ligue 3 professionnelle font partie des sujets abordés au sein de l’interview. Bonne lecture.
Bonjour Philippe, pourriez-vous vous présenter en quelques lignes?
Bonjour, merci de me recevoir pour cette interview.
À l’heure actuelle, j’occupe plusieurs postes de manière polyvalente, tel un couteau suisse. Tout d’abord, je suis Directeur du Conservatoire National des Arts et Métiers dans l’Aveyron (CNAM). J’enseigne également au sein de celui-ci en économie principalement. En parallèle, je suis chargé d’enseignement en première, troisième, quatrième et cinquième année, à l’Université de Montpellier. Je donne des cours d’économie générale, d’économie monétaire et financière, d’histoire économique et sociale contemporaine ainsi que de l’économie du sport. Cet élément s’inscrit au carrefour de mon activité professionnelle en tant qu’enseignant et de mes activités au sein d’une structure de football en tant que manager général. En effet, depuis 4ans je suis le directeur général de l’Olympique d’Alès, club amateur de National 2.
Mon curriculum vitae reflète mon rôle de manager général au sein d’un club de football. À ce jour, le sport moderne a pris une grande place dans notre société de consommation et aussi dans notre société de loisir. C’est un réel facteur d’attractivité et de développement territorial. Les territoires sont constamment à la recherche d’éléments de différenciation et le football en fait partie. De plus, le football est une véritable passion pour moi. C’est pourquoi j’ai décidé de relever ce défi. Pour moi, il faut avoir cette dose de folie pour pouvoir se lancer.
Qu’est-ce qui vous a amené à l’Olympique d’Alès?
C’est un véritable concours de circonstances qui m’a amené à l’Olympique d’Alès.
Il y a maintenant six ans, j’ai été approché par un club local en Aveyron, le Stade Olympique Millavois. J’ai été Président de ce club pendant trois ans et par la suite j’ai eu envie d’un nouvel objectif. J’ai rencontré le Directeur Sportif de l’Olympique d’Alès, et après quelques conversations, il m’a proposé d’être le manager général et de construire un projet sportif ensemble. Je suis un vrai passionné de football. Ce sport me fait vibrer et je me suis lancé.
Il est également important de rappeler que dans les années 1980-1990, l’Olympique d’Alès était une référence en Occitanie, dans le milieu du football. Quelques grands joueurs sont passés par ce club, notamment José Pasqualetti mais également Franck Ribéry, Sabri Lamouchi. Ce club a une véritable histoire et cela signifiait quelque chose pour moi. Dorénavant, il faut écrire quelque chose de nouveau et de moderne.
Pouvez-vous nous présenter rapidement sa structure?
La structure de ce club est d’une grande simplicité. Il s’agit d’une association selon la loi de 1901. Cependant, cela ne convient plus. Aujourd’hui, on s’en rend compte, en étant une équipe de football de N2, l’exigence sportive est telle qu’il est nécessaire d’avoir un fonctionnement professionnel. Nous avons deux entraînements par jour. J’ai près de 24 joueurs sous contrat : 10 sous contrat fédéral, 8 en contrat club (éducateur sportif par exemple) et 6 jeunes en contrat d’apprentissage. Si nous n’optons pas pour la mise en place d’une société, je ne vois pas comment aujourd’hui une équipe de N2 peut exister avec comme ambition affichée la montée en National. Il faudrait concilier l’approche “amateure” et quasi professionnelle. Le statut associatif suffit pour un club qui possède un budget de 250 000 euros annuel. Concernant l’Olympique d’Alès, nous sommes à 120 000 euros de budget par mois. Le statut associatif n’est donc plus compatible avec nos objectifs.
Nous avons essayé de rendre, malgré tout, notre structure plus professionnelle et c’est la raison pour laquelle nous avons d’ailleurs eu des résultats sportifs depuis deux ans.
Nous avons un président, Didier Bilange, Président fondateur du groupe JUBIL Interim (spécialisé comme indiqué dans le secteur de l’intérim), une responsable de la communication, un trésorier, un trésorier adjoint, une secrétaire, un directeur sportif et bien évidemment, un entraîneur, un entraîneur adjoint, un préparateur physique pour l’équipe première. Nous avons mis en place un organigramme d’entreprise et il fonctionne.
À titre personnel, je pense que l’on vit les dernières heures du statut associatif pour le club. Nous avons déjà monté en parallèle une Société par Action Simplifiée (SAS) , il est nécessaire maintenant que cette société s’occupe de l’équipe première et prenne le relais. La gouvernance est fondamentale pour une équipe de football qui est un minimum ambitieuse.
Quelles sont vos missions principales au sein de l’Olympique d’Alès? Comment se passe la gestion au sein d’un club de National 2?
La recherche de la bonne gouvernance est une de mes missions principales. C’est fondamental. Et c’est pourquoi le statut de société est important. Il nous faut des investisseurs et un mode de fonctionnement d’une entreprise. Les exigences sportives évoluent, une gouvernance moderne, entrepreneuriale doit favoriser ces exigences. On ne peut pas avoir l’un sans l’autre, soit la performance sportive sans l’exigence d’une entreprise. Il y a 20 ans, le club était en liquidation judiciaire. Nous avons su nous relever et cette année, le club fêtera son centenaire. L’Olympique d’Alès fait partie de la vingtaine de clubs à l’origine du professionnalisme en France. Ce n’est pas rien. Mais bien sûr, il importe de prendre conscience que le football a bien changé de dimension, principalement à partir de l’arrêt Bosman en 1995, nous sommes rentrés dans une véritable économie du football avec de nouvelles particularités et, comme je vous l’ai déjà indiqué, de nouveaux modes de gouvernance, il faut s’en accommoder et avancer.
Avec plus de 550 licenciés. Nous sommes également le premier club, dans le Gard, par le nombre. Cela demande beaucoup de temps. Le football féminin est aussi bien représenté avec 150 licenciées.
Quels sont vos prochains objectifs avec ce club pour la saison prochaine?
J’ai un double objectif pour la saison prochaine avec l’Olympique d’Alès. Le principal est bien évidemment de se maintenir en N2, de ne pas descendre et d’essayer de réaliser un beau parcours en Coupe de France. De plus, il faudrait également que l’on arrive à sortir, la saison prochaine, de la masse salariale encadrée et pour cela, il faut être rigoureux et exigeant sur cette saison, c’est facile à dire mais toujours plus difficile à réaliser. En sortant de la masse salariale encadrée, qui équivaut actuellement à 706 000 euros brut, ce qui n’est pas rien non plus, nous pourrions afficher d’autres ambitions pour l’avenir.
Quel est votre meilleur souvenir avec cette équipe?
Mon meilleur souvenir reste la montée en National 2. Elle reflète la concrétisation de notre projet sportif. Bien sûr, la première réussite fut d’atteindre les 16èmes de finale en Coupe de France face à Montpellier, club de ligue 1.
Chaque année, un classement est fait au niveau National 3 et nous avons réussi à atteindre le top 5 l’année dernière. Ce ne peut être que prometteur pour la suite.
Que pensez-vous de la nouvelle réforme de la N2? Celle-ci va passer de quatre à trois groupes sur une période de trois ans et en fin de saison prochaine, 5 à 6 clubs seront relégués au lieu de 3.
En tant que manager général de l’Olympique d’Alès, si notre équipe se maintient, je ne pourrais qu’être favorable à cette réforme. À l’inverse, si on descend, je serai plus dubitatif.
D’une manière plus objective, je peux comprendre la finalité de cette décision qui est de rétrécir la hiérarchie afin d’obtenir une meilleure compétitivité entre les clubs. Cependant, avoir 5 à 6 clubs qui sont relégués chaque saison, ça fait beaucoup. La pression va être à son paroxysme.
Que pensez-vous de la création potentielle d’une Ligue 3 professionnelle?
Je suis totalement pour. Selon moi, dans les faits, elle existe déjà. Néanmoins, nous n’en avons que les inconvénients sans en avoir les avantages, avec notamment de faibles retombées droits TV alors que le fonctionnement d’un club de N1 est professionnel. Avec la création d’une Ligue 3, nous pourrions attirer de meilleurs joueurs, ce qui rendrait le championnat encore plus attractif. Cela permettrait également d’avoir une plus grande visibilité, donc toujours plus de notoriété et « plus de valeur marchande », et c’est très bon pour les investisseurs.
Comme nous le savons, le football amateur est plus susceptible d’être touché par des manipulations sportives. Avez-vous déjà eu des suspicions de match truqué ?
D’un point de vue très subjectif, les manipulations sportives ne sont certainement plus aussi présentes qu’à une époque, désormais plutôt ancienne. Même si cela existe peut-être, la surveillance est beaucoup plus conséquente. Je n’ai eu personnellement affaire à aucun cas de match truqué durant ma carrière, du moins, pour l’instant.
Avez-vous des projets à l’avenir pour développer le football amateur?
Pour développer le football amateur, tout d’abord, il est essentiel que notre équipe obtienne des résultats. En guise d’illustration, notre montée en N2 nous a permis de récolter plus de 50 licenciés en plus. D’autre part, nous restons très dépendant des événements internationaux, si le PSG gagne la Ligue des Champions, si la France se comporte bien à la Coupe du Monde. Cela ne peut que impacter positivement le football français et le faire croitre encore plus en terme de nombre de licenciés. Mais chaque club a un rôle à jouer en s’efforçant de toujours donner une belle image de notre sport. Nous avons des obligations dans notre conduite, dans les liens sociaux que nous contribuons à maintenir et à développer. Le football est bien plus qu’un sport.