L’obligation de constitution d’une société sportive 

par | 23, Mai, 2022


La plupart du temps, professionnaliser une pratique sportive suppose de créer une société sportive. Quelles conditions de création de l’entreprise ? Quelle structure juridique choisir? Comment obtenir des subventions ? Éléments de réponses sur Jurisportiva.

Avec le tournant marqué par la publication de la loi Mazeaud le 29 octobre 1975, relative au développement de l’éducation physique et du sport, la professionnalisation des clubs de football s’est largement concrétisée. Ces derniers qui évoluaient sous une forme associative ont depuis lors la possibilité de se constituer en société sportive, parfois l’obligation lorsque certaines conditions, que nous étudierons, sont réunies.

La société sportive, associée à une association support, peut prendre la forme d’une EUSRL (Entreprise Unipersonnelle Sportive à Responsabilité Limitée), d’une SAOS (Société Anonyme à Objet Sportif) ou d’une SASP (Société Anonyme Sportive et Professionnelle). 

S’agissant de ces trois sociétés, la marge de manœuvre de l’association support est limitée dans la mesure où les statuts de ces sociétés doivent être conformes à des statuts types (article L.122-3 du Code du Sport). 

Si la société sportive est une structure juridique autonome, il n’en demeure pas moins que celle-ci est étroitement liée à l’association sportive qui l’a constituée. Ce lien est matérialisé par l’existence d’une convention entre l’association support et la société, dont le contenu est fixé par l’article R.122-8 du Code du sport.

La loi du 1er février 2012 a modifié l’article L.122-2 et élargi les possibilités de forme de constitution de ces sociétés en les ouvrant aux sociétés de droit commun (à savoir les SA, SAS et SARL, SCIC). 

Nombreux sont donc les choix de structures pouvant être adoptées par les clubs de football pour encadrer leur activité professionnelle. La création de ces nombreuses structures s’expliquent d’une part en raison des mutations profondes que connaît alors le football en France et en Europe dans un contexte d’internationalisation et d’hyper-financiarisation, et d’autre part car la structure associative n’offre désormais plus les garanties nécessaires à l’exercice de leur activité. Si cette demande provient des clubs en premier lieu, elle s’accompagne d’une volonté du législateur de pouvoir assurer un contrôle minimal de ces clubs professionnels, absent du modèle associatif. 

La loi du 28 décembre 1999 représente alors l’aboutissement de cette volonté, instaurant l’obligation de constitution d’une société commerciale par les clubs professionnels de football, dans certaines circonstances. 

Focus sur les conditions d’application de cette loi et les conséquences d’une telle obligation.

Parfois, dans certaines situations, notamment lorsque l’association ne permet pas de distribuer de bénéfices, la création d’une association sportive ne suffit plus, la société sportive apparaît être la solution. Instaurée au sein du Code du Sport à son article L-122-1, cette obligation est tout d’abord conditionnée à l’affiliation de l’association sportive auprès d’une fédération, et à l’organisation par cette dernière de manifestations sportives payantes (en tant que participant ou simple spectateur). Si cette situation est caractérisée de fait, l’obligation de constitution d’une société sportive pour le club de football n’est confirmée qu’en cas de réalisation de l’une des deux conditions suivantes : 

  • La réalisation de recettes supérieures à 1 200 000 euros par le club lors de l’organisation de manifestations sportives;
  • Ou une masse salariale (seulement destinée aux sportifs) de plus de 800 000 euros (ces montants étant fixés par décret). 

Si le club se trouve dans une telle situation, il dispose d’un délai d’un an pour constituer une société sportive de la forme de son choix selon l’article L122-4 du Code du Sport. La non-modification de sa structure juridique entraînera son exclusion des compétitions fédérales. 

Plus de rigueur dans sa gestion, de crédit auprès des partenaires et des collectivités territoriales, possibilités (sous conditions) de verser des dividendes à ses actionnaires… La liste des avantages pour les clubs souhaitant mettre en place une société sportive est grande. Ce choix de structure juridique n’est pas limité à l’accomplissement des critères énoncés : tout club souhaitant opter pour la formation d’une société pourra la réaliser s’il remplit les critères propres à sa formation. 

Au vu des avantages que ce statut procure, il serait adéquat de se demander pour quelle raison une « obligation » a été pressentie par le législateur comme opportune. La réponse repose dans les règles propres à la mise en place d’une société sportive et les obligations que sa création implique en elle-même. 

La société sportive permet en effet de se prémunir face à plusieurs défiances propres à la nature du sport et aux compétitions sportives. Tout associé au sein d’une société sportive ne peut se voir attribuer un droit de vote ou même détenir des parts d’une autre société du même type (procédé appelé « multi actionnariat »).

Le législateur français suit ainsi les pas du Tribunal Arbitral du Sport. Ce dernier, par une décision de 1998, AEK Athènes et Slavia Prague c/ UEFA, énonce que deux clubs de football contrôlés par un même associé ne peuvent participer à la même compétition européenne. Une telle situation se positionne en effet en totale contradiction avec l’un des principes fondamentaux du sport : la régularité des compétitions, assurée par l’incertitude du résultat sportif. C’est ainsi qu’on trouve en France, au sein des règles internes, l’obligation d’indiquer à la Ligue de Football Professionnel (LFP) l’identité de l’ensemble des actionnaires présents au sein des clubs. C’est au nom de cette régularité qu’une autre règle inhérente aux sociétés sportives rend cette obligation d’autant plus justifiée : l’interdiction du prêt d’argent entre deux sociétés et donc entre deux clubs. 

La lutte contre la corruption et le maintien de la régularité et de la sincérité des compétitions semblent ainsi être au cœur des considérations du législateur.

Gages d’une plus grande rigueur, et donc d’une plus grande stabilité pour les clubs, ces structures sont également une assurance de la continuité des compétitions, pilier du droit du sport auquel les institutions sportives restent, encore aujourd’hui, particulièrement attentives.

Quelle structure choisir ? Société classique ou société sportive ?

Lors de la création d’une société sportive dont l’objet est relatif à de l’activité sportive, plusieurs options sont envisageables.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 1er février 2012 relative à la libéralisation du statut juridique des sociétés sportives, une société de droit commun peut être créée.

Ci-après, les formes juridiques de société qui peuvent être créés :

  • Société par actions simplifiée (SAS) / Société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU)
  • Société à responsabilité limitée (SARL) / Entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL).

De même, une société “sportive”, spécifiquement dédiée à l’industrie du sport, peut être créée. Les sociétés sportives spéciales présentent l’avantage d’être spécialement conçues pour la vie sportive, et ainsi d’y être parfaitement adaptées.

  • La société anonyme à objet sportif (SAOS)
  • L’entreprise unipersonnelle sportive à responsabilité limitée (EUSRL)
  • La société anonyme sportive professionnelle (SASP)

La convention de collaboration

Lorsqu’un groupement sportif est composé à la fois d’une association sportive et d’une société sportive, celui-ci est dans l’obligation de créer une convention de collaboration.

En effet, même si la société sportive est une entité juridique autonome, elle reste tout de même liée à l’association sportive qui l’a constituée. Cette convention a pour objectif de structurer les relations entre l’association et la société sportive.

L’article R.122-8 du Code du sport précise les mentions obligatoires qui doivent obligatoirement être insérées dans la convention. Ces éléments sont notamment :

  • La définition des activités liées au secteur amateur et celles liées au secteur professionnel ;
  • La répartition des activités liées à la formation des sportifs ;
  • Les conditions d’utilisation des infrastructures sportives par l’association et par la société ;
  • Les modalités de participation de la société aux activités qui demeurent sous la responsabilité de l’association.

Cette convention doit être approuvée par les pouvoirs statutaires à la fois de l’association et de la société sportive.

Aussi, le préfet du siège de l’association doit approuver cette convention après avoir consulté la fédération sportive et la ligue professionnelle. Sans réponse du préfet dans un délai de 2 mois, la convention est réputée approuvée.

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