Arrêt Bosman – CJCE, 15 Décembre 1995, affaire C415/93
Dans les faits, un joueur de football professionnel, Jean-Marc BOSMAN, avait signé un contrat courant jusqu’au 30 juin 1990 avec le Royal Club Liégeois en Belgique. À l’arrivée du terme de son contrat, son club lui proposa un renouvellement de contrat avec une diminution de son salaire. Refusant cette offre, le joueur a émis le souhait de ne pas renouveler son contrat et de signer avec le club français de l’USL Dunkerque. Toutefois, le club belge a refusé de libérer le joueur sans le paiement d’une indemnité de la part du club français. Le joueur a donc saisi les tribunaux belges qui ont, à leur tour, saisi la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE).
L’importance de cet arrêt consiste tout d’abord en la reconnaissance du sport comme entrant dans le champ d’application du droit communautaire. Ce constat avait déjà été reconnu précédemment par la CJCE dans les arrêts Walrave & Koch (1) et Donà (2), qui avaient considéré que le sport pouvait être soumis au respect des principes issus du droit communautaire dès lors qu’il constitue une activité économique.
C’est donc ce principe d’applicabilité du droit communautaire au sport professionnel qui est consacré dans l’arrêt Bosman en précisant que le transfert des sportifs est soumis au principe de libre circulation des travailleurs, prévu à l’article 48 du Traité de Rome (devenu article 45 du TFUE), à condition que le sportif effectue des activités donnant lieu à une rémunération peu importe si cette activité est fondée sur une relation de travail ou à titre indépendant contre des prestations de services rémunérées.
Concernant les indemnités de transfert, il convient de rappeler qu’étant considéré comme un transfert international, c’est le règlement FIFA de l’époque qui s’est appliqué. Ce dernier prévoyait une indemnité de transfert versée par le club recruteur au club cédant, et ce, même si le joueur était en fin de contrat.
Ainsi, parmi les questions préjudicielles posées par le tribunal belge à la CJCE, il s’agissait de déterminer la compatibilité de la réglementation FIFA relative aux transferts avec le principe de libre circulation des travailleurs.
Dans sa réponse, la CJCE a considéré que le règlement FIFA sur les transferts des joueurs en vigueur à cette époque constituait une entrave au principe de libre circulation des sportifs désirant exercer leur activité dans un autre État membre. En ce sens, la CJCE a considéré que ces dispositions dissuadaient les joueurs de quitter leurs clubs même après l’arrivée du terme de leur contrat de travail (3). Selon la CJCE, l’entrave est établie par le fait que le règlement FIFA prévoit qu’un joueur professionnel ne peut exercer son activité au sein d’un nouveau club établi dans un autre État membre si ce dernier ne s’est pas acquitté d’une indemnité de transfert. Les juges de Luxembourg se sont donc catégoriquement opposés à l’application de ces règlements sportifs imposant le versement d’une indemnité de transfert par le club recruteur au club cédant à l’expiration du contrat du joueur.
Il est important de noter que l’apport de l’arrêt Bosman se limite aux transferts intracommunautaires. En d’autres termes, les transferts purement nationaux de sportifs ne sont pas concernés par l’incompatibilité du règlement FIFA avec le droit communautaire. L’arrêt énonce que « les dispositions du Traité en matière de libre circulation des travailleurs ne peuvent être appliqués à des situations purement internes à un État membre, c’est-à-dire en l’absence de tout facteur de rattachement à l’une quelconque des situations envisagées par le droit communautaire ». (4) La Commission Européenne a repris cette solution (5).
Par ailleurs, la question s’est posée dans le cadre de l’arrêt Bosman de savoir si les règlements des fédérations nationales et internationales, qui limitaient l’accès à des joueurs étrangers ressortissant d’États membres en fixant un maximum de joueurs étrangers dans chaque club, étaient contraires aux articles 48 du TCE.
Sur ce point, la CJCE a considéré que l’article 48 du TCE, qui interdisait toute discrimination fondée sur la nationalité, s’oppose à cette restriction basée sur la nationalité des joueurs communautaires (6). Les juges ont estimé que ces restrictions basées sur la nationalité mettaient en péril la substance même de l’article 48 du TCE en ce qu’elles anéantissent le droit d’accéder à un travail au sein de la Communauté (7).
Enfin, la CJCE a précisé que les clauses de nationalité appliquées par les fédérations concernaient toutes les rencontres officielles entre clubs et par ricochet à une grande partie de l’activité du sportif professionnel et non seulement le cas des matchs entre équipes nationales, pour lesquels l’on pouvait admettre des aspects purement sportifs, consistant en la représentation de l’État membre.
Par Maître Juan de Dios Crespo Perez avec les concours de Youssef El Amine et Victor Omnes – Stagiaires à Ruiz-Huerta & Crespo Sports Lawyers – www.ruizcrespo.com
- CJCE, 12 décembre 1974, Walrave & Koch, affaire 36-74
- CJCE, 14 juillet 1976, Donà, affaire 13-76
- CJCE, 15 décembre 1995, Bosman, paragraphe 87
- Paragraphe 89
- Déc. CE 2 octobre 1998, affaire Castiella & Farragut
- Paragraphe 119
- Paragraphe 129