Arbitre en Euroleague de Basketball et chargé de la formation des arbitres au sein de la Fédération Suisse de Basket, Sébastien Clivaz est un passionné d’arbitrage depuis son enfance. Pour Jurisportiva, il évoque au sein d’un échange tant sincère qu’instructif, son rôle, ses missions et ses différents projets à travers son parcours atypique.
Bonjour, tout d’abord pouvez-vous vous présenter en quelques lignes ?
Bonjour, tout d’abord merci pour cette interview. Je m’appelle Sébastien Clivaz et j’ai un parcours assez atypique !
À la sortie du secondaire, je suis allé à l’université, comme la majorité des lycéens. J’ai ensuite arrêté pour travailler dans l’industrie des assurances. En parallèle j’ai fondé ma société dans l’événementiel sportif, PlayMaker Sport & Event SARL. Nous avons décidé de cesser nos activités après 7 ans car, avec mon associé, nous étions beaucoup trop impliqués dans nos sports respectifs. Depuis, je travaille pour Swiss Basketball.
Ainsi, je me suis consacré à 100% au développement du 3×3 au sein de cette fédération.
C’est une discipline récente aux Jeux Olympiques et très attractive. C’est un projet qui me tenait à cœur mais malheureusement, il a été décidé de changer mon cahier des charges.
Depuis, je suis principalement dévoué à ma passion, l’arbitrage. J’ai toujours voulu créer ma vie autour de l’arbitrage afin de rester motiver dans mes projets professionnels. Une vraie passion ! J’ai dû prendre des décisions dans ma vie afin d’en vivre.
Pour compléter mon expérience, j’ai également effectué deux Certificate of Advanced Studies (CAS) en Management du sport à l’Université de Lausanne. Je n’avais aucun diplôme et je voulais me former et acquérir des compétences afin de pouvoir évoluer dans le métier. Malgré la pandémie, j’ai pu rencontrer bons nombres d’acteurs dans le domaine sportif, car dans le sport c’est le réseau qui est réellement important.
Dorénavant, je travaille à 60% à la Fédération Suisse de Basketball où je m’occupe du développement des arbitres au niveau régional. À côté, je suis arbitre en Euroleague, une Ligue fermée qui compte les meilleures équipes européennes depuis 2000.
C’est un travail dans lequel je voyage beaucoup, pratiquement toutes les semaines.
En raison de la pandémie de la Covid-19 et de l’annulation de pas mal de rencontres, les déplacements étaient moins courants. Cependant, avec la reprise “à la vie normale”, ils reprennent petit à petit. Je voyage généralement avec une équipe de trois personnes. On ne se déplace jamais avec les mêmes arbitres. Nous sommes 70 arbitres en Euroleague, le choix est donc assez diversifié. Par exemple, lors d’une rencontre à Ljubljana, en Slovénie, nous étions un arbitre suisse, un arbitre français et un arbitre italien.
Il faut savoir qu’il y a uniquement 2 femmes arbitres sur 70 en Euroleague, ce qui représente un faible pourcentage. Cela se développe tout doucement mais ce n’est pas facile. Il y a encore un gros travail à faire à ce niveau là, comme dans la majorité des sports.
Pour résumer, cela fait 19 ans que je suis arbitre en première division suisse, 10 ans au niveau international et 3 ans dans ce groupe d’Euroleague. Avant d’arbitrer en Euroleague, j’ai eu la chance d’arbitrer les compétitions européennes avec la Fédération Internationale de Basketball (FIBA). Néanmoins, mon rêve a toujours été de rejoindre la famille de l’Euroleague et c’est chose faite.
Durant votre carrière d’arbitre, y-a t-il un match qui vous a marqué plus que les autres ?
Bien évidemment, il s’agit de mon premier match en Euroleague. J’attendais ce moment depuis très longtemps ! Je me souviens, j’écoutais la musique d’Euroleague dans la voiture. Comme les fans de football avec la musique de la Ligue des Champions, elle me donnait des frissons. Dix ans plus tard, je me retrouve donc à arbitrer mon premier match à Berlin, en Allemagne, où j’ai pu convier toutes les personnes qui m’ont formé. Le public était très impressionnant. Malheureusement, sur 3 saisons, il y a eu deux saisons avec le Covid19. Heureusement, à ce jour, le public revient dans les salles petit à petit !
Quel est selon-vous le meilleur joueur en Euroleague que vous ayez-vu depuis le début de votre carrière ?
Contre toute attente, je n’ai pas de joueur préféré ! J’admire les capacités de certains joueurs mais pour moi aucun ne se différencie réellement. Chacun a son talent. Je n’ai jamais réellement été fan de joueurs de basket. Je suis passionné du bon jeu en tant que tel.
Quelles sont vos missions principales en amont d’une rencontre ?
Nous avons plusieurs missions principales avant une rencontre.
Les arbitres se réunissent le matin du match afin de faire part de leurs analyses. Il s’agit des “ Pré Games “. Nous échangeons nos analyses sur la manière de jouer des équipes et de certains joueurs ou encore des fautes qu’ils ont l’habitude de faire.
Nous envisageons une manière de travailler ensemble durant la rencontre sportive !
Souvent, des propos reviennent à nos oreilles et certaines personnes estiment que cela n’est pas juste d’en parler en amont puisque en sachant ce que tel joueur fait, nous pourrions prendre partie. Mais il est essentiel pour un arbitre d’anticiper une action fétiche d’un joueur ou une faute qu’il a l’habitude de commettre. En tant qu’arbitre, je me dois de faire attention et de ne pas me faire surprendre. Le joueur adverse analyse lui aussi ses adversaires avec ses faits et gestes avant la rencontre et pourrait avoir tendance à exagérer le mouvement pour obtenir une faute. Nos analyses servent à anticiper de potentielles actions durant le match. Par contre, nous devons faire attention à ce que les informations obtenues en interne ne sortent pas avant le match.
Avez-vous déjà été approché par un bookmaker en vue de corruption ?
Je n’ai jamais été approché ou du moins, si c’est le cas, je ne l’ai pas comprise. Nous avons des formations de prévention à ce titre afin de lutter contre la corruption. Il faut toujours être vigilant avant une rencontre. Selon moi, il n’y a pas réellement de corruption en Euroleague. Du moins pas à ma connaissance. Et je doute que les joueurs risquent leur carrière pour 5000 chf alors qu’ils ont 1000 chf par mois.
Même si dans le football, les joueurs les plus approchés restent les joueurs amateurs ou ceux évoluant dans des divisions inférieures, je doute que ce soit le cas au basket.
Vous qui baignez dans le monde du basket depuis toujours, quelle(s) règle(s) changeriez-vous ?
Fondamentalement, en comparaison avec le football, le basket a beaucoup évolué avec son temps. En guise d’illustration, la possession était de 30 secondes lors d’une rencontre, avant de passer à 24 pour que cela soit plus rapide. Souvent pour couper la transition, les joueurs faisaient une faute. La Fédération a donc changé la règle pour sanctionner plus durement l’anti jeu.
De plus, grâce à l’assistance vidéo, les règles se sont améliorées. Je suis pour l’usage de la vidéo. Cependant, il ne faut pas que cela coupe trop les matchs car cela impacte le rythme. Au basket, nous avons 11 caméras mais parfois elles sont mal utilisées.
Il faudrait savoir comment bien utiliser la vidéo. Les matchs ne doivent pas être arrêtés tout le temps mais il y a certaines choses qu’on est obligés d’aller vérifier. Le tout est de trouver un bon équilibre.
Concernant le basket 3×3, en plus d’être très spectaculaire, il y a de courtes possessions de 12 secondes rendant le jeu très rapide. De plus, comparé au basket traditionnel où il faut une salle pour y jouer, avec le basket 3×3, on peut aller au centre ville pour jouer. Il suffit juste d’un panier. C’est vraiment un projet qu’il faut continuer de développer à l’avenir! Il a un très fort potentiel pour des pays comme la Suisse.