Conseil d’État, 28 avr. 2014, FFF c. Leonardo, n°373051

par | 7, Mar, 2023


Dans l’affaire dite « Leonardo », le Conseil d’Etat statue sur les limites du pouvoir disciplinaire détenu par les fédérations sportives, ne pouvant s’appliquer qu’aux seuls organismes agrées et aux licenciés auprès de ces fédérations. L’absence de licence prive la fédération de ce pouvoir, rendant illégale toute sanction prononcée à l’égard d’une personne physique ou morale qui ne possèderait pas ce statut.

Suite à une altercation avec un arbitre lors d’un match de football opposant le club du Paris Saint Germain (PSG) avec celui de Valenciennes en mai 2013, le directeur sportif du PSG, Leonardo Nascimento de Araujo est suspendu par la commission supérieure d’appel de la Fédération Française de Football (FFF). Dotée d’un pouvoir disciplinaire par les articles L.131-8 et R. 131-3 du Code du Sport, cette dernière applique ainsi son règlement disciplinaire interne, et prononce une suspension d’une durée de quatorze mois (donc jusqu’au 30 juin 2014) matérialisée par une interdiction de « toute participation directe au déroulement d’une rencontre à quelque titre que ce soit ou toute fonction de représentation auprès ou au sein des instances sportives ». Cette sanction est notifiée à la FIFA pour extension aux autres associations membres de la fédération internationale (1). Le directeur sportif mis en cause formule alors une demande d’avis auprès du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) et plus particulièrement auprès de sa chambre des conciliateurs, dans le respect des procédures relatives aux litiges entre les fédérations, les groupements sportifs affiliés et ses licenciés. Bien que cette saisine représente un préalable obligatoire à toute saisine de la justice administrative et qu’elle soit prévue par le Code du Sport, cette dernière n’aboutit cependant à aucun avis, la chambre des conciliateurs se déclarant incompétente : le directeur sportif ne possède en effet pas de licence, le litige ne peut en conséquence faire l’objet d’une demande de conciliation. Sans donner aucune précision sur le fond de la requête en annulation, et en refusant de statuer, la Chambre des conciliateurs invite donc le directeur sportif suspendu à se tourner vers la juridiction administrative.

Ce dernier saisit alors le juge des référés du Tribunal Administratif de Paris d’une demande en référé-suspension. Le juge prononce par la suite, au moyen d’une ordonnance du 15 octobre 2013 (2), la suspension de la décision de la commission supérieure d’appel de la FFF. Le juge caractérise ici l’urgence au regard de « l’étendue de la suspension à toute participation directe au déroulement d’une rencontre » et des « effets de la sanction prononcée à l’encontre de M. de Araujo sur sa carrière professionnelle ». Le requérant ne possédant pas de licence auprès de la fédération, la commission d’appel ne disposait manifestement pas du pouvoir de prendre une sanction à son encontre selon le juge. Il relève également qu’il existe « un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée », en raison de cette absence de licence lors de la prise de décision de l’organe disciplinaire. Le juge accède ainsi à la demande du directeur sportif de suspendre en référé la décision de l’organe disciplinaire de la FFF, après avoir caractérisé l’urgence, le doute sérieux sur la légalité de la décision et la gravité de l’atteinte portée par la décision (3). 

A la suite de cette ordonnance, le Tribunal Administratif de Paris statuant alors au contentieux, confirme par un arrêt du 17 juin 2014 la position adoptée en référé. Il considère ainsi que l’organe disciplinaire de la FFF n’est doté du pouvoir disciplinaire qu’à l’égard des personnes ayant la qualité de licencié auprès de cette dernière. Il refuse l’interprétation de la FFF selon laquelle ses organes disciplinaires seraient dotés du « pouvoir d’infliger une sanction disciplinaire à des personnes qui prendraient part, sans être licenciées, aux compétitions pour lesquelles elles ont reçu délégation », aucune disposition législative ne reconnaissant ce pouvoir. Le juge prononce ainsi l’annulation de la sanction de suspension prise par la commission supérieure d’appel de la FFF.

A la suite de cette décision, la FFF se pourvoit en cassation devant le Conseil d’Etat (4). Ce dernier, reprenant les éléments du référé-suspension, mais surtout ceux avancés lors de la décision au contentieux, confirme l’interprétation du juge administratif. Il refuse de reconnaître à un organe disciplinaire d’une fédération sportive (qu’elle soit délégataire de service public ou non) un pouvoir de sanction disciplinaire à l’égard des personnes non licenciées auprès de cette dernière. La haute juridiction précise enfin que l’existence de ce pouvoir doit être apprécié à la date « à laquelle il est statué par l’organe disciplinaire compétent de la fédération ».

L’ensemble des juridictions, du juge administratif au Conseil d’Etat s’accordent dans cette affaire sur une appréciation stricte des pouvoirs disciplinaires accordés aux fédérations agréées ou délégataires de service public : elles ne peuvent en faire usage que sur les personnes, physique ou morales, qui ont souscrit à une prise de licence auprès d’elles. Sans cette licence, il n’existe pas de lien entre ces entités permettant l’exercice d’un tel pouvoir.

Crédit photo : France Bleu

  1. Cette notification est prévue par en application de l’article 136 du code disciplinaire de la fédération internationale de football association (FIFA)
  2.  Tribunal de Paris, Réf, 15 octobre 2013 (Leonardo De Araujo, no 1313375/9)
  3.  Selon les critères définis par l’article L. 521-1 du Code de la Justice Administrative
  4.  Conseil d’État, 2ème / 7ème SSR, 28/04/2014, 373051

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