CJUE, n° C-325/08, Arrêt de la Cour, Olympique Lyonnais SASP contre Olivier Bernard et Newcastle UFC, 16 mars 2010
La Cour Européenne de Justice (CJUE), le 16 mars 2010, s’est prononcée sur le refus du joueur de football Olivier Bernard, de signer avec le club français Olympique Lyonnais à la fin de son contrat espoir afin de signer en faveur du club outre-manche de Newcastle.
Rappel des faits
En 1997, Olivier Bernard signe un contrat d’une durée de trois ans avec l’Olympique Lyonnais en tant que « joueur espoir ». Avant la date d’expiration de ce contrat, l’Olympique Lyonnais propose à Olivier Bernard la signature d’un contrat de joueur professionnel. Toutefois ce dernier refuse et conclut un contrat avec Newcastle UFC.
Procédure
À l’époque, la réglementation applicable aux transferts était différente de celle que l’on connaît aujourd’hui. La Charte du Football Professionnel obligeait, à l’époque, le joueur, à l’expiration de son contrat « espoir » avec son club formateur, à signer son premier contrat professionnel avec ce club lorsque celui-ci l’exigeait (ancien article 23 de la Charte).
Cependant, la Charte ne prévoyait pas de situation, dans le cas où le joueur s’opposerait au contrat, avec une possibilité d’obtenir une indemnité de formation pour les clubs. Dès lors, seuls les mécanismes de réparation de droit commun sont une voie pour le club d’obtenir indemnisation du préjudice du joueur : autrement, du fait de son départ était d’introduire une action à l’encontre du joueur pour rupture des engagements contractuels.
Par une stricte application du droit commun, le Conseil des Prud’hommes a fait droit aux demandes de l’OL en considérant qu’Olivier Bernard avait rompu unilatéralement son contrat. Il le condamnait par conséquent, solidairement avec Newcastle UFC, à verser à l’Olympique Lyonnais des dommages intérêts.
En appel, la Cour d’appel infirmait le jugement au motif que « l’obligation, pour un joueur en fin de formation, de signer un contrat de joueur professionnel avec le club formateur comportait également l’interdiction corrélative pour ce joueur de signer un tel contrat avec un club d’un autre État membre, ce qui constituait une violation de l’article 39 CE.» Ainsi, sous couvert du droit communautaire, la Cour d’appel refusait toute indemnisation à l’Olympique Lyonnais.
L’Olympique Lyonnais a alors formé un pourvoi en cassation. La Cour de cassation, avant de statuer, interrogeait la Cour Européenne de Justice en lui soumettant deux questions préjudicielles :
Le principe de libre circulation des travailleurs s’oppose t-il à une disposition de droit national en application de laquelle un joueur ‘espoir’ qui signe à l’issue de sa période de formation un contrat de joueur professionnel avec un club d’un autre État membre de l’Union européenne s’expose à une condamnation à des dommages intérêts ?
Et, la nécessité d’encourager le recrutement et la formation des jeunes joueurs professionnels constitue-t-elle un objectif légitime ou une raison impérieuse d’intérêt général de nature à justifier une telle restriction ?
Portée de l’arrêt
L’arrêt Bernard souligne d’abord la possibilité pour un club sportif, dans le cadre français et de la Charte de football Professionnel, d’exiger des indemnités si l’un des joueurs qu’il a formé signe, à l’issue de sa formation, un premier contrat professionnel dans un autre club que celui dans lequel il a été formé.
Si l’indemnité de formation pourrait être considérée comme une atteinte au principe de libre-circulation des travailleurs (reconnue par l’arrêt Bosman dans le monde du sport), elle est néanmoins autorisée dès lors qu’elle poursuit un objectif comme étant reconnu d’intérêt général par la Cour et poursuivant un objectif légitime au sein de l’UE. Or le juge avait déjà indiqué dans l’arrêt Bosman que la formation des jeunes joueurs devrait être encouragée et accentuée. Les indemnités de formation participent donc à cet objectif.
L’arrêt Olivier Bernard permet aussi de déterminer les modalités de calcul de cette indemnité, qui doit être suffisante afin d’éviter de mettre en péril l’activité de formation. Le montant doit prendre en compte le fait que les frais supportés par les clubs concernent aussi bien les jeunes qui commenceront une carrière professionnelle que ceux qui échoueront.