Essai de joueurs : la FIFA instaure un cadre réglementaire pour les mineurs

par | 15, Nov, 2022

Ce jeudi 8 novembre, par une circulaire n°1816, la FIFA a annoncé avoir amendé le Règlement du le Statut et du Transfert des Joueurs (RSTJ). 

En effet, en mai 2021, la Commission des Acteurs du Football de la FIFA a validé une série dobjectifs, de principes et daxes de travail pour le troisième volet de réformes, concernant notamment les transferts internationaux de joueurs mineurs. Ces principes ont par la suite été approuvés par le Conseil de la FIFA, qui s’est déroulé le 20 mai 2021.

L’un des principaux amendements, inscrit à l’article 19ter du RSTJ, est relatif à l’établissement d’un cadre réglementaire de la pratique des essais, qu’ils soient mineurs ou majeurs. Ces nouvelles règles de mise à l’essai sont afférentes aux soins médicaux, à l’âge minimum ou encore aux moyens de protection juridique des jeunes joueurs.

Retour en arrière sur une pratique, autrefois oubliée par les instances du football

Il existait en effet, encore quelques jours auparavant, un réel flou juridique autour de cette pratique des essais, pourtant particulièrement importante dans le cadre de la protection des intérêts des joueurs mineurs, notamment lors de leurs transferts internationaux. 

La pratique d’essai peut se définir comme ci-suit : « période relativement courte au cours de laquelle un club accueille un joueur afin de tester et analyser ses capacités physiques, techniques, son intelligence de jeu, sa personnalité… Cest aussi loccasion pour le joueur de découvrir le club, sa culture, ses installations, ses méthodes de travail ».[1]

Cette absence de réglementation de la pratique d’essai, constitutif d’un flou juridique et source d’insécurité juridique, était extrêmement préjudiciable pour les intérêts des joueurs mineurs puisqu’ils n’étaient pas protégés des effets secondaires de ladite réglementation. 

En la matière, nombreuses sont les exemples de dérives. A fortiori, les essais de joueurs mineurs n’avaient que très rarement une durée imposée. Autrement dit, les mise à l’essais pouvaient être de durée express (correspondant à un seul match au cours duquel le joueur était évalué), ou au contraire de longue durée, et pouvant parfois durer des mois.

L’essai qui ne dure qu’un match peut être relativement frustrant pour les mineurs en ce qu’il est compliqué pour eux de montrer l’ensemble de leurs capacités. D’autant que beaucoup de joueurs font parfois un long périple afin de venir réaliser ledit essai et se retrouvent par conséquent, dans des conditions qu’on ne peut qualifier d’optimales. 

À l’inverse, certains essais ont pu s’éterniser. Plusieurs cas de joueurs invités à réaliser des essais, se sont retrouvés quasiment « salariés du club », au mépris de leurs droits[2].   « Dans certaines régions du monde, le joueur peut même voir son passeport confisqué »[3]. Ce fût le cas d’un jeune joueur guinéen, Issiaga Condé, qui rejoignit l’équipe du Nîmes Olympique en 1998, à ses seize ans. Dès son arrivée au club, les dirigeants lui ont confisqué son passeport[4]. Deux années plus tard, lors d’un contrôle d’identité, il fût arrêté, puis expulsé[5].

Ces stratagèmes incluent aussi parfois l’utilisation de joueurs mineurs durant des matchs « hors compétitions »[6]. Certains clubs profitent dudit flou juridique pour attirer des jeunes joueurs, sans les enregistrer. Parfois, les clubs attendront alors que le joueur atteigne l’âge de dix-huit ans pour procéder à son enregistrement officiel. Cela soulève une autre problématique : comment réglementer la question d’un joueur mineur qui s’entraîne avec un club et ne participe qu’aux matchs non-compétitifs, dans le cadre d’un essai? 

Cette question a été abordée dans le cas de deux joueurs mineurs qui se sont entraînés dans un club (multiples essais prolongés avec interruption) et ont participé à plusieurs tournois. Le club en question a affirmé que les joueurs n’avaient jamais été enregistrés puisque lesdits tournois ne faisaient pas partie du « football organisé »[7]. La Commission de Discipline et la Commission d’Appel de la FIFA ont toutes deux constaté que les deux joueurs avaient rejoint le club, participé à des essais prolongés et représenté le club dans des tournois disputés dans le cadre du football organisé. Selon eux, il s’agissait d’une première inscription au sens de l’article 19 al. 3 du RSTJ. Le club a ainsi été sanctionné pour violation de l’article 19 al. 3 et al. 4 du RSTJ. Dans l’appel ultérieur du TAS[8], l’Arbitre Unique n’était pas d’accord avec lesdites Commissions de la FIFA. Il était convaincu que les tournois auxquels les joueurs avaient participé n’étaient ni organisés, ni autorisés par une association membre, par une confédération ou par la FIFA. En l’absence de démonstration que l’organisateur des tournois mentionnés avait violé une obligation de demander les autorisations pertinentes, l’Arbitre Unique a conclu que les tournois ne pouvaient être considérés comme du « football organisé » conformément au Règlement. L’Arbitre Unique a jugé qu’il était tout à fait possible que l’absence de mécanismes de la FIFA concernant les essais pouvait atteindre le bien être général de ces joueurs[9].

Ce dernier constat du TAS révélait l’urgence de l’instauration d’un cadre réglementaire de la pratique des essais de joueurs afin d’éviter que la situation empire.

L’établissement d’un cadre réglementaire pour les essais de joueurs

Comme indiqué précédemment, la FIFA a décidé de réglementer la mise à l’essai des joueurs mineurs. Cette nouvelle disposition figure à l’article 19ter du RSTJ.

Désormais, un club à la possibilité d’inviter un joueur à une mise à l’essai pendant une période de temps définie. La période de mise à l’essai pour les joueurs âgés de 21 ans ou moins, est de huit semaines, consécutives ou non, et par club durant une même saison.

Le club et le joueur invité doivent convenir des conditions d’essai (paiement de l’hébergement, du voyage, des repas et des dépenses quotidiennes…) sur le formulaire de mise à l’essai de la FIFA avant le début de celle-ci. Ce formulaire doit être dûment rempli et signé par les parties au moins dix jours avant le début de la mise à l’essai. 

En cas de blessure éventuelle du joueur mis à l’essai, le club prendra en charge les frais médicaux. Le joueur mineur en question, ne pourra lors de sa mise à l’essai, que participer aux matchs amicaux ou aux entraînements mais ne pourra en aucun cas participer aux activités du « football organisé ». Également, aucun paiement ne devra être enregistré pour une mise à l’essai, de la part du joueur comme du club proposant la mise à l’essai, ainsi que du club au sein duquel le jeune joueur évolue.

Certaines conditions spécifiques viennent s’ajouter afin que la mise à l’essai soit autorisée. Premièrement, un club peut uniquement mettre un mineur à l’essai si la date de début de l’essai survient au cours de la saison :

  • du 16e anniversaire du mineur mis à l’essai ; 
  • du 15e anniversaire du mineur mis à l’essai si le domicile du mineur et le siège du club sont tous deux situés en Europe.

Le club organisant la mise à l’essai doit obtenir au préalable l’accord écrit exprès des parents du jeune joueur. Condition intéressante mais qui ne semble, a priori, pas prévoir le cas des joueurs orphelins qui sont de plus en plus nombreux, notamment au sein des continents africain et sud-américains.

Par ailleurs, un référent dans le club mettant à l’essai le joueur mineur devra être désigné afin que ce dernier ait un point de repère. En outre, les dépenses et conditions de vies et d’hébergement seront entièrement prévues et couvertes par le club prévoyant tout essai.

Enfin, les joueurs mineurs ne pourront réaliser plus de deux essais par année civile.

En cas de non respect des conditions précitées, les parties s’exposent à d’éventuelles sanctions prévues par le Code Disciplinaire de la FIFA de la Commission de Discipline.

D’éventuels futurs amendements bienvenus

Si la création d’un régime juridique, d’un cadre réglementaire à part entière pour la pratique des essais de joueurs s’inscrit dans la continuité de la FIFA de vouloir offrir une protection aux joueurs de football mineurs, certaines mesures semblent contestables.

L’inégalité de traitement que subissent les joueurs de football mineurs non-européens par l’article 19 al. 2b du RSTJ (et qui fera l’objet d’un prochain article), semble se retrouvée dans le nouvel article 19ter. En effet, les mineurs non-européens ne pourront, en principe, pas réaliser d’essai avant l’âge de seize ans, là ou les jeunes joueurs européens pourront  participer à une mise à l’essai dès quinze ans, à condition que cela se déroule au sein d’un club européen. 

Si la mise en place de ce cadre juridique est une excellente avancée pour le football, certaines mesures pourraient être amendées au fur et à mesure. Une protection efficiente des joueurs mineurs suppose que les organes de la FIFA soient extrêmement vigilantes quant au respect des conditions fixées par l’article 19ter. Les essais sont souvent la première porte aux abus avant les transferts internationaux. Pourrait notamment être envisagée l’idée que les essais ne soient ouverts qu’à destination des clubs qui seraient classés selon le plus haut des standards nationaux de formation (Cf Grille FIFA de compensation des clubs formateurs). Cela signifie entre autres que dans un pays où les clubs sont classés de la catégorie III à IV, seuls les clubs de catégorie III pourraient potentiellement accueillir les jeunes joueurs pour effectuer un essai. Cela semble logique dans la mesure où les transferts internationaux sont limités selon les mêmes critères. 

La mise en place d’un calendrier international des essais pourrait également être une option envisageable. Ainsi, avant chaque période de transferts (soit la période estivale, et l’autre hivernale), des sessions internationales pourraient être dédiées à la mise à l’essai de joueurs de moins de dix-huit ans évoluant à l’international. Cela permettrait à la FIFA, un contrôle plus efficace et aisé de l’article 19ter dans le sens où tout essai au-delà de cette période serait immédiatement considéré comme suspect et donc sanctionnable.


[1] MBVOUMIN Jean-Claude, « La pratique des essais : une zone franche d’abus », Foot Solidaire, Juin 2020. 

[2] HYTNER David, « Chelsea investigated by Fifa over more than 100 young player cases », The Guardian, January 29, 2019. 

[3] Ibid

[4] ANDREFF Wladimir, « Une taxe contre la misère du football Africain ? », Afrique contemporaine, De Boeck Supérieur, n°233, 2010, p.93. 

[5] Ibid

[6] Les joueurs de football qui souhaitent participer aux compétitions de l’association membre de la FIFA doivent obligatoirement être enregistrés sur TMS. 

[7] Expression signifiant le le football organisé sous l’égide de la FIFA, ou par les confédérations et associations membres de celle-ci. 

[8] TAS 2016/A/4785, 3 mai 2017, Real Madrid Club de Fútbol c. Fédération Internationale de Football Association (FIFA). 

[9] FIFA, « Commentary on the Regulation On the Status And Transfer of Players », Fifa.com, July 2021 Edition, p.230. 

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