CBD & Sponsoring sportif

par | 10, Oct, 2022

Le sponsoring est l’une des principales sources de financement du sport, à l’échelle mondiale mais également française. Le poids économique du sponsoring sportif privé en France représente ainsi 2,42 milliards d’euros selon une étude KPMG & Sporsora réalisée entre 2020 et 2021. Depuis de nombreuses années, des entreprises sponsorisent à la fois des manifestations et des évènements sportifs, des athlètes mais également des clubs sportifs, qui représentent à eux seuls 36% des investissements. 

Le principal avantage pour l’entreprise partenaire est d’obtenir une visibilité dans les différentes communications du club ou de l’athlète, et en pratique, apparaître sur le maillot lors des rencontres disputées son partenaire semble être la technique couramment utilisée.

La nature des entreprises qui pourraient sponsoriser une entité sportive ne paraît pas être circonscrite dans une liste exhaustive, de telle sorte, qu’une entreprise de CBD devrait pouvoir éventuellement être le partenaire “officiel” d’une équipe ou d’un sportif.

Les Ligues Professionnelles ou plus généralement les organisateurs de compétitions sportives, dans la mesure où ils autorisent les logos sur les maillots des joueurs, pourraient-ils refuser à un joueur de porter un écusson faisant la promotion d’une entreprise de CBD ?

Afin de permettre à un acteur sportif de conclure un partenariat avec une entreprise dont l’objet est la vente de produits dérivés du CBD, et avant d’essayer de répondre à la question précitée, nous définirons tout d’abord ce que l’on entend par CBD (I), puis préciserons le régime juridique applicable à ce dernier (II). Nous analyserons enfin le cadre légal et les possibilités offertes aux acteurs du sport en France, afin de conclure un partenariat avec une entreprise de CBD, et a fortiori pour faire de la publicité autour du CBD (III).

I. Qu’est-ce que le CBD ?

Le CBD (cannabidiol) est une molécule extraite du chanvre, qui est une plante aussi appelée « cannabis sativa ». Cette plante contient ainsi deux molécules (substances actives) :

–        Le THC (Delta-9 TetraHydroCannabinol)

–        Le CBD (cannabidiol)

Plus précisément, le THC est la partie du cannabis qui a des propriétés psychoactives, agissant sur le psychisme en modifiant le rythme cérébral. Le THC, classé comme substance psychotrope depuis 1971 par l’ONU, est interdit à la commercialisation en France depuis 1970 [1] au titre des produits stupéfiants.

Contrairement au THC, le CBD lui n’a pas d’effet stupéfiant et n’engendre donc pas de dépendance physique [2]. Le CBD est la molécule qui ne contient pas de « drogue » (et donc sans propriétés psychotropes). Elle est utilisée dans le domaine médical pour traiter les convulsions, l’inflammation, l’anxiété ou les nausées, mais également en milieu cosmétique.

Il existe plusieurs variétés de chanvre, certaines comportant plus de THC que d’autres (et auxquelles on réserve, dans le langage courant, le terme de « cannabis », terminologie juridiquement inexacte).

II. Quel cadre légal en France pour l’utilisation et la commercialisation du CBD ?

Il est tout d’abord utile de rappeler que les lois du 31 décembre 1970 et du 5 mars 2007 réglementent et pénalisent l’utilisation de tous produits stupéfiants. En effet, l’article L. 3421-1 du Code de la santé publique (CSP) dispose que : « L’usage illicite de l’une des substances ou plantes classées comme stupéfiants est puni d’un an d’emprisonnement et de 3750 euros d’amende ».

Si dans l’absolu, en France, seule la consommation de THC est interdite, la consommation de CBD est quant à elle autorisée, mais strictement réglementée. En effet :

  • L’article R. 5132-86 du CSP interdit « la production, la fabrication, le transport, l’importation, l’exportation, la détention, l’offre, la cession, l’acquisition ou l’emploi du cannabis, de sa plante et de sa résine, des produits qui en contiennent ou de ceux qui sont obtenus à partir du cannabis, de sa plante ou de sa résine » ;
  • Néanmoins, ce même article prévoit que peuvent être autorisées : « la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation industrielle et commerciale de variétés de cannabis dépourvues de propriétés stupéfiantes ou de produits contenant de telles variétés peuvent être autorisées, sur proposition du directeur général de l’agence, par arrêté des ministres chargés de l’agriculture, des douanes, de l’industrie et de la santé ».

Sur la base de cette dérogation légale, un arrêté ministériel du 30 décembre 2021 a autorisé « la culture, l’importation, l’exportation et l’utilisation commerciale des seules variétés de cannabis sativa L. dont la teneur en delta-9-tétrahydrocannabinol (THC) n’est pas supérieure à 0,30% ». La réglementation française permet donc l’utilisation de certaines variétés de chanvre, (quasiment) dépourvues de propriétés stupéfiantes.

Il est par ailleurs intéressant de préciser que dans le décret du 23 décembre 2021[3], qui a actualisé la liste des interdictions issues du Code mondial antidopage, on retrouve, parmi les substances et méthodes interdites en compétition, les cannabinoïdes en classe S8 étant précisé que « tous les cannabinoïdes naturels et synthétiques sont interdits, sauf le cannabidiol »[4]. Le CBD n’est donc pas reconnu comme produit dopant.

III. L’encadrement juridique pour la publicité effectuée autour du CBD ?

Quid de l’application du cadre légal sur la publicité pour le tabac ?

Tout d’abord, l’article L. 3512-4 du CSP dispose que : « La propagande ou la publicité, directe ou indirecte, en faveur du tabac, des produits du tabac, des ingrédients définis à l’article L. 3512-2 […] sont interdites. […] Toute opération de parrainage ou de mécénat est interdite lorsqu’elle est effectuée par les fabricants, les importateurs ou les distributeurs de produits du tabac ou lorsqu’elle a pour objet ou pour effet la propagande ou la publicité directe ou indirecte en faveur du tabac, des produits du tabac et des ingrédients définis à l’article L. 3512-2 ». L’article L. 3512-1 CSP précise que : « Sont considérés comme produits du tabac les produits pouvant être consommés et composés, même partiellement, de tabac, qu’ils soient ou non génétiquement modifiés ».

La publicité pour le tabac est donc strictement interdite en France. Cependant, ne comportant pas de tabac, le chanvre n’est pas concerné par la prohibition de la publicité pour le tabac prévue par le CSP.

Conditions de l’autorisation de la publicité autour du CBD :

Dans le strict respect des lois et règlements qui régissent la publicité [5], comme tout produit ou article, les dérivés du CBD peuvent bénéficier d’un soutien publicitaire. En effet, chaque propriétaire de commerce doit pouvoir faire la promotion de ses produits pour atteindre la clientèle adaptée.

Ainsi, le corpus législatif actuellement en vigueur n’interdit pas la publicité sur les produits CBD. Il a néanmoins imposé une condition sine qua none : « Ils ne peuvent, sous peine de sanctions pénales, revendiquer des allégations thérapeutiques, à moins qu’ils n’aient été autorisés comme médicament par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ou la Commission européenne sur la base d’un dossier évalué selon des critères scientifiques de qualité, sécurité et efficacité »[6].

Il en ressort qu’aucune annonce publicitaire ne doit évoquer d’éventuels bienfaits médicaux des dérivés CBD ; un tel acte reviendrait à vulgariser les stupéfiants comme remèdes. Néanmoins, de telles allégations thérapeutiques sont autorisées pour les produits CBD considérés comme médicaments et validés par l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé ou la Commission européenne.

En tout état de cause, les publicités en faveur de produits contenant du CBD ne doivent pas entretenir de confusion entre le cannabis et le CBD, c’est-à-dire faire l’amalgame avec une consommation de cannabis à usage récréatif et ainsi faire la promotion du cannabis[7]. 

Cette confusion est d’autant plus préjudiciable que les risques liés à la consommation de cannabis sont de mieux en mieux documentés par les études scientifiques. Cette pratique trompeuse est susceptible de constituer l’infraction pénale de provocation à l’usage de stupéfiant.

  • L’article L. 3421-4 du CSP dispose que : « La provocation au délit prévu par l’article L. 3421-1 ou à l’une des infractions prévues par les articles 222-34 à 222-39 du code pénal, alors même que cette provocation n’a pas été suivie d’effet, ou le fait de présenter ces infractions sous un jour favorable est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende.
  • Est punie des mêmes peines la provocation, même non suivie d’effet, à l’usage de substances présentées comme ayant les effets de substances ou plantes classées comme stupéfiants ».

A cet égard, il sera d’ailleurs intéressant de vérifier si la société qui souhaite sponsoriser un club ou un sportif, a pu enregistrer sa marque auprès de l’INPI. En effet, l’utilisation et le dépôt d’une marque CBD est possible, à la condition notamment que cette marque ne puisse être considérée comme une incitation à consommer des stupéfiants, ou à entretenir une confusion entre le cannabis récréatif et les produits à base de CBD[8]. A défaut, le dépôt de marque sera refusé car « contraire à l’ordre public ou dont l’usage est légalement interdit ; ou de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service »[9].

Cela peut ainsi constituer pour un organisateur de compétition, dans certains cas, un indicateur intéressant sur la légalité du sponsoring envisagé.

IV. Conclusion

Pour conclure, la législation actuelle ne semble interdire un club d’organiser dans le cadre de sponsoring, de la publicité pour du CBD. Cependant, il ne faudrait pas y énoncer ses bienfaits pour la santé sans autorisation spéciale, et créer un amalgame avec le cannabis (qui contient par principe du THC), au risque d’être accusé de provocation à l’usage de stupéfiant.

Dès lors, rien n’interdit aujourd’hui à une équipe ou à un joueur de porter un maillot comportant le logo d’une marque de CBD, à la condition que le patch en question (qui devra par ailleurs respecter la réglementation prévue par les règlements de la compétition visée en matière de sponsor maillot (nombre, dimension et autres caractéristiques des patchs) ne fasse notamment pas, uniquement figurer une feuille de chanvre/cannabis.

En effet, la présence sur un logo d’une « simple » feuille de cannabis ne permet pas de distinguer le CBD du THC, et par conséquent devrait constituer à elle seule l’infraction pénale précitée. Néanmoins, au regard du droit des marques, il convient de relever que de nombreux signes comprenant la séquence de lettres « CBD », parfois accompagnés de feuilles de cannabis, sont légalement enregistrés auprès de l’INPI à titre de marques verbales ou semi figuratives. 

Ainsi, la mention sur le logo même de la marque de CBD des trois lettres « CBD » paraît être la solution tolérée à la présence de feuilles de « cannabis » sur le maillot.

[1] A titre d’exception, pour certains patients, le THC a des vertus anti-inflammatoires, et peut être autorisé dans le cadre de leur traitement.

[2] Stéphanie Caillé-Garnier, chercheuse au CNRS, https://www.doctissimo.fr/sante/drogues/cannabis/cbd-cannabidiol-explications.

[3] D. n°2021-1776, 23 décembre 2021, portant publication de l’amendement à l’annexe I de la Convention internationale contre le dopage dans le sportif, adopté à Paris le 14 novembre 2021.

[4] L’Agence française de lutte contre le dopage rappelle dans sa délibération n°2017-28 MED du 23 février 2017, que la prohibition à l’usage du cannabis lors des compétitions sportives n’est pas propre qu’à la France mais vaut pour l’ensemble des Etats ayant ratifié la Convention de l’UNESCO contre le dopage dans le sport, comme pour toutes les organisations sportives signataires du Code mondial antidopage.

[5] Parmi eux, nous pouvons citer à titre d’exemple, la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (loi ENE), Grenelle 2 ; le décret du 30 janvier 2012 portant réglementation nationale de la publicité extérieure ; les articles L. 581-1 et suivants & articles R. 581-1 et suivants du code de l’environnement.

[6] Communiqué du 24 novembre 2020 de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) suite à l’arrêt de la CJUE dans l’affaire C-663/18, dite Kanavape, le 19 novembre 2020.

[7] Cannabidiol (CBD) le point sur la législation, https://www.drogues.gouv.fr/actualites/cannabidiol-cbd-point-legislation.

[8] Maître Pierre Hoffman, Avocat au barreau de Paris – Associé du cabinet Hoffman.[9] Article L. 711-2 du Code de la propriété intellectuelle.

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