Le Centre de Règlement des Différends Sportifs au Canada

par | 11, Fév, 2022

Le Centre de Règlement des Différends Sportifs du Canada est une institution fédérale, qui offre des services de facilitation de règlement, de médiation, de med-arb et d’arbitrage à destination des différends sportifs.

Le Canada fait usage des modes alternatifs de résolution des conflits (MARC) depuis plusieurs années. Pour exemple, l’article premier du Code de procédure civile du Québec, dans le titre 1 « les principes de la procédure applicable aux modes privés de prévention et de règlement des différends » énonce que : 

« Les modes privés de prévention et de règlement des différends sont choisis d’un commun accord par les parties intéressées, dans le but de prévenir un différend à naître ou de résoudre un différend déjà né. Ces modes privés sont principalement la négociation entre les parties au différend de même que la médiation ou l’arbitrage dans lesquels les parties font appel à l’assistance d’un tiers. Les parties peuvent aussi recourir à tout autre mode qui leur convient et qu’elles considèrent adéquat, qu’il emprunte ou non à ces modes. Les parties doivent considérer le recours aux modes privés de prévention et de règlement de leur différend avant de s’adresser aux tribunaux. »

L’usage des modes alternatifs de règlement des différends permet une prise en compte des émotions, ressentis, perceptions et besoin véritables de chaque partie. La démarche est donc plus vaste que la prise en compte du litige juridique et peut permettre de viser une reprise des relations entre les parties au litige.

Cet usage des MARC par le droit canadien est visible au sein de la sphère sportive. En effet, le Canada s’est doté d’une institution fédérale offrant des services de résolutions de différends au service du monde sportif. 

Le Centre de règlement des différends sportifs du Canada (CRDSC) a officiellement ouvert ses portes en avril 2004. A l’origine de cette organisation fédérale, le Secrétaire d’État Denis Coderre lance un projet d’étude afin de trouver un moyen efficace de régler les différends dans le domaine sportif. Ce rapport intitulé « une solution gagnante »[1] fait état d’une mauvaise gestion des conflits dans la collectivité du sport amateur. Ce rapport encourage un changement de paradigme et propose une série de recommandations dans ce sens.

Un comité de mise en œuvre est chargé de développer une méthode d’implantation du système proposé par le groupe de travail et rend un rapport en 2001[2] dans lequel il propose la création d’un « Canadian Sport ADR[3] » par l’introduction de six éléments clés : un conseil responsable du fonctionnement de l’ensemble, un centre créateur de ressources à destination des athlètes et instances sportives, un secrétariat indépendant responsable des services de médiation et d’arbitrage, la création d’un Code des procédures, un office d’ « ombuds » chargé d’établir des rapports et enfin l’établissement de normes nationales. 

Le programme ADR sport RED, inauguré en 2002, offre des services de règlement des différends au niveau national. Lors de l’adoption de la « loi favorisant l’activité physique et le sport », en 2003, le CRDSC est institué en tant qu’organe indépendant chargé d’offrir des solutions de règlement extrajudiciaire des différends dans le domaine sportif. En 2004, le Centre est de plus chargé du contentieux lié au dopage[4] et depuis 2018 des enquêtes faisant suite à des plaintes pour abus et harcèlement ainsi que de la supervision de la Ligne d’assistance du sport canadien. 

Le CRDSC est aujourd’hui un forum incontournable du règlement des différends dans le domaine du sport au Canada, permettant de réunir les experts juridiques de la matière. Si les parties à un conflit ont accès à des professionnels ainsi qu’à un environnement permettant une sérénité dans la recherche d’une solution[5], la mission du Centre est plus vaste. En effet le Centre produit un certain nombre de ressources et de documents disponibles sur leur site internet, afin notamment d’assurer une mission de prévention par l’information au sein de la communauté sportive du Canada. Au travers de ces bases de données en ligne, gratuites et facilement accessibles, il est loisible à tous d’accéder aux règlements, décisions et d’analyser leur situation à l’aide de ces outils. Ces bases de données permettent également de conseiller la communauté sportive, à ce titre on trouve des documents « conseils juridiques pour les athlètes »[6]. Les objectifs du centre vont donc au-delà du règlement d’une problématique mais se tournent vers la prévention et l’éducation. 

Le CRDSC fait usage de plusieurs procédures : la facilitation de règlement, la médiation, l’arbitrage et le med-arb. 

La facilitation de règlement implique un facilitateur de règlement qui est un tiers neutre devant aider les parties à exprimer leur différends et à trouver une solution. Lorsque le différend intervient dans une activité financée par le gouvernement fédéral du Canada, la procédure sera gratuite. Elle est également confidentielle. 

La médiation fait également intervenir une tierce personne impartiale qui apportera son concours aux parties dans la recherche d’une solution au différend. En l’absence d’accord, ces deux premières procédures n’imposent pas d’aboutir à une solution.

L’arbitrage offre un cadre plus formel aux parties et assure l’obtention d’une sentence à l’issue de la procédure. 

Enfin le med-arb combine la médiation et l’arbitrage en ce que l’échec de la médiation induit la poursuite d’un arbitrage. 

Là encore, le site officiel du CRDSC est très clair sur la procédure à suivre et produit des formulaires à chaque étape du règlement. Enfin, le Code canadien de règlement des différends sportifs, réformé en 2021, indique les règles et les procédures à poursuivre. 

Sur les statistiques du Centre, un rapport est publié chaque année faisant état de la situation financière, du fonctionnement et de l’activité du secrétariat de règlement des différends. Le rapport de 2019-2020 indique le dépôt de 70 cas provenant de 27 sports différents. La majorité des différends soumis proviennent d’un contentieux de sélection et d’admissibilité, ainsi que de questions de dopage. Sur les 70 dossiers déposés devant le tribunal ordinaire, le taux de règlement est de 43% et le délai moyen de traitement des dossiers est de 39 jours[7]. Le Centre est cependant resté fermé plusieurs mois en raison de la crise sanitaire. Il a été estimé que les membres de la communauté sportive ont économisé 282 000$ en frais juridiques[8].

Ces informations permettent de souligner le réflexe de l’utilisation de ce service. L’attrait du centre est perceptible dans le nombre de dossiers traités mais aussi par le nombre de disciplines sportives y faisant appel. Les parties voient donc un intérêt à faire usage de ces services. 

Si les MARD permettent d’envisager le différend dans sa globalité et de proposer une approche distincte de celle des tribunaux ordinaires, ce sont des modes de règlement tout à fait pertinents pour le contentieux sportif. En effet, dans le domaine du sport amateur notamment, où l’enjeu de la pratique est principalement récréatif, les avantages des MARD résonnent tout particulièrement Il apparait pertinent de prévoir un espace de discussion et d’échange afin de permettre rapidement un retour au calme et une reprise de la partie, et ce avec un coût limité. La reprise des relations est un enjeu de taille dans le domaine du sport amateur, et l’un des avantages notable des MARD face à la justice traditionnelle des tribunaux. 

En France, certaines instances proposent ce type de service. Récemment, le Tribunal du football de la FIFA a ouvert ses portes et propose un règlement interne des différends entre les joueurs et les clubs par exemple. Le CNOSF offre une procédure de conciliation, bien que son caractère obligatoire et son domaine d’application restreint pose question quant à son efficacité. Enfin le TAS est une instance incontournable de l’arbitrage dans le contentieux sportif. Cependant, ces procédures sont bien loin du modèle canadien qui consiste à proposer une structure unique, permettant aux sportifs et clubs amateurs d’accéder à des tels services. 


[1] « Une solution gagnante : créer un système national de règlement extrajudiciaire des différends pour le sport amateur au Canada », rapport du groupe de travail au secrétaire d’État, mai 2000. 

[2] Recommendations for the Implementation of a National Alternate Dispute Resolution System For Amateur Sport in Canada, Report of the Implementation Committee To the Secretary of State (Amateur Sport), Août 2001

[3] ADR pour Alternative Dispute Resolution

[4] Site officiel du CRDSC : http://www.crdsc-sdrcc.ca/fr/

[5] J. DURANCEAU, « Sport Dispute Resolution Centre of Canada, More than a Decade of Passion for Law and Sport”, Feb. 2015

[6] Site officiel du CRDSC

[7] Rapport annuel du CRDSC 2019-2020

[8] Idem

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