Faut-il réformer le contrat de travail esportif?

par | 11, Juil, 2022

Après un premier article sur le régime légal du contrat de travail esportif, seront désormais envisagées les potentielles évolutions que pourrait connaître le régime. L’équipe Victoire Avocats tâchera de dresser quelques ébauches de propositions afin d’améliorer le cadre juridique de ce secteur en structuration. Zoom.

I. Contrat de travail esportif versus contrat de prestation de services

Quelles sont les limites dans l’application du CDD esportif? 

Pourquoi les acteurs ont généralement recours au contrat de prestation de services ?

Si le CDD esportif paraît intéressant au premier abord, en pratique il y a lieu de relever certaines limites à son efficacité et de surcroît, à son recours par les clubs esportifs et par les joueurs. C’est la raison pour laquelle les parties prenantes ont recours à un autre contrat : le contrat de prestation de services, qui est à ce jour, le contrat le plus utilisé dans les relations contractuelles entre clubs et joueurs.


Les limites du CDD esportif en termes de coût
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Le CDD spécifique est très peu appliqué compte tenu de son coût :

  • Pour les clubs, vous serez tenus au règlement d’un certain nombre de charges sociales que n’ont pas les autres pays, pour lesquels le coût du travail est moindre et plus attractif ;
  • En tant que joueur, vous serez soumis à l’impôt sur le revenu ainsi qu’aux charges sociales.

Le coût du CDD esportif est alors plus important que celui du contrat de prestation de services, ce qui pose des problèmes en termes de concurrence, à l’instar du sport, avec les clubs étrangers.

Les limites du CDD esportif en termes de flexibilité

Le formalisme du CDD ou encore sa durée ne semblent convenir aux acteurs du secteur en raison de :

  • La durée moyenne des carrières ;
  • Des saisons de compétition qui durent pour certaines moins d’un an ;
  • Une volonté croissante des joueurs de mobilité dans l’espace, entre pays, et entre les clubs.

Les limites du CDD esportif en termes d’horaires de travail

Le CDD spécifique ne semble pas adapté en termes d’horaires de travail :

  • Un joueur peut être amené à participer à des compétitions les week-ends, de nuit, les jours fériés. A défaut de convention collective spécifique au secteur de l’esport, comme le sport, aucune disposition législative ne régit ce type de singularité ;
  • Qui dit performance, dit entraînement. Un joueur professionnel peut donc être amené à s’entraîner parfois plus d’une dizaine d’heures par jour, et le contrôle entre l’entraînement au titre du contrat de travail et le loisir est particulièrement difficile à mettre en place, surtout lorsque le joueur exerce à domicile.

La frontière entre les heures de travail et les heures de jeux « loisirs » est difficile à quantifier.

Avantages et limites du contrat de prestation de services

Il ressort de la pratique que la plupart des structures à ce jour signent des contrats de prestation de services avec des joueurs ayant soit le statut d’auto-entrepreneur soit celui de société selon le chiffre d’affaires qu’ils réalisent.

Les acteurs ne cherchent pas à frauder l’Administration fiscale mais à maintenir un certain équilibre financier et à attirer des joueurs dans un secteur concurrentiel et internationalisé.

Les joueurs facturent le club, en contrepartie de leurs diligences, à savoir jouer, un forfait sans être soumis aux charges sociales, et pour l’entreprise, aux charges patronales.

Cette différence concernant les charges auxquelles les structures et les joueurs sont soumis participe à la popularité du contrat de prestation de services.

Les risques financiers du contrat de prestation de service 

Néanmoins, les parties ne sont pas à l’abri de risques financiers importants :

  • Une requalification du contrat en contrat de travail, qui est faible en pratique à ce jour ;
  • Une grande précarité des joueurs qui ne bénéficient pas des droits à la retraite, des acquis sociaux ou encore de la sécurité de l’emploi etc.

II. Comment réformer le CDD esportif ?

Quelles sont les potentielles évolutions et pistes de réflexion pour la refonte du contrat de travail spécifique esportif?

Comme rappelé en introduction, la réforme du CDD esportif est une nécessité.

Le contrat de travail spécifique n’est pas utilisé, et pour qu’il le devienne, il doit être remanié en profondeur.

Comment adapter le contrat au secteur esport ?

Pour que ce contrat soit utilisé par les acteurs de l’esport, il conviendrait dans un premier temps de l’adapter au secteur et de sortir du modèle inspiré par le secteur sportif qui, malgré les ressemblances existantes, ne correspond pas aux attentes du secteur en matière de relations de travail.

Pour ce faire, il semble nécessaire d’aller à la rencontre des acteurs, de recueillir leurs demandes pour être en mesure de présenter un régime juridique suffisamment adapté à la pratique et sortir des modèles de droit commun et du CDD sportif.

C’est en ce sens que l’association France Esports et son groupe de travail Droit et Législation, que Victoire Avocats a intégré, travaillent sur des propositions à soumettre aux élus et reprenant les besoins du secteur afin d’adapter le CDD.

Victoire Avocats et l’association France Esports sont à l’écoute des éventuels commentaires et perspectives des acteurs du secteur en ce sens, pour les relayer aux autorités compétentes ».

Comment rendre le contrat esportif aussi attractif que le contrat de prestation de service? 

Si la France souhaite être compétitive sur la scène européenne et mondiale, elle doit s’en donner les moyens et cela passe par le cadre législatif régissant les relations entre joueurs et clubs.

Pour cela, l’idéal serait de parvenir à trouver des solutions à mi-chemin entre le CDD esportif et le contrat de prestation de services, afin de permettre aux joueurs de bénéficier des acquis sociaux qu’offrent le contrat de travail, sans qu’il ne soit trop coûteux pour les employeurs.

À titre d’exemple :

  • Le périmètre d’application du CDD pour y inclure notamment les entrainements ou toute autre activité en lien avec la compétition de jeux vidéo ;

  • La gestion des cash prize : permettre aux clubs qui emploient des joueurs de dissocier le cash prize de leur chiffre d’affaires et limiter voire exonérer de charges sociales ;

  • La gestion des sponsors : à l’instar du secteur sportif, envisager un contrat spécifique pour le droit à l’image du joueur qui viendrait compléter le CDD, ou encore encadrer le droit à l’image des joueurs au sein du CDD sous réserve que cela facilite les démarches entre les parties prenantes et d’alléger les taxes fiscales afin de ne pas pénaliser les clubs français face aux clubs étrangers moins taxés ;

  • La rupture anticipée du CDD : réfléchir à des causes de rupture du CDD en dehors des causes de droit commun (la blessure ou inaptitude du joueur pourrait-elle être une cause de rupture ? Comment protéger le joueur ?

Veiller aux clauses insérées dans les contrats de prestation de services

Si le milieu de l’esport a conscience des failles dans sa structuration, notamment en droit du travail, c’est aujourd’hui aux institutionnels de se saisir du sujet et de poursuivre les démarches afin de les résoudre.

Dans l’intervalle, les joueurs et les clubs doivent porter une attention particulière aux clauses des contrats de prestation de services qu’ils signent, notamment afin d’éviter une requalification du contrat en CDI, notamment :

  • La clause d’exclusivité ;
  • Le temps de travail :
  • Les conditions encadrant le sponsoring ;
  • La rémunération ;
  • Les clauses de rupture unilatérale pure et simple qui sont nulles et de nul effet à ce jour ;
  • La description de l’activité.

Victoire Avocats

Maître Julien Lombard – Maître Manon Lefas – Adrien Vitse

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