À titre liminaire, il convient de rappeler que le développement du sport pour tous et le soutien aux sportifs de haut-niveau et aux équipes dans les compétitions internationales sont d’intérêt général. La pratique des activités physiques et sportives participe à la réalisation des objectifs de développement durable inscrits au Programme de développement durable à l’horizon 2030, adopté le 25 septembre 2015 par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies.
La loi 30.09 Dahir n° 1-10-150 du 13 ramadan 1431 (24 août 2010) portant promulgation de la loi n° 30-09 relative à l’éducation physique et aux sports est, à mon sens, dépassée aujourd’hui puisqu’il s’agit d’une loi empruntée et transposée de la loi Française N°84-610 du 16 Juillet 1984 relative à l’organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, complétée par plusieurs textes dont la loi 98-657 du 29 Juillet 1998, jusqu’à sa codification en Code du sport actualisé depuis, et jusqu’à sa dernière version en vigueur (31 Mars 2023).
Par déduction, cette loi n’a donc subi aucune adaptation quant à sa structure et sa substance juridique fondamentale au contexte sportif marocain et au principe universel de la spécificité sportive communément appelée chez les spécialistes du Droit du Sport / Lex Sportiva. Elle a cependant été complétée par plusieurs textes réglementaires épars incorporés ou pas au droit positif, notamment en matière d’hooliganisme et de dopage (Loi 09-09 et L’AMAD).
La première lacune de cette loi 30.09 concerne son champ d’application limité puisque cette dernière ne couvre que les activités sportives organisées par des fédérations sportives, des clubs ou des associations sportives, excluant ainsi de nombreuses activités sportives informelles et spontanées, ainsi que les initiatives de la société civile en matière de sport. Il faut ainsi élargir le champs d’application.
La deuxième lacune de cette loi est son manque de clarté et de précision, notamment en matière de financement du sport. Il est primordial de clarifier les mécanismes de financement du sport, aussi bien publics que privés, afin de garantir une transparence totale. Inciter fiscalement pour encourager les entreprises à investir dans le sport, en particulier dans les régions les plus précaires du pays.
La troisième lacune de cette loi est son manque de mesures pour promouvoir l’égalité des chances dans le sport. Il est important de mettre en place des politiques et des programmes pour encourager la participation des femmes et des personnes handicapées au sport, ainsi que pour lutter contre toute forme de discrimination dans ce domaine.
Enfin, la quatrième lacune de cette loi concerne son manque de mesures pour encourager le sport de haut niveau. Il est nécessaire de mettre en place des politiques et des programmes de soutien aux athlètes de haut niveau afin de les aider à atteindre leur plein potentiel.
Ce n’est une surprise pour personne : c’est principalement le football professionnel qui est susceptible de générer d’importantes masses financières. En effet, ce ne sont pas toutes les activités sportives de haut niveau qui génèrent d’importants revenus. Ne sont pas comparables l’athlétisme de haut niveau et le football professionnel à titre d’exemple.
À cet égard, le cadre légal associatif du Dahir du 15 Novembre 1958 relatif au statut des associations devient en pratique incompatible avec la professionnalisation du sport de haut niveau. À ce titre et dès lors qu’une association sportive (toutes disciplines sportives confondues) a rempli les conditions fixées par l’article 15 et suivants de la loi 30-09, elle doit se transformer en société sportive soumise aux dispositions de la loi 17-95 relative aux sociétés anonymes et en demeure associée afin d’en assurer la gestion.
Le Maroc, à l’instar même d’autres pays plus avancés en la matière, a rencontré plusieurs problématiques liées à l’absence d’un cadre spécifique à la société à objet sportif au Maroc :
- Une problématique fiscale liée à l’absence d’un cadre fiscal avantageux favorisant la transformation ;
- Une problématique comptable liée à l’absence d’un référentiel comptable fixant les traitements comptables spécifiques aux clubs de football (traitement des droits de transfert d’un joueur, traitement des frais de formation,…).
- Des problématiques juridiques liées au juridique de la société à créer ;
- Mise à niveau juridique pour respecter les obligations du droit des affaires ;
- Contrats des joueurs.
- Des problématiques comptables et financières : l’inventaire des biens, l’évaluation comptable des biens (valorisation), le bilan d’ouverture, la mise en place de la comptabilité normalisée ou mise à niveau comptable, le traitement des actifs incorporels : droits sur les joueurs, contrats de publicité, droits et marques, la valorisation des actifs et les méthodes d’amortissement en particulier en liaison avec les joueurs, L’introduction de notions nouvelles : contrôle de gestion…
Des problématiques fiscales peuvent également être citées : la fiscalité liée à la valorisation des biens et notamment les droits incorporels sur les joueurs lors des transferts ; la taxation éventuelle des plus-values ; ou encore la fiscalité liée à l’entité à créer, etc…
En conséquence, l’aspect sportif se retrouve dans un cadre de droit commercial et fiscal, ce qui crée principalement cette problématique entre la spécificité sportive et le droit positif interne quid des décrets d’application, statuts types et des règlements sportifs fédéraux qui créent une hétérogénéité totale des textes.
Est donc préconisé à ce titre au législateur, l’institution de sociétés sportives professionnelles en tenant compte des règles de droit commercial et de la spécificité sportive en la matière.
Par ailleurs, et dès lors que nous évoquons le salariat, cela nous renvoie inévitablement au code du travail Marocain par le biais de l’article 14 de la loi 30-09.
La fin du bénévolat et l’institution du salariat contribue bien évidemment à davantage de transparence et de responsabilisation légale des acteurs sportifs concernés et notamment entre employeurs (clubs, fédérations…) et employés (joueurs, entraîneurs, cadres sportifs…) au vu du lien de subordination et droits et de devoirs des parties au contrat. Toutefois, la problématique se situe davantage dans l’antinomie et la dichotomie entre la Loi 30-09 et le Code du travail en matière contractuelle.
La question fondamentale en matière de contrats sportifs professionnels est la suivante :
Doit-on appliquer le code du travail et dès lors se retrouver face à l’inadéquation du contrat à durée déterminée (caractère saisonnier) d’une durée d’une année (pouvant être reconduit une fois) ou la réglementation internationale en matière de contrat sportif professionnel et l’occurrence en droit du football appliquant la règle de 3+2 c’est à dire 5 années ?
Le juge Marocain se trouve face à un dilemme, se déclarant compétent au vu du code du travail sur la forme et rejetant la demande au fond ratione materiae, en raison de la matière sportive dans le cas d’espèce, ou en se déclarant incompétent.
Ma position sur la question est la suivante : dans le cadre du respect de la spécificité sportive et de la Lex Sportiva, le législateur Marocain doit revoir et prévoir le contrat sportif professionnel avec toutes ses spécificités (droits et obligations, primes de signatures indépendantes des salaires, indemnités de formation, indemnités de transfert, régime des retraites sportives professionnelles et assurances sportives professionnelles etc…), et modifier le code du travail existant dans ce sens, et ce afin de mieux protéger les intérêts des parties et de fixer plus clairement leurs droits et leurs devoirs.
S’agissant du contrat du joueur professionnel, ce dernier implique que le joueur doit participer aux compétitions de son club. Si le club écarte le joueur sans motif légitime ou valable, ce dernier a tout à fait le droit de résilier unilatéralement le contrat pour juste cause en application des règlements fédéraux nationaux et internationaux en la matière. Selon Me Karim Adyel, il y a lieu de revoir et de définir au niveau législatif le contrat de sportif professionnel en tenant compte de la spécificité sportive (lex sportiva), dans le respect des règles générales du code du travail et de l’ordre public. Dans cette continuité, il faut instaurer des règles juridico-sportives au niveau législatif propres à la reconversion des sportifs professionnels et notamment en instaurant des régimes de retraite et d’assurance bien définis.
Pour information, il existe au Maroc une Chambre Arbitrale du Sport, indépendante et pouvant être saisie dès lors que le litige revêt un caractère sportif et qu’il y ait une clause compromissoire ou un compromis d’arbitrage lui attribuant compétence. À ce propos, l’idée d’un Tribunal Arbitral du Sport Africain doit être soumise et être discutée de concert avec le Conseil International de l’Arbitrage Sportif (CIAS) instance suprême Internationale en la matière et les hautes instances du Sport et du droit du sport en Afrique.
Pour finir, au vu de ce qui a été dit précédemment, il y a une codification nécessaire des règles du sport au Maroc au sein d’un Code du sport (adaptant méthodiquement les textes au contexte du sport au Maroc, qu’il soit amateur ou professionnel). Une réforme de cette loi 30-09 est plus que nécessaire pour répondre aux défis actuels auxquels est confronté le sport marocain, car elle ne répond plus aux exigences modernes en matière de gouvernance sportive. Il y a lieu corrélativement d’instaurer une convention nationale collective du sport et d’instituer une Agence du Sport au Maroc, indépendante et chargée de mener à bien ces préconisations, à mêmes d’inscrire le droit du sport au Maroc et son évolution au sein des standards internationaux du Sport International d’aujourd’hui, sa professionnalisation et son rayonnement. Seraient également bienvenues : l’institution d’un organe officiel de médiation sportive composé de médiateurs professionnels en la matière, ainsi que la mise en place d’un Tribunal Arbitral du Sport Africain.