Arrêt Lehtonen – CJCE, 13 avril 2000

par | 21, Juin, 2022

CJCE, Arrêt en date du 13 avril 2000- Jyri Lehtonen et Castors Canada Dry Namur-Braine ASBL c/ Fédération Royale Belge des Sociétés de Basketball ASBL (FRBSB). 

Dans les faits, un joueur de basket professionnel, Jyri Lehtonen, avait fait l’objet d’un transfert depuis un club finlandais vers un club belge, les Castors Braine, en dehors de la période d’enregistrement établie par les institutions compétentes.

Pour cette raison, la Fédération Internationale de Basket (FIBA), avait refusé de délivrer la Licence de transfert (nécessaire à la validité d’une telle mobilité). Le club belge avait pourtant inscrit à deux reprises le joueur finlandais sur la feuille de match, et l’avait fait jouer lors de l’un de ces deux matchs, ce qui lui a valu d’être sanctionné par la Fédération Nationale Belge de Basketball par un double forfait.

Suite à cela, le club belge et le joueur s’étaient associés pour déposer une requête en référé devant le Tribunal de première instance de Bruxelles, afin que soit levée la sanction de forfait prononcée par la Fédération Nationale, et que soit assurée l’impossibilité pour la fédération de réitérer ce type d’action à son égard.

Le Tribunal Belge avait alors décidé de saisir la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) d’une question préjudicielle.

Cette dernière portant sur la légitimité de telles sanctions au regard de la liberté de circulation des biens et des personnes au sein de la Communauté Européenne, fut formulée ainsi :

« Les dispositions réglementaires d’une fédération sportive, faisant interdiction à un club d’aligner pour la première fois un joueur en compétition s’il a été engagé après une date déterminée, sont-elles ou non contraires au traité de Rome lorsqu’il s’agit d’un joueur professionnel ressortissant d’un État membre de l’Union européenne, nonobstant les raisons sportives invoquées par les fédérations pour justifier lesdites dispositions, à savoir la nécessité de ne pas fausser les compétitions? ».

La Juridiction Européenne a ainsi statué sur cette problématique en confirmant la légalité et la légitimité desdites dispositions et plus généralement des réglementations des instances sportives qui poursuivent des intérêts non économiques, telles que l’éthique sportive.

Si ces dernières encadrent et limitent les possibilités pour un joueur de changer de club et de participer à des matchs auprès de ce dernier, cette limitation est proportionnellement justifiée au but poursuivi, soit l’assurance de la régularité des compétitions.

Autrement dit, la C.J.C.E. a indiqué à l’occasion de cette décision que des règles sportives visant à assurer la stabilité des équipes afin de garantir la régularité des compétitions et l’intégrité des championnats peuvent être considérées comme légitimes. La Fédération Belge et la Fédération Internationale de Basket seraient donc en droit d’imposer de telles régulations à la mobilité des joueurs, au regard des différentes caractéristiques et missions du sport, qui n’est plus considéré comme une simple activité économique depuis l’arrêt Bosman (1). 

Si les règles de l’UE ont évolué et ont été modifiées dans le temps, depuis sa création sous la forme de CEE, la libre circulation des biens et des personnes a toujours été l’un des piliers de l’institution européenne. Dès la publication du Traité de Rome, il est possible de trouver à l’article 3, cet objectif de liberté de déplacement, preuve du caractère essentiel de cette disposition.

À la suite de l’arrêt Bosman, la remise en question de la période de transfert était attendue. La barrière tarifaire étant reconnue comme contraire au principe de la libre circulation des biens et des personnes, la logique aurait voulu la même chose pour la barrière temporelle, touchant directement à la possibilité du transfert en lui-même. Le marché des transferts de joueurs de football semblait, à la vue de l’arrêt Bosman, devoir évoluer pour se calquer sur le fonctionnement de tout autre marché, ce qui impliquait une possibilité constante d’échanges, et ce peu importe la période de l’année. Mais cela était sans compter l’autre partie fondamentale de l’arrêt Bosman, à savoir la reconnaissance du sport comme étant plus qu’une simple activité économique. 

L’exception prononcée ici par la Cour ne s’inscrit, de ce fait, pas totalement à contre-courant de cette intuition première : si la période de mercato est jugée comme conforme avec les principes fondateurs de la communauté européenne, c’est tant qu’elle est la garantie d’un autre pilier fondateur, la juste concurrence au sein des compétitions sportive, gage de leur régularité.

Cette possibilité n’est cependant pas absolue, restant in fine contraire à un principe central des libertés européennes. La Cour énonce clairement que si ces dispositions peuvent être justifiées, elles doivent être proportionnées à cet objectif, et adaptées au contexte en question : nécessités des disciplines concernées, appartenance du joueur à la zone européenne…

Ainsi, en résumé : la Cour de Justice de l’Union Européenne basée à Luxembourg a décidé que la limite temporelle était justifiée par la spécificité du sport. Il s’agissait dans ce cas précis d’éviter de fausser la régularité des compétitions.

Cette décision intervient à seulement quelques jours d’un autre arrêt rendu par la CJCE quant aux atteintes pouvant être portées à la liberté de circulation des personnes au sein de la communauté européenne : l’arrêt Deliège, qui fera l’objet d’un prochain papier.

  1.  CJCE, 15 décembre 1995, Union royale belge des sociétés de football association ASBL & Royal club liégeois SA c/ Jean-Marc Bosman.

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