L’Ultimate Fighting Championship (UFC) est l’organisation leader dans le monde du MMA depuis l’année 2007 et l’acquisition de son principal rival, le Pride Fighting Championships.
Cette domination de l’organisation ainsi que ses pratiques sont cependant contestées sur le plan judiciaire depuis décembre 2014, date à laquelle un groupe de combattants a lancé une action de classe contre ZUFFA LLC, la société exploitant l’organisation.
Une seconde action de classe sur les mêmes fondements a été introduite dans le courant de l’année 2021, afin d’étendre la période couverte par l’action de groupe initiale au-delà du 30 juin 2017.
Il est reproché à l’UFC d’avoir usé de pratiques illégales afin de s’assurer une domination du marché lui ayant permis de réduire de moitié la rémunération à laquelle auraient pu prétendre les athlètes.
Les initiateurs de l’action de classe estiment représenter environ 1200 athlètes ayant subi un préjudice financier et visent à être indemnisés de ce préjudice mais également à contraindrel’organisation à modifier ses pratiques, notamment contractuelles.
Le préjudice, chiffré par les experts des demandeurs, est d’1,6 milliards de $ mais, les dommages et intérêts étant triplés en matière de violations des lois Antitrust, la note finale pourrait se rapprocher des 5 milliards de $ en cas de condamnation pour l’UFC.
Des violations alléguées à la réglementation Antitrust US
Il est reproché à l’UFC d’avoir violé la réglementation Antitrust en ayant mis en œuvre des pratiques anticoncurrentielles pour créer et maintenir un monopsone (marché sur lequel un acheteur contrôle ou domine la demande de biens et services, en l’espèce les services de combattants professionnels) sur l’industrie du MMA.
Ces violations seraient constituées par l’imposition de clauses d’exclusivité dans les contrats des combattants empêchant ainsi ces derniers de participer à des combats organisés par d’autres organisations maiségalement de clauses ayant pour effet de reconduire de manière quasi-perpétuelle les contrats ainsi que l’usage de pressions et intimidations lors de négociations contractuelles.
Il est également reproché à l’organisation d’avoir sciemment tenté d’éliminer toute organisation potentiellement concurrente en procédant à l’acquisition de certaines organisations rivales mais également en contre-programmant les évènements organisés par ses concurrents dans l’unique but de les affaiblir.
Ces méthodes ont eu pour effet, selon les demandeurs, de supprimer ou tout du moins fortement réduire toute concurrence et ainsi permettre à l’UFC d’imposer ses dispositions contractuelles aux combattants, ce qui aurait eu pour conséquence de réduire artificiellement les revenus qu’auraient dû percevoir les athlètes au sein de l’organisation.
La procédure est pendante mais, après un premier succès pour l’UFC lui ayant permis d’obtenir le renvoi de la procédure depuis un tribunal californien initialement saisi par les demandeurs vers un tribunal du Nevada (état dans lequel son siège est situé et où son poids économique lui confère une certaine influence), les demandeurs ont depuis obtenu plusieurs succès dont le plus important fut l’annonce par la Cour en décembre 2020 qu’elle comptait certifier la classe et ainsi reconnaître la légitimité des demandeurs à représenter un grand nombre d’athlètes ayant été dans la même situation.
Si cela ne préjuge pas de l’issue finale de la procédure, cela signifie tout de même que la Cour a jugé que les demandeurs remplissent les critères exigés pour engager une telle action et ont ainsi défaits les arguments et demandes des avocats de l’organisation qui avaient tenté d’obtenir le rejet de la certification de classe.
Une potentielle remise en cause du business model de l’UFC
À l’occasion de cette procédure, de nombreux documents et informations sur le business model et les pratiques contractuelles de l’UFC ont été rendus publics, en dépit des tentatives de l’organisation d’obtenir de la Cour une plus grande confidentialité.
Cette action de classe, dont l’issue ne semble pas proche, a pourtant déjà eu un impact sur les pratiques contractuelles de l’UFC.
En effet, un assouplissement des clauses relatives au renouvellement automatique des contrats a été mis en œuvre, semble-t-il en réaction à cette procédure, ce qui a notamment permis à Francis Ngannou, champion poids lourds, d’aller au terme de son contrat sans le voir automatiquement renouvelé, situation inimaginable pour un champion en titre quelques années auparavant, comme avait pu l’expérimenter l’ancien champion poids lourds Randy Couture qui avait dû renoncer à ses velléités de départ en raison de clauses contractuelles le liant de manière quasi-perpétuelle à l’organisation.
Cependant, d’autres évolutions contractuelles vont quant à elles dans le sens d’une restriction des droits des athlètes, notamment s’agissant de l’introduction de clauses de renonciation des athlètes à initier ou rejoindre une action de classe ou encore de l’introduction dans les contrats d’une clause d’arbitrage soustrayant ainsi tout contentieux aux juridictions étatiques au profit d’un tribunal arbitral situé dans l’état du Nevada, cette option permettant à l’UFC d’assurer une plus grande confidentialité autour de ces contentieux mais également d’empêcher la création de précédents défavorables devant les juridictions étatiques.
L’issue de l’action de classe contre l’UFC est encore incertaine, mais si les plaignants obtiennent gain de cause, cela pourrait avoir un impact majeur sur l’industrie du MMA et sur la manière dont les combattants sont rémunérés. Si l’UFC est condamnée, elle pourrait être tenue de verser des milliards de dollars en compensation des rémunérations indûment limités et des pratiques contraires à la législation Antitrust.
Cela contraindrait également l’organisation à revoir son système de répartition des revenus qui, à l’heure actuelle et selon les éléments présentés dans le cadre de cette procédure, ne conduit à reverser aux athlètes qu’environ 15% des revenus générés.
En comparaison, la NBA, la NHL, la MLB et la NFL reversent autour de 50% des revenus générés aux athlètes (les athlètes évoluant dans ces ligues bénéficient de l’existence d’un syndicat ayant pour objet la défense de leurs intérêts, un tel syndicat n’existant pas à l’UFC à ce jour, malgré plusieurs tentatives de constitution).
L’issue de cette action de classe aura donc un impact considérable sur le sport, soit en confortant le business model de l’UFC et ainsi lui permettre de renforcer encore sa domination ou, en cas de décision favorable aux demandeurs, de remettre en cause un certain nombre de pratiques bien ancrées dans le fonctionnement de l’organisation et de rééquilibrer la balance vers un plus grand pouvoir aux athlètes, ce qui semble être le sens de l’histoire si l’on s’en réfère aux modèles des grandes ligues américaines telles que la NBA, la NFL, la MLB ou la NHL.