Sentence Valieva – TAS, 14 février 2022

par | 27, Sep, 2022

Focus sur la sentence relative à la suspension provisoire de la patineuse russe Kamila Valieva avec Maître William Sternheimer.

Tu avais été interviewé par L’Équipe dans le cadre de l’affaire Kamila Valieva. Que peux-tu nous dire sur ce dossier ? 

Kamila Valieva est une patineuse artistique Russe qui au moment des faits avait 15 ans. Le 25 décembre 2021, la jeune athlète fournit un échantillon d’urine au cours du Championnat Russe de Patinage Artistique. Le 7 février 2022, elle participe aux Jeux Olympiques de Pékin à la compétition par équipe, en tant que représentante du Comité Olympique Russe puisque les athlètes devaient concourir sous bannière neutre. Au cours de cette épreuve, la Russie remporte la médaille d’or. Plus tard dans la journée, le laboratoire antidopage de Stockholm rend les échantillons réalisés sur Valieva le 25 décembre 2021 et trouve une substance non spécifiée.

Le lendemain de la victoire, elle se voit notifier l’ouverture d’une procédure antidopage contre elle et est suspendue provisoirement. 

Le lendemain, Kamila Valieva demande une audience devant Rusada (l’agence antidopage russe) pour demander la levée de sa suspension provisoire. Rusada décide de faire droit à sa demande.

Le Comité International Olympique (CIO), l’Agence Mondiale Antidopage (AMA) et la Fédération Internationale de Patinage (ISU) font appel de cette décision afin que la suspension provisoire soit de nouveau imposée.

Quelles sont les problématiques juridiques en débat? Le TAS pouvait-il suspendre provisoirement la sportive?

Tout s’est passé sous l’égide de la réglementation russe, mais celle-ci pour ce dossier là était strictement identique aux règles du Code mondial antidopage. En principe, en présence d’une substance non spécifiée, les athlètes sont automatiquement suspendus provisoirement. C’est après à l’athlète de prouver que la cause du résultat positif était probablement un produit contaminé. 

L’argument principal du CIO et de l’AMA était de dire qu’il n’y a pas de distinction pour les sportifs mineurs (athlètes protégés – de moins de seize ans). L’AMA considérait que cette suspension provisoire s’applique peu importe la distinction entre les personnes protégées ou non. L’argument de l’athlète était quant à lui de considérer qu’il existe un régime particulier pour les personnes protégées, notamment pour ce qui concerne les régimes d’absence de faute ou de faute significative, et des sanctions bien moins importantes. Ce régime particulier devait aussi s’appliquer à la question de la suspension provisoire.

Le raisonnement du TAS a été le suivant : « AMA vous avez un régime particulier pour les personnes protégées pourtant vous souhaitez que le régime de la suspension provisoire des personnes non protégées s’applique à tous ». Le TAS a, à ce titre, considéré qu’il était injuste et disproportionné de maintenir une sanction provisoire à l’égard d’une personne protégée qui, si elle arrive à prouver une absence de fautes significative (qui peut aboutir à une réprimande), aurait donc été suspendue (provisoirement) pour rien. 

La question principale était donc liée à la considération d’une potentielle réparation du préjudice de l’athlète en considérant qu’il y avait un vide juridique dans le Code mondial antidopage concernant la distinction entre les personnes protégées ou non pour ce qui est du régime de la suspension provisoire.

Pour information, le fond du litige est toujours en cours. 

Quelle est la portée de cette sentence?

La portée est intéressante dans la mesure où aujourd’hui le TAS a considéré qu’il existait un vide juridique dans le Code mondial antidopage. Si l’AMA, quand bien même elle a exprimé publiquement son désaccord avec la position du TAS, veut répondre à cette problématique, et quand bien même les sentences du TAS n’ont pas de valeur de précédent, elle va devoir réviser son Code.

Crédit photo : Eurosport

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