L’homologation du contrat de travail : une spécificité du sport

par | 16, Mai, 2022

Le Code du sport et la Convention collective nationale du sport (CCNS), principale convention collective applicable dans le monde du sport, prévoient que la Fédération, et le cas échéant la Ligue professionnelle, peuvent introduire, au sein de leurs règlements une procédure d’homologation des contrats de travail des sportifs et entraîneurs professionnels (L222-2-6 du Code du sport et 12.4 de la CCNS). 

Selon le Professeur Karaquillo, cette procédure permet “de vérifier que la conclusion des contrats de travail est en concordance avec les règles fédérales sur les mutations et les qualifications”. Cette procédure d’homologation est loin d’être anodine, notamment pour les clubs sportifs, et peut engendrer d’importantes conséquences, parfois préjudiciables.

Il est désormais inscrit dans la loi que le sport est un domaine spécifique où les règles générales du droit du travail n’ont pas toujours vocation à s’appliquer. Face aux impératifs posés par un monde concurrentiel où le principe de l’équité des compétitions gouverne, le législateur est intervenu, par le biais de la loi du 27 novembre 2015, pour conforter la place du contrat de travail à durée déterminée dans le sport professionnel.

Désormais, pour la bonne application des règles du Code du sport, les sportifs et entraîneurs professionnels bénéficient d’une définition légale. 

Ainsi, l’article L. 222-2 du Code du sport dispose que le sportif professionnel se définit comme toute personne ayant pour activité rémunérée l’exercice d’une activité sportive dans un lien de subordination juridique avec une association sportive ou une société sportive. 

L’entraîneur professionnel est quant à lui défini comme toute personne ayant pour activité principale rémunérée de préparer et d’encadrer l’activité sportive d’un ou plusieurs sportifs professionnels salariés dans un lien de subordination juridique avec une association sportive ou une société sportive et titulaire d’un diplôme, d’un titre à finalité professionnelle ou d’un certificat de qualification.

Ces définitions permettent d’encadrer le champ d’application des dispositions du Code du Sport relatives au CDD spécifique, notamment celle relative à la procédure d’homologation.

La procédure d’homologation est une spécificité du monde sportif professionnel. En effet, par cette procédure, un tiers au contrat de travail, la Fédération ou Ligue professionnelle à laquelle est affiliée le club employeur, peut se prononcer sur la validité dudit CDD. Ce pouvoir discrétionnaire qui est laissé aux Fédérations et Ligues professionnelles ne s’exerce pas sans conditions.

Pour pouvoir exercer un contrôle sur les contrats de travail conclus entre les clubs et les joueurs ou entraîneurs professionnels, l’instance concernée doit prévoir cette procédure d’homologation, ses modalités et ses conséquences sportives en cas de refus d’homologation, au sein de son règlement.

Ainsi, la Fédération (ou Ligue professionnelle) concernée peut, en principe, simplement impacter l’aspect sportif lié au CDD spécifique en cas d’absence ou de refus d’homologation. Généralement, la sanction appliquée par ces instances consiste en une impossibilité pour le joueur ou l’entraîneur professionnel concerné de participer aux compétitions officielles de ladite instance.

Toutefois, il arrive que la sanction du refus ou de l’absence d’homologation soit extra-sportive. En effet, selon l’article L. 222-2-6 alinéa 2 du Code du sport, l’absence d’homologation du CDD spécifique peut faire obstacle à son entrée en vigueur, au sens juridique du terme, si une convention ou un accord collectif le prévoit.

Une telle prévision a été inclue au sein de la convention collective du rugby professionnel à son article 2.1 du Titre II sur le statut des joueurs. Cet article dispose que “Tout contrat, conclu entre un Club et un joueur non homologué est dépourvu d’existence et d’effets”. Ainsi, si le CDD spécifique n’est pas homologué par la Ligue nationale de rugby, il est purement et simplement annulé. La même prévision est insérée au titre suivant de la convention collective du rugby professionnel pour les entraîneurs professionnels et les préparateurs physiques.

Cette prévision est en réalité une bonne chose pour les clubs sportifs. En effet, en cas de refus d’homologation du CDD spécifique, ce dernier est annulé. Il conviendrait toutefois d’articuler cette prévision avec des jurisprudences concernant des faits antérieurs qui valident l’entrée en vigueur du CDD malgré un refus d’homologation, notamment lorsque le refus d’homologation est imputable à l’employeur (Cass. soc., 8 avril 2021, n°18-25.645).

En tout état de cause, si aucune convention collective ou accord applicable à la relation de travail ne prévoit cette conséquence en cas de refus ou d’absence d’homologation, le CDD spécifique est maintenu entre les parties (Article L. 222-6-2 du Code du sport). Le club ne peut pas rompre de manière anticipée ce CDD pour défaut d’homologation car ce n’est pas une cause de rupture prévue par le Code du travail pour un contrat à durée déterminée (Article L. 1243-1 du Code du travail)

A titre d’exemple, la convention collective du basket professionnel prévoit en son article 9.3. que l’absence d’homologation des contrats, avenants et annexes ne remet pas en cause leur validité. Si cette disposition semble anodine, il convient de l’articuler avec le règlement sportif applicable dans le basket professionnel.

En effet, l’article 110 du Règlement de la Ligue nationale de Basket stipule que pour prendre part aux compétitions officielles de la Ligue, un joueur professionnel doit être titulaire d’un CDD spécifique homologué. Il est précisé que tout club qui ferait participer un joueur dont le CDD n’a pas été homologué à une compétition officielle sera sanctionné par la perte de la rencontre par pénalité.

Ainsi, si la Ligue, qui rappelons le est un tiers au CDD, refuse l’homologation de ce dernier pour une raison qui lui est propre, le club ne peut faire participer son salarié à des compétitions officielles, sous peine que l’ensemble des membres de l’équipe soit impacté et que le match soit administrativement considéré comme perdu.

De surcroît, si la ligue refuse l’homologation du CDD spécifique, ce dernier existe, le joueur est donc salarié du club sportif, mais ce dernier ne peut pas le faire participer aux compétitions officielles. Le club a donc engagé un salarié, pour une prestation de travail définie qui découle de la qualité de basketteur professionnel, sans pouvoir lui fournir cette prestation de travail : la participation aux compétitions officielles.

Dans cette hypothèse, le club serait placé en difficulté, et ce pour plusieurs raisons : 

Un employeur est tenu de fournir un travail à son salarié (Cass. soc., 4 février 2015, n°13-25.627). 

Le salarié, en l’occurrence le joueur professionnel, qui se tient à la disposition de son employeur a droit à son salaire, peu importe que son employeur lui fournisse ou non un travail (Cass. soc., 3 juillet 2001, n°99-43.361). Considérant la procédure d’homologation, lorsqu’un club ne peut faire participer son salarié aux compétitions officielles, il demeure tenu de l’obligation de versement d’une rémunération. 

Il est de jurisprudence constante qu’un employeur qui ne fournit pas de prestation de travail à son salarié s’expose, outre le paiement du salaire, à la rupture du contrat de travail à ses torts et aux conséquences qui en découlent (Cass. soc., 3 novembre 2010, n°09-65.254.).

L’ensemble de ces dispositions et jurisprudences seraient parfaitement transposables au CDD spécifique, ce qui imposerait aux clubs sportifs d’avoir dans leurs effectifs des joueurs professionnels qui ne peuvent participer aux compétitions officielles mais de leur fournir une prestation de travail correspondant à leur qualification.

Maître Guillaume Ghestem – Maître Charles Calimez – Victoria Dreze

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