Interview de Tiziano Sorrenti (Directeur Général du club Xamax FCS)

par | 28, Juil, 2022

Ex-Agent et Avocat, désormais Directeur général du club de football Neuchâtel Xamax FCS, Tiziano Giuseppe Sorrenti est un passionné de football depuis l’enfance. Pour Jurisportiva, il évoque au sein d’un échange tant sincère qu’enrichissant, ses différentes tâches au sein de son club de cœur, se confie sur les étapes marquantes du chemin qu’il a parcouru pour atteindre son but et révèle ses prochain défis en Challenge League Suisse avec le club de Xamax.

Bonjour Tiziano. Tout d’abord pouvez-vous présenter votre parcours universitaire, ainsi que professionnel ?

Bonjour, s’agissant de mon parcours universitaire, il est assez classique. J’ai obtenu un Bachelor en Droit à l’Université de Neuchâtel puis un double Master en Droit du Sport et Avocature.

Dans le cadre de mon Master en Droit du Sport, j’ai préparé une thèse, aux côtés du Professeur Sébastien Besson, sur «l’activité d’agents de joueurs, au regard du Droit Suisse et Européen». En parallèle, j’ai commencé à travailler dans le monde du football en tant que consultant sportif pour une agence internationale. J’étais régulièrement à l’étranger et cela fût très enrichissant pour la suite de mon parcours, dans la mesure où cela m’a notamment permis de connaître la façon de travailler de certains dirigeants de club et d’apprendre plusieurs langues.

Après un an et demi en tant que consultant, j’ai décidé de fonder ma propre entreprise, active dans la gestion de carrières de joueurs de football. En 2018, j’ai commencé mon stage final en cabinet d’avocat afin d’obtenir le brevet d’avocat, que j’ai obtenu deux ans plus tard. C’était une période très intense, mais nécessaire pour obtenir ce précieux sésame, qui représente un atout indéniable dans le cadre de mon activité de dirigeant.

Aujourd’hui, j’occupe le poste de directeur général de Neuchâtel Xamax FCS depuis novembre 2020 et cette activité est très intéressante.

Au delà d’être passionné de football, êtes-vous un ancien joueur ?

J’ai toujours pratiqué ce sport, en intégrant notamment le centre de formation de Neuchâtel Xamax à l’âge de 14 ans (M-15 et M-16).

Cependant, j’ai eu de graves problèmes aux genoux, qui m’ont contraint à stopper toute activité sportive durant plusieurs années. J’ai, dès lors, focalisé toutes mon énergie sur mon parcours scolaire/universitaire pour pouvoir réaliser mon objectif, celui d’évoluer dans le milieu du football. Comme précisé précédemment, dès mon entrée à l’Université de Neuchâtel, j’avais un parcours bien précis en tête.

Qu’est-ce qui vous a amené au club de Neuchâtel Xamax FCS, simple coïncidence ou objectif personnel ?

C’est le club de ma ville, mon club de cœur. Deux jours après l’obtention du brevet d’avocat, j’ai eu un entretien avec le Président du Xamax Neuchâtel FCS, Jean-François Collet, qui, à ce moment-là, était à la recherche d’un nouveau directeur. Le lendemain j’ai signé mon contrat. Tout est allé très vite.

Quelles sont vos missions au sein du club de Neuchâtel Xamax FCS ?

Mon activité est très intéressante et très variée.

Je supervise la plupart des secteurs du club, qu’il s’agisse de la partie juridique, des finances, du sponsoring, de la communication ou encore de la négociation des contrats de joueurs et des transferts. Comme indiqué, j’ai suivi une formation juridique. Cela étant, en exerçant cette fonction, j’ai été confronté à de nouvelles tâches, comme, par exemple, celle d’établir un plan de liquidité ou un budget prévisionnel. Le tout est de s’adapter, et ce, rapidement. C’est un poste très complet et c’est ce qui me plait ! Je vis la vie du club à 360 degrés. Il y a naturellement des hauts et des bas, comme dans tous les clubs. Ainsi, il faut aussi être capable de gérer ces moments de manière équilibrée.

Lorsque j’ai commencé mon activité à Neuchâtel Xamax FCS, c’était en cours de saison (novembre 2020). C’était une année compliquée sportivement parlant. Le club venait d’être relégué en Challenge League et nous avions lutté, durant toute la saison, pour ne pas être confronté à une nouvelle relégation. Ce fût très intense pour une première expérience. De plus, les matchs se déroulaient à huis-clos, en raison de la pandémie COVID-19. Le maintien au terme de la saison 2020/2021 a été un véritable soulagement, car il fallait absolument se maintenir en Challenge League, pour ne pas retarder la mise en place des différents projets sur lesquels nous travaillions.

Mon objectif principal est de contribuer au développement du club, en renforçant sa structure et en augmentant chaque année la compétitivité de l’équipe. Pour ce faire, il est nécessaire de fédérer toute la population locale autour du club, qu’il s’agisse des supporters, des entreprises locales ou encore des autorités. Ce club possède une histoire exceptionnelle. Bien évidemment, je souhaite que Neuchâtel Xamax FCS puisse un jour, retrouver la Super League. C’est un travail de longue haleine et il faut faire preuve d’un peu de patience, en grimpant les échelons étape par étape. C’est un travail que l’on mène ensemble. Nous avons fait des progrès notamment au niveau de la communication, de l’image du club, du merchandising et du sponsoring. L’équipe a, cette saison, atteint l’objectif sportif fixé. Partant de cela, je considère que nous sommes sur le bon chemin mais il faut continuer à travailler, pour atteindre nos nombreux objectifs restants.

Il y-a-t-il différents départements au sein du club ?

Nous n’avons pas réellement de départements séparés. Au sein de l’administration, nous sommes 7 à ce jour, et avons tous des tâches définies. Néanmoins, chacun doit être capable de toucher à tout. Il faut, à mon sens, des personnes polyvalentes, réactives et dynamiques pour travailler au sein d’un club de football, et surtout lorsqu’ils sont de cette taille à l’instar du Xamax.

Que pensez-vous de la saison de Neuchâtel Xamax FCS cette année en Challenge League? Quels sont vos objectifs pour la saison prochaine?

Cette saison a été une année de transition, ce qui est normal, compte tenu de l’exercice difficile 2020/2021.

L’objectif a été globalement atteint. Nous avons terminé à la 6ème place et lancé de nombreux jeunes issus de notre centre de formation, la Xamax Academy. Nous devons être capables d’intégrer chaque année au sein de notre 1ère équipe, des joueurs issus de notre secteur de formation. C’est un véritable objectif.

Par ailleurs, la moyenne d’âge de l’équipe a baissé et elle a fini sur le podium du classement des critères d’efficacité (Trophée SFL qui récompense les clubs qui ont aligné le plus de joueurs M-21) en titularisant plusieurs joueurs de moins de 21 ans. Notre but était de préparer ces jeunes joueurs pour la suite. En effet, en ayant du temps de jeu, ils ont ainsi accumulé de l’expérience, qui sera utile lors de l’exercice 2022/2023.

Pour la saison prochaine, nous devons hausser le niveau de compétitivité de l’équipe. En effet, la plupart des clubs vont certainement vouloir se renforcer, compte tenu du fait que la Super League passera à 12 équipes lors de la saison 2023/2024 (au terme de la saison 2022/2023 de Challenge League, les deux premiers clubs accéderont ainsi directement à la Super League). Cela va inévitablement entraîner une augmentation de la compétitivité du championnat de Challenge League.

Nous travaillons depuis plusieurs mois sur l’effectif de la saison 2022/2023, et avons déjà engagé plusieurs joueurs. Nous devons, dans la mesure du possible, programmer nos recrues à l’avance.

Justement, que pensez-vous de la nouvelle réforme de la Super League, avec le passage de 10 à 12 équipes ainsi que le système des Play-Offs?

Pour rappel, la réforme vient d’être mise en place et le nouveau mode de championnat est prévu en trois phases.

Durant la première phase, les 12 clubs joueront chacun deux fois contre toutes les autres équipes.

Une fois à domicile, une fois à l’extérieur. Il y aura un total de 22 matchs. Au terme de cette première phase, le classement sera divisé en deux. Il y aura les clubs classés de 1 à 6 dans le “Championship Group” et ceux classés de 7 à 12 dans le “Qualification Group”. Chaque équipe jouera 10 matchs.

Concernant la dernière phase, il s’agit de la “Championship Finales”. Les deux premières équipes du Championship Group s’affronteront pour le titre dans une série “best of 3”.

Pour les équipes classées du 3eme au 6eme rang du Championship Groupe et les 4 premières du Qualification Group, elles s’affronteront en “Europe Play Off”. Il y aura des quarts de finale ainsi que des demies avant une finale en un seul match sur le terrain du club le mieux classé. L’équipe qui finira sixième et dernière du Qualification Group sera reléguée en Challenge League. Pour finir, la cinquième et avant-dernière équipe disputera un barrage aller-retour contre le deuxième de Challenge League.

Selon moi, cette réforme est une bonne nouvelle pour le football suisse. Il faut essayer d’être le plus attractif possible vis-à-vis des supporters. Cela permet d’avoir des matchs à enjeu durant toute la saison. La tension sera à son comble et c’est ce que l’on apprécie en tant que spectateurs.

Nous essayons de notre côté, de rapprocher, le plus possible, les jeunes autour du club. Nous travaillons pour dynamiser l’image du club et des actions spécifiques ont été mises en place comme notamment le «Xamax On Tour». Aussi, toutes les deux semaines, des joueurs de l’équipe première, se rendent dans des clubs amateurs de la région pour donner des entraînements aux enfants et signer des autographes. Il y a aussi les «Xamax Academy Camp» qui réunissent, quatre à cinq fois par année, plus de 120 jeunes joueurs au stade de la Maladière, pendant deux semaines. Le but est de se rapprocher des jeunes et de fidéliser les supporters de demain.

Concernant votre expérience en tant qu’agent de football, pouvez-vous nous en raconter un bout?

Dans le cadre de ma précédente activité d’agent de joueurs, j’ai principalement suivi des joueurs suisses qui évoluaient en Super League et en Challenge League. Lorsque je travaillais en tant que consultant sportif avec l’agence internationale, je m’occupais de joueurs qui évoluaient notamment en Série A (première division en Italie).

C’est un métier complexe, dans la mesure où la concurrence est accrue entre les agents et ces derniers ne bénéficient pas, en règle générale, d’une bonne réputation. Par ailleurs, pour exercer cette activité, il faut être un bon négociateur, avoir un bon réseau et des connaissances juridiques.

Pour moi, pratiquer cette profession était l’occasion de m’introduire dans le milieu du football. J’ai pu ainsi acquérir de l’expérience, en rentrant en contact avec des dirigeants, entraîneurs et joueurs. J’en ai également profité pour apprendre plusieurs langues, compétence qui est, à mon sens, fondamentale.

Quel est votre avis à propos de la nouvelle réglementation mise en place par la FIFA concernant les agents de joueurs de football? Ce système de licence va-t-il permettre de faire évoluer cette profession?

Le système de licence va, je l’espère, permettre de mieux encadrer la profession d’agent de joueurs. Je suis totalement pour cette réglementation. En effet, le dernier système mis en place était trop libéral et engendrait trop de dérives. N’importe qui pouvait approcher un joueur et influencer ses choix de carrière. Or, il faut un réel background pour pratiquer cette profession, comme déjà indiqué. Avec cette nouvelle réglementation, des limites seront à nouveau posées et la profession devrait évoluer positivement, je l’espère.

Avez-vous des projets à l’avenir pour développer le football en Suisse?

C’est quelque chose qui doit se faire d’un commun accord entre les clubs, au sein de la Swiss Football League. Nous sommes régulièrement en contact afin d’échanger nos différents points de vue. Mon travail se focalise naturellement sur Neuchâtel Xamax FCS, et je tiens à ce que les intérêts de Neuchâtel Xamax FCS coïncident avec les intérêts des autres clubs, pour le bien du football suisse.

Crédit photo : Littoralfoot.ch

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