Sentence VADA II – TAS, 11 janvier 2013

par | 20, Sep, 2022

La FIFA interdit depuis 2001, par principe, les transferts internationaux de joueurs mineurs à l’article 19 du Règlement sur le Statut et le Transfert du joueur (RSTJ). Quelques exceptions sont toutefois prévues à l’alinéa 2 de ce même article. Parmi ces dernières, l’exception européenne : « Le joueur est âgé de plus de 16 ans et est transféré à l’intérieur du territoire de l’Union européenne et/ou de l’Espace économique européen ». Il ressort des dispositions de l’exception européenne (article 19, al 2.b du RSTJ) que le critère déterminant pour autoriser les transferts de joueurs mineurs entre seize et dix-huit ans, n’est pas celui de la nationalité du mineur (critère subjectif) mais celui du territoire de l’UE/EEE (critère objectif)1. Ainsi cette disposition ne concerne que les clubs (celui d’origine, d’arrivée ou le club du premier enregistrement) évoluant au sein de l’UE/EEE. Dès lors, l’enregistrement préalable du jeune joueur dans un club situé dans l’espace UE/EEE semble être, a priori, une condition sine qua non, à l’admission de cette exception2, alors que le fait que le joueur ait la nationalité de l’un des États de l’UE/EEE semble insignifiant à la FIFA3.

Toutefois, une sentence du TAS  est venue remettre en question l’appréciation de l’article 19, al. 2b par la FIFA, en déterminant lequel des deux critères, celui de nationalité ou celui de territorialité, devait prévaloir lors d’un transfert international de joueur de football mineur. 

Il convient pour comprendre les enjeux de cette sentence, de procéder à un bref rappel des faits. Valentin VADA, italo-argentin, est un jeune joueur de football ayant été courtisé très jeune par le club de football français des Girondins de Bordeaux (FCGB). Depuis l’âge de 9 ans, il évoluait au sein du programme appelé « Proyecto Crecer », d’une association argentine, autrement dit, un projet de formation et de recrutement de jeunes joueurs de football vers le FCGB. En février 2011, le club bordelais proposa à Valentin un contrat, alors qu’il n’était âgé que de 15 ans. Offre, qu’il accepta. Toute sa famille décida de l’accompagner dans ce nouveau projet. Le 6 mai 2011, la Fédération Française de Football entrait sur la plateforme TMS, une demande d’enregistrement relative au transfert international de Valentin VADA. Le 17 mai 2011, le Juge de la Sous-Commission du Statut du Joueur de la FIFA refusa ladite demande, en considérant « qu’il ne pouvait être établi de manière claire et indubitable, que les parents du joueur s’étaient installés en France pour des raisons qui n’étaient en aucun cas liées au football »4.

Une déclaration d’appel fût alors déposée devant le TAS, qui refusa elle aussi le transfert par une sentence, le 22 décembre 2011. Le FCGB déposa ainsi, au lendemain du seizième anniversaire de Valentin VADA, le 7 mars 2012, une nouvelle demande auprès de la Sous-Commission de la FIFA, mais cette fois-ci sur le fondement de l’article 19, al. 2b.

Valentin VADA espérait se prévaloir de son passeport italien. Cependant le Juge de la FIFA refusa une nouvelle fois la demande de la FFF de délivrance du CIT, au motif que ladite exception concerne uniquement les transferts au sein de l’espace UE/EEE (critère objectif) et non ceux de mineurs résidant hors de l’UE/EEE, disposant d’un passeport d’un pays de l’UE/EEE (critère subjectif) : « Le Juge Unique a considéré que ladite exception était basée sur un critère objectif de territorialité, sans prise en compte de critère de personnalité »5.

Le club avait alors saisi à nouveau le Tribunal Arbitral du Sport en contestation de la décision. Par une sentence du 11 janvier 2013, ce dernier annula la décision FIFA, permettant à Valentin Vada de voir sa demande d’enregistrement au sein du club de Bordeaux acceptée.

Il est à noter, que cette appréciation intervient dans le sens inverse d’une précédente affaire6 au sein de laquelle le TAS avait suivi au mot les dispositions de l’article 19 al. 2b du RSTJ, en ne tenant notamment pas compte de la double nationalité du joueur7.

Dans cette sentence, le TAS a tout d’abord effectué, une interprétation dite « objective »8 des dispositions de l’article 19, al. 2b de la FIFA  en considérant que : « seule la question du territoire dans lequel se déroule le transfert international devant être examinée »9 . Cela était sans compter la découverte par l’un des conseils de l’appelant d’un document, visiblement une note interne10 de la FIFA relative à la problématique du transfert international de joueurs mineurs. Cette dernière entrait en contradiction avec l’interprétation stricte de la règle de la FIFA, puisqu’elle précisait qu’il « n’existe pas de jurisprudence établie pour les demandes concernant des citoyens de l’UE cherchant à être transférés depuis l’extérieur de l’UE/EEE vers un club de l’UE/EEE »11 . Ladite pièce produite indiquait également que dans certaines circonstances très particulières non prévues par les exceptions, des demandes d’enregistrement pouvaient être formulées par les clubs à la Sous-Commission FIFA. Selon ledit document, la Sous-Commission de la FIFA aurait pris des décisions laissant paraître deux interprétations divergentes. En pratique et dans la majorité des cas, c’est le critère de la nationalité qui prévaut sur celui de territorialité et qui est utilisé par la Sous-Commission12. Ainsi, deux interprétations de l’article 19, al. 2b du RSTJ divergent : la première se borne à l’appréciation du critère objectif de territorialité, en défendant le principe communautaire de liberté de circulation des travailleurs dès l’âge de seize ans. La seconde, moins utilisée, considère que les dispositions de l’article 19, al. 2b portent atteinte au principe de la libre circulation des travailleurs. Cependant, cette restriction se justifie par la volonté de protection des mineurs, conformément à l’accord conclu en 200113. Le TAS interprète, lui, subjectivement le texte, faisant ainsi prévaloir le critère de nationalité sur celui de territorialité : « Le joueur disposant de la nationalité de l’un des pays membres de l’UE ou de l’EEE est autorisé à bénéficier de l’exception figurant à l’article 19, al. 2b du règlement FIFA » .

Au regard de ce qui précède, et de la nouvelle appréciation du TAS, l’exception européenne pourrait être renommée l’exception de « citoyenneté européenne »14. Par ailleurs, la Formation du TAS dans la sentence VADA II, consacre le caractère non-exhaustif des exceptions figurant à l’article 19, al. 2 du RSTJ FIFA en instaurant une nouvelle exception à l’article 19 du RSTJ, se basant sur le critère de nationalité .

  1. BARROSO Juan Pedro, « La protection des joueurs mineurs au sens de l’art. 19 RSTJ », Tribunal Arbitral du Sport, Bulletin TAS, 2019/1, p.17.
  2. TAS 2012/A/2862, 11 janvier 2013, FC Girondins de Bordeaux c. Fédération Internationale de Football Association (FIFA), par. 9.
  3. PALAZZO Ivan, « Discriminación de la FIFA e incoherencia del TAS », Iusport, 2013, p.2.
  4. TAS 2012/A/2862, 11 janvier 2013, FC Girondins de Bordeaux c. Fédération Internationale de Football Association (FIFA), par. 9.
  5. Ibid, par.19.
  6. TAS 2009/A/1810 & 1811, 5 octobre 2009, SV Wilhelmshaven v. Club Atlético Excursionistas & Club Atlético River Plate.
  7. PALAZZO Ivan, « Discriminación de la FIFA e incoherencia del TAS », Iusport, 2013, p.3.
  8. BARROSO Juan Pedro, « La protection des joueurs mineurs au sens de l’art. 19 RSTJ », Tribunal Arbitral du Sport, Bulletin TAS, 2019/1, p.19.
  9. TAS 2012/A/2862, 11 janvier 2013, FC Girondins de Bordeaux c. Fédération Internationale de Football Association (FIFA), par. 92.
  10. Ibid, par. 42.
  11. TAS 2012/A/2862, 11 janvier 2013, FC Girondins de Bordeaux c. Fédération Internationale de Football Association (FIFA), par. 45.
  12. BARROSO Juan Pedro, « La protection des joueurs mineurs au sens de l’art. 19 RSTJ », Tribunal Arbitral du Sport, Bulletin TAS, 2019/1, p.19.
  13. 119 TAS 2012/A/2862, 11 janvier 2013, FC Girondins de Bordeaux c. Fédération Internationale de Football
  14. STERNHEIMER William, VERDET Heidi, PERLEMUTER Jérôme « Transfers of minors in football », Play on the Morgan sports law podcast, Spotify, Épisode 8, 27 Janvier 2021, 19 minutes et 55 secondes.

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