Prolongé jusqu’en 2025, le CDD Sport qui lie le footballeur, Kylian Mbappé au Paris-Saint-Germain (PSG) pourrait prendre fin plus vite que prévu. Ce mercredi 12 octobre, le média Médiapart a publié un rapport affirmant que le club parisien aurait contracté avec l’agence de communication Digital Big Brother – dirigée par Lotfi Bel Hadj qui aurait travaillé pour le PSG – pour mener des campagnes de dénigrement sur internet contre acteurs du football français, comme le président de l’Olympique Lyonnais, Jean Michel Aulas ou encore son propre joueur, Kylian Mbappé. Le PSG, employeur du joueur, via un intermédiaire, aurait donc levé une « armée numérique » de faux comptes pour dénigrer son propre salarié, en rétorsion notamment au ton provocateur que la star française aurait employé lors de la cérémonie des trophées UNFP en 2019.
Sur la base de la faute grave, Mbappé pourrait-il rompre son contrat de travail le liant avec le PSG ?
L’enjeu de la qualification de faute grave. Mbappé et le PSG sont liés par un contrat de travail. Ce contrat est à durée déterminée, il s’agit du CDD sport.
Cependant, le Code du travail prévoit des cas de rupture anticipée du contrat à durée déterminée dans le secteur du sport. Ces cas de rupture, que cette dernière soit à l’initiative de l’employeur ou du salarié, sont limitativement énumérés à l’article L. 1243-1 du Code du travail, parmi lesquels l’accord des parties ou la faute grave de l’employeur.
Le salarié peut donc arguer de la faute grave de son employeur pour solliciter la rupture du contrat. Par faute grave, il faut entendre la faute, c’est-à-dire le manquement de l’employeur à ses obligations légales, conventionnelles et contractuelles, rendant impossible la poursuite du contrat de travail. Or, les parties à un contrat de travail sont tenues d’une obligation légale de loyauté. Le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi, sans intention de nuire.
Et c’est potentiellement là que le bât blesse ! S’il est avéré que le PSG a délibérément initié une campagne de dénigrement du joueur, le manquement à l’obligation de loyauté pourrait être caractérisé. La faute serait alors démontrée. Une simple faute ne peut cependant pas justifier une rupture de CDD. Cette faute doit revêtir un caractère grave.
Très classiquement, les juges retiennent par exemple comme faute grave de l’employeur, et dans une certaine mesure, le défaut de paiement des salaires du joueur, la modification unilatérale du contrat de travail, ou encore la non-fourniture du travail à un joueur.
Dans ces exemples, l’impossibilité de maintenir le contrat de travail est facilement caractérisée.
Compte tenu de la teneur des propos tenus sur les réseaux, du retentissement médiatique, de l’importance de la taille du club et de l’influence de Mbappé, le potentiel manquement à l’obligation de loyauté pourrait être constitutif d’une faute grave. Mais cette qualification est laissée à l’appréciation souveraine des juges.
Autre difficulté pour le joueur : rapporter la preuve de l’implication du club dans la campagne de dénigrement dont il a été victime. Le PSG dément fermement avoir contracté avec une agence dans le but de nuire :
« Le Paris Saint-Germain dément fermement les allégations de Mediapart. Le PSG est une marque internationale qui travaille en permanence avec des agences de social média partout dans le monde pour promouvoir et célébrer les réalisations du Club, de ses collaborateurs et de ses partenaires, comme toutes les entreprises. Le Club n’a jamais contracté avec une agence pour nuire à qui que ce soit »
Un proche du club ajoutant : « On a passé l’année dernière à renouveler Mbappé avec le plus gros contrat du sport mondial et impliquant le président Macron, et vous pensez qu’en même temps on le trollait ? »
Quoiqu’il en soit, Mbappé pourrait dans les prochains jours informer le club de la rupture anticipée de son contrat de travail. Le PSG pourrait par la suite contester cette décision devant le conseil de prud’hommes.
En tout état de cause, si Mbappé tardait à notifier la rupture de son contrat, le caractère grave de la faute s’amenuiserait. Plus le salarié attend, moins il pourra soutenir l’impossibilité de poursuivre le contrat de travail.
Cependant, une étape supplémentaire doit être respectée par les joueurs de football. La Charte du Football Professionnel impose une phase de conciliation entre le joueur et le club devant la commission juridique de la Ligue de Football Professionnel.
Compte tenu des enjeux financiers qui entourent la présence de Mbappé au PSG, l’affaire se terminera probablement devant le Conseil de prud’hommes.
Si la faute grave est caractérisée et considérée comme imputable au PSG, ce dernier pourrait devoir, outre les indemnités de rupture du contrat, des dommages et intérêts pour le préjudice subi par le joueur.
Si au contraire, la faute grave n’est pas considérée comme caractérisée ou imputable au PSG, c’est Mbappé qui pourrait devoir verser des dommages et intérêts au club parisien.
Une autre possibilité serait que les parties préfèrent opter, pour des raisons de confidentialité sur les sommes et responsabilités en jeu, pour une rupture d’un commun accord, ou tout simplement pour le status quo…