Le 21 février 2022, le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) rendait une décision dans une affaire opposant le LOSC (Lille) au club du Sporting Portugal à propos d’une rupture unilatérale de contrat de travail sans juste cause par le sportif portugais Rafael Leao, ancien joueur du club lisboète.
La présente décision est l’occasion de revenir sur les conséquences juridiques et sanctions relatives à la rupture unilatérale d’un contrat de travail sans juste cause par un sportif professionnel, en application de l’article 17 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (RSTJ) FIFA.
Dans les faits, Rafael Leao a conclu un contrat de travail avec son club employeur, le Sporting Portugal, valable du 1er juillet 2017 au 30 juin 2022. En Mai 2018, un groupe de supporters entre illégalement dans les installations du camp d’entraînement du Sporting Portugal, menaçant et agressant physiquement certains joueurs professionnels suite à une succession de mauvais résultats sportifs.
En conséquence, Leao décida de mettre fin à son contrat de travail avec le club lisboète, alléguant notamment que son club avait manqué à ses obligations légales et contractuelles par cette violente altercation avec les supporters, laquelle justifiant ainsi, une juste cause à la rupture.
Le 2 Août 2018, le joueur décida de conclure un nouveau contrat de travail avec un club français, le LOSC (Lille), valable du 2 Août 2018 au 30 Juin 2023.
S’estimant lésé, le club portugais réclamait devant le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) le versement de la somme de €45,000,000 à titre de dédommagement sur le fondement de la clause 11 du contrat de travail liant le sportif et le club portugais, qui stipulait qu’un transfert du joueur dans un nouveau club était possible, à la condition de payer sa clause libératoire fixée à €45,000,000.
S’appuyant sur les dispositions du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (RSTJ), cette décision témoigne de l’importance du respect du contrat de travail pour tout sportif professionnel.
La présente sentence rappelle également la notion de stabilité contractuelle, logiquement applicable au contrat de travail conclu entre le club lisboète et le sportif portugais et permettant au club portugais d’obtenir une compensation financière suite à la rupture unilatérale du contrat de travail sans juste cause par le joueur.
Néanmoins, le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) a renvoyé l’affaire à la FIFA pour qu’elle détermine le montant exact de cette compensation financière, dont la décision sera d’ailleurs connue d’ici peu.
En premier lieu, il fut interprété que le sportif professionnel portugais n’avait pas de «juste cause» pouvant lui permettre la rupture unilatérale de son contrat de travail. En effet, la possibilité de rompre unilatéralement le contrat du club et du joueur professionnel est conditionnée par l’article 14 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (RSTJ) à l’existence d’un « juste motif ». En cas de juste cause, la partie ayant unilatéralement rompu le contrat de travail ne sera pas tenue de payer une indemnité à son club cocontractant, ni de subir d’éventuelles sanctions sportives.
A contrario, la partie défaillante est, conformément à l’article 17 du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (RSTJ), redevable d’une indemnisation financière pour le préjudice subi par la partie adverse en raison de la rupture anticipée du contrat de travail. À cela, des sanctions sportives peuvent également être imposées. Par ailleurs, le RSTJ prévoit en son article 17.2 que le nouveau club du joueur est présumé responsable de la rupture unilatérale du contrat de travail et qu’il sera, ainsi, tenu solidairement au paiement de l’indemnisation.
Pour rappel, le concept de « juste cause » s’apprécie au cas par cas, laissant ainsi aux formations de la Chambre de Résolutions des Litiges et du TAS, une large marge d’appréciation.
Si le Tribunal Arbitral du Sport (TAS) a considéré qu’il n’y avait pas de « juste motif » permettant au sportif portugais de rompre son contrat de travail, il a estimé en conséquence que ce dernier devra indemniser son ancien club lisboète, mais ne retient aucune sanction sportive dans la présente décision. Le Tribunal Arbitral du Sport retient également la responsabilité du nouveau club cocontractant du joueur, le LOSC Lille, solidairement responsable au paiement de cette sanction.
S’agissant du calcul de cette sanction financière, de nombreux facteurs peuvent être pris en considération et le Tribunal Arbitral du Sport renvoie ainsi l’affaire à la FIFA pour qu’elle en détermine le montant exact. Dans l’affaire Matuzalem (1), le TAS avait déclaré que la compensation financière devait être évaluée concrètement et que le salaire restant pendant la durée du contrat n’est qu’un facteur parmi d’autres, l’accent ayant particulièrement été mis sur le montant de la clause libératoire du joueur fixée à €25,000,000. La FIFA avait aussi et surtout pris en considération une opération de prêt de transfert entre le Réal Saragosse et La Lazio conclue pour la somme de €14,000,000 afin de déterminer le montant de la compensation financière suite à la rupture unilatérale du contrat de travail sans juste cause par le sportif professionnel, accordant ainsi au Shakhtar la somme de €11,258,934 au titre de la « valeur des services perdus ».
Dans la décision à venir, la FIFA devrait donc prendre en compte le transfert du sportif portugais vers l’AC Milan conclu pour la somme totale de €35,000,000 et, ainsi, augmenter l’indemnité due au Sporting Portugal au titre de la réparation du préjudice subi suite à cette rupture du contrat de travail sans juste cause par le joueur Rafael Leao.
En raisonnant ainsi, la FIFA se basera, a priori, sur le principe de “l’intérêt positif” pour fixer les différents critères objectifs permettant de déterminer le montant applicable à la compensation financière applicable au club portugais lésé. En application du droit suisse, ce principe de l’intérêt positif permet de déterminer le montant qui place la partie lésée dans la même position qu’elle aurait eue si le contrat avait été exécuté correctement.
Sur appréciation de ces différents critères, l’indemnité initiale accordée au Sporting Portugal de €16,500,000 au titre de la rupture du contrat de travail sans juste cause par le sportif portugais sera augmentée, prenant en considération l’opération de transfert de ce joueur vers le Milan AC conclu en échange de la somme totale de €35,000,000. Par ailleurs, le joueur portugais risquait d’être exclu pendant une durée de 4 à 6 mois de toute compétition officielle de la FIFA et le club lillois risquait de se voir priver de la possibilité de pouvoir enregistrer de nouveaux joueurs, mais aucune sanction sportive ne sera finalement retenue à l’encontre de ces deux parties au contrat.
Pour conclure, cette décision s’inscrit ainsi dans la logique de la célèbre affaire Matuzalem, rappelant le principe cardinal de la stabilité contractuelle. Principe directeur de la FIFA, le concept de stabilité contractuelle est ici rappelé au sein de cette sentence. Ce principe entend assurer aux parties au contrat de travail, le respect de leurs obligations contractuelles ainsi qu’une exécution du contrat dans son intégralité, et de bonne foi. En prenant en compte la valeur du transfert du joueur vers un nouveau club (en l’espèce l’AC Milan) pour déterminer le montant de la compensation financière due au Sporting Portugal, la FIFA fera bonne application et appréciation du principe de stabilité contractuelle figurant dans le Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (RSTJ) et permettant ainsi au club lisboète d’exiger une somme supérieure à celle initialement fixée à un montant de €16,500,000. Cette décision souligne également l’importance de la notion de « juste cause » mentionnée dans le Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (RSTJ) de la FIFA, dont l’appréciation permettra en l’espèce au Sporting Portugal d’obtenir gain de cause. Finalement, l’indemnité financière exacte devrait être, selon toute logique, prochainement calculée par la FIFA en fonction des gains manqués par le club portugais.
Par Maître Juan de Dios Crespo-Pérez et Leonardo Jonathan
- Arrêt Matuzalem, CAS 2008/A/1519, 19 mai 2009