Interview de Vanessa Khalfa (Responsable de la LFH)

par | 12, Mai, 2022

La Ligue Féminine de Handball (LFH) apparaît comme le moteur du fort développement et de la structuration efficace du handball féminin de ces dernières années : entre l’adoption de la convention collective du handball féminin en 2021, et l’intégration à venir de la Division 2 à la Ligue, celle-ci est au carrefour de nombreux chantiers depuis plusieurs années. Actuellement responsable de la Ligue Féminine de Handball, Vanessa KHALFA témoigne de ses missions passées, actuelles et futures au sein de la structure. Rencontre.

Bonjour Madame. Vous êtes actuellement responsable de la Ligue Féminine de Handball, quel a été votre parcours jusqu’ici ? 

Bonjour ! J’ai un parcours quelque peu atypique. Au début de mes études, je ne me dirigeais pas vers le secteur du sport. J’ai suivi l’équivalent d’un Master d’Histoire puis un Master 2 en communication des médias.

J’ai intégré le secteur sportif en effectuant lors de mon Master 2, une alternance au sein du club de handball de Cesson. Par la suite, j’ai poursuivi mon aventure dans le même club en prenant en main tout le volet communication. J’ai notamment mis en place l’aspect lié à la communication, le marketing, la branche commerciale, l’événementiel, et la plateforme de marque. Par ailleurs, même si cela peut paraître un peu « old school » de dire ça aujourd’hui, j’ai mis en place la newsletter du club, et géré l’arrivée des réseaux sociaux. 

Nous avons notamment été le premier club de handball à être présent sur le réseau Twitter. 

En 2010, j’ai rejoint Tremblay Handball, un club avec davantage d’ambition sportive mais totalement absent sur la partie communication. J’y ai travaillé dix ans en tant que responsable de la communication, puis directrice communication, marketing et développement.

À croire que les études me manquaient, j’ai également suivi le Master Stadium Manager de Limoges pendant deux ans. Dans le handball, il est rare que l’on puisse endosser ce rôle de Stadium Manager car les salles sont petites. Mais cette formation m’a beaucoup servi. Dans cette lignée, j’ai aussi suivi la formation SI SP1 (Sécurité Incendie et Sécurité à la Personne).

Je suis aujourd’hui Responsable de la Ligue Féminine de Handball. En parallèle, j’ai commencé cette année un Diplôme Universitaire en Droit du Sport à l’Université de Créteil. 

En tant que Responsable de la Ligue Féminine de Handball, quelles sont vos missions ? 

Mon rôle consiste à définir, orienter et élaborer la stratégie de marque de la Ligue. 

Je développe les produits LBE (Ligue Butagaz Énergie) et D2F (Division 2 Féminine), manage les prestataires et salariés, supervise les services supports, je suis également responsable du budget, et  j’assure aussi la supervision de la Ligue. 

J’interviens également dans le Pôle Féminisation, et dans les projets fédéraux relatifs à la féminisation. 

Pour un peu plus de précision, assurer le suivi du produit LBE consiste à gérer la communication et événementiel de la Ligue, le développement, la plateforme de marque et les droits TV. 

Je gère également le marketing, c’est-à-dire tous nos contrats de partenariat de la négociation jusqu’à l’application des partenariats.

L’organisation de nos deux championnats s’effectue évidemment en collaboration directe avec la commission d’organisation des compétitions, l’arbitrage et le staff médical.

De plus, je suis membre de la Commission de Direction de la FFHB qui est composée de 9 membres qui ont pour rôle de définir la stratégie de la fédération.

En somme, j’endosse des missions très éclectiques. Pour certaines, je suis dans l’opérationnel, pour d’autres je suis dans la prise de décision stratégique. C’est passionnant, je ne m’ennuie jamais.

Pouvez-vous nous expliquer le fonctionnement de la LFH, qui est une ligue fédérale ? En pratique, quelle est la différence avec une ligue professionnelle autonome ? 

Il existe deux modèles de Ligues Professionnelles : 

  • Les Ligues Fédérales qui sont rattachées à la Fédération Nationale et qui ne sont donc pas totalement indépendantes; 
  • Les Ligues Professionnelles autonomes indépendantes, à l’image de toutes les ligues masculines (Ligue Professionnel de Football, Ligue Nationale de Basket, Ligue Nationale de Volley et la Ligue Nationale de Handball). 

Dans le sport féminin, a priori, la seule ligue indépendante est celle du volley.

La Ligue Féminine de Handball est une Ligue Fédérale avec une autonomie renforcée. Elle possède une autonomie renforcée car nous avons un Conseil de direction qui n’est pas fédéral, un budget autonome, et surtout un règlement particulier. 

Tout en étant lié à la Fédération Française de Handball, la LFH est maîtresse de nombreuses décisions.

La LFH est chargée d’organiser le championnat de France de Division 1 et bientôt le championnat de Division 2, est-ce le signe du bon développement du handball féminin ?

Oui, complètement. Bientôt, le handball féminin ne se jouera plus à 14 mais à 28 clubs, comme les hommes. A l’origine, la Division 2 ne devait pas intégrer tout de suite la LFH. Un tel projet était prévu pour l’après Jeux Olympiques (Paris 2024). 

Mais en réalité, 53% des actrices et acteurs de Division 2 sont professionnels à plein temps, et nous avons le statut de Division semi-professionnelle : il fallait en faire quelque chose. 

Nous sommes donc en train de mettre en place la future gouvernance de la LFH. Ces dernières années, il y a eu une réelle volonté des clubs d’avancer, de se structurer, se professionnaliser.

Aujourd’hui, les clubs de D2F se réjouissent d’intégrer la LFH mais tous restent lucides. Ils sont conscients que des plumes peuvent y être laissées car, qui dit structuration, dit plus d’obligations et plus d’argent.

La Division 2 va devenir la vraie antichambre de la Division 1, une division à part entière. C’est de très bon augure pour les résultats sportifs futurs. 

Cette intégration de la Division 2 au sein de la LFH est le fruit du travail mené depuis plusieurs années par les dirigeants, entraîneurs, formateurs; un véritable travail d’équipe. À l’aube des JO 2024, c’est une très bonne nouvelle.

Vous avez suivi une formation liée à la communication et au marketing, ce qui est atypique pour un poste de direction comme le vôtre. Dans quelle mesure votre profil est-il particulièrement intéressant dans l’exercice de votre métier ? 

C’est un pari osé, que j’ai fait. 

Classiquement, ce sont en effet des profils de juristes ou sportifs qui occupent un poste comme le mien. 

Au moment de ma prise de poste, la Ligue avait besoin d’une personne qui gère la plateforme de marque, et il semble que mon profil ait été apprécié. 

J’ai une grande liberté dans mon domaine d’expertise mais je travaille en collaboration avec de nombreuses personnes. Une grande équipe très professionnelle, associée à la fédération.

En ce qui concerne l’aspect purement juridique, je travaille en duo avec Gwenhaël SAMPER, Directrice Juridique de la LFH.

Une récente étude a montré que les résultats médiatico-économiques de la LFH sont en forte hausse et ce malgré la crise sanitaire et la perte du diffuseur BeIn sport. Comment l’expliquez-vous ? 

Il y a une conscience collective qui émerge de plusieurs médias. Le handball féminin intéresse beaucoup plus qu’auparavant, c’est un fait. Cela s’explique en partie par les très bons résultats sportifs de l’Équipe de France. 

Par ailleurs, les clubs ont mis en place divers leviers pour faire avancer le handball féminin, et nous avons constaté un bouche-à-oreille progressif. D’ailleurs, la Fédération elle-même dit que la LFH est un produit phare du handball français. 

Les deux équipes de France sont “logées à la même enseigne”, notamment concernant les primes équivalentes accordées aux femmes et aux hommes. C’est assez formidable pour être souligné. 

Je pense aussi que la Covid y a été pour quelque chose. Pendant la période d’arrêt des matchs, les clubs de handball ont maintenu leur visibilité grâce à la diffusion de contenus innovants. Et ce, peut-être plus que d’autres sports qui avaient déjà une visibilité importante. 

La Ligue Nationale de Handball masculin (LNH) a récemment signé un partenariat avec Twitch. Une telle collaboration serait-elle envisageable pour la Ligue Féminine ? 

Aujourd’hui, nous n’avons pas le même niveau de digitalisation que la Ligue masculine.

Effectivement, un tel partenariat serait envisageable mais cela nécessite une web diffusion. On y travaille. Aujourd’hui, tous les matchs des hommes sont accessibles, tandis que la Ligue Féminine paye 20 matchs produits par Sport en France. Le défi est de trouver les financements pour pouvoir produire nos matchs, voire seulement quelques matchs par journée. 

La LNH a toujours été très en avance sur les autres sports. À l’heure actuelle, nous ne pouvons pas encore les rejoindre dans cette aventure, il est encore trop tôt. Il faut que l’on passe un gap de structuration, que l’on intègre la Division 2 à la LFH, pour avoir un bon produit à vendre. 

Le handball semble être un des sports féminins dont le développement est le plus flagrant. C’est notamment le premier sport féminin à s’être doté d’une convention collective (mars 2021). Pouvez-vous nous décrire les mesures phares de ce texte, que l’on peut qualifier d’ « historique » ? 

En effet, cette convention collective appelée « Dihane » marque un avant et un après. 

Elle montre qu’être une femme est une spécificité dans le monde sportif, mais que cette spécificité ne doit en aucun cas empêcher les joueuses d’exercer leur métier. 

À l’heure actuelle, le texte s’applique uniquement sur les clubs de LBE. On travaille pour qu’elle puisse également exister pour les clubs de D2F.

Parmi les mesures phares, nous pouvons citer l’instauration du maintien de salaire d’une joueuse pendant une année en cas de maternité ou de longue blessure. Avant l’entrée en vigueur de la convention, dans ces deux situations, les joueuses percevaient leur salaire pendant trois mois uniquement. Aussi normale qu’elle puisse paraître, c’est une immense reconnaissance sociale. 

Par ailleurs, la convention édicte l’allongement des congés payés des joueuses, qui deviennent identiques à ceux des hommes (sept semaines). 

Cette convention collective a été négociée par trois syndicats : l’association des Joueurs Professionnels de Handball (AJPH), le Groupement des Entraîneurs et des Professionnels de la Formation de Handball (7 MASTERS), et l’Union des Clubs Professionnels de Handball Féminin (UCPHF).

En Europe ou à l’international, quel pays affiche le développement et la structuration les plus avancés ? 

Chez les hommes, c’est incontestablement l’Allemagne. Chez les femmes, c’est la France et le Danemark. En France, nous avons de nombreux clubs structurés tandis que les autres pays ont « seulement » 2-3 grands clubs dans leur championnat. 

Pour finir, la LFH a-t-elle un rôle à jouer pour les Jeux Olympiques de Paris en 2024 ? 

Oui tout à fait car en 2024, tout ce qui se fait de mieux dans le sport sera à portée de vue, et en même temps. De nouvelles disciplines émergent, notamment le basket 3×3. Sans vouloir créer de concurrence entre les sports, nous savons que si nous ne sommes pas les meilleures, le handball féminin aura peu de visibilité car le public s’intéresse aux sports émergents. 

Il faut que les clubs soient forts et solides jusqu’aux Jeux en poursuivant leur très bon niveau sportif et ainsi maintenir l’intérêt du public. Et évidemment, post Jeux Olympiques, nous espérons une augmentation du nombre de licenciées du côté amateur.

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