Depuis la loi du n°2015-1541 du 27 novembre 2015 visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique, a été instauré un « CDD spécifique » encadré par les dispositions des articles L. 222-2-3 et suivants du Code du sport.
L’arrêt « Padovani », rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 17 décembre 2014, est loin d’être étranger à cette évolution législative et structurelle.
Dans les faits, Michel Padovani avait été engagé par le Sporting Club de Bastia (dont il avait porté les couleurs au cours de sa carrière de footballeur) en 1993, en qualité d’employé administratif. Il a ensuite multiplié les contrats à durée déterminée avec le club pendant 17 ans, en occupant différentes fonctions d’encadrement sportif. Il fut ainsi entraîneur de l’équipe première, de la réserve, mais également d’équipes de jeunes, notamment les moins de 16 ans et les moins de 18 ans.
Lorsque son dernier contrat à durée déterminée arriva à son terme, Michel Padovani saisit la juridiction prud’homale en requalification de la relation de travail en un seul et même contrat à durée indéterminée, qui constitue, en droit, « la forme normale et générale de la relation de travail ».
Saisie de cette affaire après un jugement de première instance, la Cour d’appel de Bastia s’était fondée sur des motifs tirés de l’aléa sportif et du résultat des compétitions pour retenir que les différents contrats à durée déterminée de Michel Padovani avaient été régulièrement conclus, en application des dispositions légales régissant le CDD d’usage.
En effet, dès lors que le contrat de travail à durée déterminée ne saurait avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise, le sport professionnel figurait au nombre des secteurs d’activité dans lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée, en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de l’emploi.
Michel Padovani s’étant pourvu en cassation, il appartenait ainsi à la Haute juridiction de répondre à la question de savoir si l’emploi d’entraîneur professionnel avait, notamment compte tenu de l’aléa sportif, nécessairement un caractère par nature temporaire. Le cas échéant, il n’y aurait pas lieu à requalification en contrat à durée indéterminée.
La réponse de la Cour de cassation
Interprétant les dispositions du code du travail à la lumière de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en œuvre par la directive 1999/ 70/ CE du 28 juin 1999, la Cour de cassation a censuré ce raisonnement.
Il incombait, nous dit-elle en reprenant les termes des exigences fixées par la législation européenne, aux juges du fond de vérifier si l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs était justifiée par des raisons objectives, qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.
En application stricte des textes, la position de la Haute juridiction rappelle que le secteur professionnel ne saurait, à lui seul, justifier le recours au CDD d’usage. Était ainsi mise en exergue la différence, entre le fait d’évoluer dans un secteur donné, d’une part, et d’occuper, au sein dudit secteur, un emploi par nature temporaire, d’autre part. En l’occurrence, il s’avérait complexe de soutenir que l’emploi occupé par l’entraîneur corse, pendant 17 ans au sein du club, revêtait un caractère temporaire.
L’arrêt de la Cour de cassation marque la jurisprudence sportive car ici la Chambre sociale écarte, par principe, la notion « d’aléa sportif et du résultat des compétitions ». Dans ce sens, le rapport KARAQUILLO qui préfigurera la loi du 27 novembre 2015 créatrice du CDD « spécifique » fera référence aux propos tenus par l’avocat général Hubert Liffran, dans son avis de novembre 2014 rendu sur cette affaire.
Il résume ainsi la position de la Cour en considérant que « les joueurs et les entraîneurs sont recrutés, non pas pour faire face à un besoin ponctuel et temporaire mais bien pour assurer l’activité permanente du club [et] que les emplois de joueur et d’entraîneur sont consubstantiels à l’existence même du club…, que ces emplois ont nécessairement un caractère permanent ».
Il ajoute qu’il est, en pratique, très difficile « aux clubs, en cas de demande en requalification, d’établir, quelles que soient les dispositions conventionnelles existant par ailleurs, l’existence d’éléments objectifs s’entendant de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi de joueur ou d’entraîneur ».
Ces propos laissaient peu de place à la survie du CDD d’usage comme contrat de principe dans le sport professionnel et confortent la nécessité de créer un nouveau contrat qui sera plus tard matérialisé par le CDD « spécifique ».
Maître Gautier Kertudo & Marc-Anthony EKOKO – Cabinet Barthélémy Avocats