La nouvelle règlementation d’agent de joueurs (FIFA)

par | 12, Jan, 2023


Il y a quelques semaines, alors que la phase finale de la Coupe du Monde 2022 au Qatar était lancée, la FIFA, par le biais d’un communiqué de presse de son Président, annonçait la validation du nouveau règlement sur les agents de joueurs de football par le Conseil de la FIFA, en discussion depuis des années. Le règlement est entré en vigueur ce 9 janvier. Les articles 1 à 10 et 22 à 27 du règlement sont relatifs au processus d’obtention d’une licence d’agent et le rendez-vous est fixé au 1er octobre 2023 pour les autres dispositions (exercice de la profession et obligations des agents).

Les objectifs fixés par le nouveau règlement

  •  Relever et fixer des normes professionnelles et éthiques minimales
  •  Garantir la qualité du service fourni à des frais justes, raisonnables, uniformisés
  • Limiter les conflits d’intérêts
  • Améliorer la stabilité contractuelle
  • Améliorer la transparence financière et administrative…

Le texte précise qu’il s’applique à tous les accords de représentation ayant une dimension internationale.

Il précise également que les règlements nationaux devront être conformes à ce règlement FIFA, incorporer ses articles 11 à 21 et donner compétence à des organismes pour, à la fois :

  • Régler les différends
  • Prendre des mesures disciplinaires

Rappel des conditions pour devenir agent sportif

Ci-après, un bref rappel des principales conditions pour devenir agent :

1/ Soumission d’une demande de licence 

2/ Respect des conditions d’éligibilité : elles sont diverses, notamment : ne jamais avoir été reconnu coupable d’une accusation pénale concernant certaines infractions limitativement énumérées (notamment financières), ne pas être un officiel ou employé de la FIFA, ne pas avoir un intérêt direct ou indirect dans un club, une ligue, autre fédération….

3/ Réussite d’un examen organisé par la FIFA. Le futur examen sera organisé par la FIFA et aura lieu dans les locaux de chacune des fédérations nationales. Un agent précédemment licencié conformément aux précédents règlements des agents est exempté de passer l’examen de la FIFA si sa licence est valable jusqu’au 30 septembre 2023 inclus. Ces personnes devront également fournir la preuve qu’elles  ont été agents licenciés conformément audit règlement, et qu’elles remplissent les conditions d’éligibilité.

4/ Paiement d’une cotisation annuelle : le texte rappelle l’exigence d’un « développement personnel continu (DPC » sur une base annuelle pour conserver la licence. Ces exigences sont précisées chaque année par circulaire. Le coût de la cotisation annuelle est fixé à 600 US dollars.

5/ Afin de conserver sa licence, l’agent licencié devra suivre une formation professionnelle continue composée de plusieurs modules et donnant accès à un nombre de crédits minimum. 

Sur le contrat de représentation 

Le nouveau règlement fixe les règles propres au contrat de représentation : 

  • Le contrat de représentation doit être écrit, pas de consensualisme ;
  • Il ne peut dépasser deux ans. Cette durée peut être prolongée par un nouvel accord de représentation. Une clause de reconduction automatique est nulle et non avenue ;
  • Avant de conclure ou modifier un contrat, l’agent doit satisfaire deux conditions cumulatives : informer la personne par écrit qu’elle devrait envisager de prendre un avis juridique indépendant et obtenir la confirmation écrite de la personne qu’elle a obtenue ou décidé de ne pas obtenir ce conseil juridique indépendant.

Le texte acte de la prohibition de la double représentation, sauf en cas de consentement explicite et préalable des deux clients.

Il prévoit la résiliation d’un accord de représentation s’il existe une « raison valable de le faire ». À défaut, ce sera une indemnisation pour tout dommage qui en résulte. Le règlement fixe une liste non limitative des « raisons valables » : retrait ou suspension de licence, interdiction de participer à toute activité liée au football, interdiction d’enregistrer des nouveaux joueurs.

Sur la représentation des mineurs

D’une part, l’agent doit suivre un cours dédié à la représentation des mineurs.

D’autre part, toute approche d’un mineur ou de son représentant légal ne peut être effectuée que six mois avant l’âge auquel le mineur est en droit de signer son premier contrat professionnel selon la loi applicable dans son pays. Il faut, avant toute « approche », le consentement préalable et écrit du tuteur légal du mineur.

La sanction prévue en cas de non-respect est une amende et jusqu’à deux ans de suspension de la licence d’agent (en cas de non-respect de la dernière exigence).

Sur les frais de service et la rémunération 

Le paiement des frais dus en vertu du contrat de représentation est effectué exclusivement par le client de l’agent. Il y a interdiction de passer par un tiers (sauf dans le cadre d’une « dual representation »).

Seule exception : la personne physique représentée possède une rémunération annuelle négociée inférieure à 200 000 USD, et ce, sans compter les paiements conditionnels.

En ce qui concerne le montant de la rémunération dont peut bénéficier un agent FIFA, le règlement prévoit plusieurs cas : (ci-dessous) :

Un agent ne peut pas recevoir d’honoraires de service d’agent de football concernant un mineur, sauf si le joueur signe professionnel.

Mesure attendue, tous les paiements des frais de service aux agents de football seront effectués par l’intermédiaire de la Chambre de Compensation de la FIFA (date non fixée).

Si au moment de l’entrée en vigueur du règlement, le règlement de la chambre de compensation n’en a pas encore prévu les modalités , l’argent ira directement à l’agent, jusqu’à ce que le règlement de la Chambre de Compensation soit « mis à jour ».

Ci-après, droits et obligations de l’agent, notamment :

–    Interdiction d’approcher un joueur qui a un contrat de représentation exclusive avec un autre agent ;

–    Ne pas conclure de contrat avec ledit joueur, sauf dans les deux derniers mois de son contrat de représentation en cours.

Sur les obligations des agents de joueurs

Ci-après, les obligations des agents de joueurs :

  • Remplir des conditions d’éligibilité, 
  • Se conformer aux exigences de la formation continue,
  • Agir dans le meilleur intérêt de son ou ses clients en toutes circonstances, 
  • Éviter les conflits d’intérêts, 
  • Signaler toute infraction au règlement à l’autorité compétente…

Il doit également télécharger tous ses contrats et informations sur la plateforme FIFA.

Sur les interdictions des agents de joueurs

Ci-après, les interdictions afférentes à la profession d’agent de joueurs :

  • Offrir ou payer des avantages personnels, pécuniaires ou autres indus, directement ou indirectement, à des membres de clubs, ligues, associations membres…
  • Omettre de déclarer un conflit d’intérêts
  • Contourner le plafond directement ou indirectement.

Si l’agent manque à ses exigences permanentes en matière de licence (conditions d’éligibilité à tout moment, payer la redevance, conformité aux obligations de déclaration, conformité aux exigences de formation continue) le Secrétaire Général de la FIFA, chargé du respect de ces exigences, leur notifiera leur suspension de licence automatique à titre provisoire. Ensuite, l’affaire sera transmise à la Commission de Discipline de la FIFA.

En matière de transparence : la FIFA met à disposition, notamment :

  • Les coordonnées de tous les agents de football, les clients qu’ils représentent, l’exclusivité ou non exclusivité de leur représentation, et la date d’expiration des mandats ;
  • Les sanctions imposées aux agents et clients ;
  • Les détails de toutes les transactions.

En matière disciplinaire, la compétence de la Commission de Discipline est reconnue et, le cas échéant, de la Commission d’Éthique Indépendante, pour sanctionner.

Dispositions transitoires : les accords de représentation qui expirent au 1er octobre 2023 ou postérieurement et qui sont en vigueur au moment de l’approbation du règlement restent valables.

Reconnaissance des systèmes de licences nationaux 

Une demande de reconnaissance par la FIFA d’un système de licence doit être envoyée au secrétariat général.

Les conditions d’admissibilité de tous les demandeurs ou titulaires de licence, l’obligation pour les candidats de passer un examen comprenant des questions relatives à la réglementation du football et « d’autres exigences substantielles en matière d’éducation ».

La FIFA établira un groupe de travail sur les agents de football composé de représentants des parties du football professionnel  et des organisations d’agent ; il agira en tant qu’organe consultatif permanent.

L’avis des professionnels sur ce nouveau règlement

Le nouveau règlement permet de réparer une erreur assez curieuse commise par la Haute instance du football en 2015. À cette époque, la FIFA, vexée de recevoir de nombreuses plaintes concernant l’exercice de l’activité d’agent, avait décidé de supprimer purement et simplement la licence d’agent sportif et tout examen/formation quant à l’accès à cette activité. La France avait d’ailleurs décidé, à juste titre, de conserver son système de licence.

En rétablissant le système de licence, la FIFA fait donc un rétropédalage qui ne peut qu’être accueilli favorablement, eu égard au public sollicité par les agents sportifs (mineurs, familles, personnes profanes qui ont souvent besoin de comprendre l’écosystème dans lequel ils vivent au quotidien).

Néanmoins, cette nouvelle réglementation bien que dégageant des points positifs, est loin d’être parfaite.

Il faut en effet se satisfaire de l’uniformisation apportée au niveau mondial par la FIFA avec ce nouveau règlement, ainsi que la réintroduction des agents sportifs dans la « famille du football » grâce à la mise en place d’un nouvel examen. 

L’obligation pour les agents de suivre une formation continue obligatoire dans un monde du football en pleine mutation ainsi que le recours à la Chambre de Compensation pour les paiements liés aux dossiers internationaux seront également bien accueillis. 

Par ailleurs, nous ne pouvons que nous réjouir de cette obligation pour le sportif d’être assisté au moment où il s’engage contractuellement avec un agent sportif. Cette position vient confirmer la réglementation applicable dans certains championnats (Premier League) et une pratique de plus en plus répandue, celle de voir le joueur de football avoir recours à ses propres conseils (et ce bien qu’étant représenté par un agent).

La rémunération des agents qui interviennent dans le cadre de la signature du contrat professionnel d’un joueur mineur est enfin à saluer.

En revanche, la volonté affichée par la FIFA de limiter les conflits d’intérêt apparaît comme un vœu pieux. En effet, le domaine du football accorde une certaine importance au réseau et aux relations entre les différentes personnes intervenant dans le cadre des transferts (agents sportifs, directeurs sportifs, entraîneurs, présidents de clubs…). Ainsi, un club souhaitant absolument recruter un joueur représenté par un agent avec lequel il a habitude de traiter saura aisément trouver les solutions afin de contourner le règlement. 

Un regard critique peut également être porté sur l’absence de référence aux avocats. Le rôle de ces derniers grandit de manière exponentielle de par les garanties d’indépendance qu’ils apportent aux sportifs. Mais le règlement élude totalement le sujet contrairement aux dernières versions du règlement. 

Il est de notoriété publique que l’absence de stabilité contractuelle entre le sportif et l’agent est à l’origine d’un certain nombre de dérives. L’agent peut en effet se limiter à défendre les intérêts du sportif… jusqu’au jour où il a conscience de la possibilité de se voir débarqué dans les 24 à 48h. Or, mis à part l’interdiction pour un autre agent d’approcher un joueur lié contractuellement à un premier agent, le règlement reste muet.

Enfin, le mode de fixation de la rémunération de l’agent mérite d’être balayé d’un revers de main. Les professionnels qui interviennent régulièrement dans le cadre des transferts de joueurs comprendront aisément que de telles conditions permettent d’asseoir la dominance des agents les plus réputés (la FIFA a-t-elle souhaité fermer l’accès ou limiter le nombre de professionnels?). 

Avec un exemple…

Badou Sambague et Gautier Kertudo (auteurs tous deux d’une excellente saison) sont transférés du club de L’AS Monaco respectivement vers les clubs du Real Madrid et du FC Barcelone. 

Badou Sambague 

Montant du transfert : 100M€

Salaire annuel : 5M€ (contrat de 5 ans -> 25M€)

Rémunération de l’agent mandaté pour négocier le contrat de travail : 6% maximum (car la rémunération annuelle est supérieure à 200 K$ annuels) = 1.5M€

Rémunération de l’agent mandaté pour le contrat de transfert : 10% = 10 M€

Gautier Kertudo 

Montant du transfert : 120M€

Salaire annuel : 3M€ (contrat de 5 ans -> 15M€)

Rémunération de l’agent mandaté pour négocier le contrat de travail : 6% maximum (car la rémunération annuelle est supérieure à 200 K$ annuel) = 900K€

Rémunération de l’agent mandaté pour le contrat de transfert : 10% = 12M

Les agents qui sont amenés à intervenir dans les transactions entre clubs (contrat de transfert) sont assez souvent les plus notoires et les plus puissants financièrement. À la lumière des deux exemples ci-dessus, il aurait été souhaitable pour la FIFA de prévoir une rémunération maximale de 10% de la rémunération négociée au titre de tout contrat de travail et 6% du montant du transfert au titre du contrat de transfert négocié par un agent.

Maître Gautier Kertudo – Maître Badou Sambague (co-auteurs)

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