Mise à l’écart de Marcelo : une pratique qui fait sourire ?

par | 16, Sep, 2021

L’éviction de Marcelo du groupe professionnel de l’Olympique Lyonnais

En immobilier, les lofts sont de plus en plus prisés. Dans le football également, même s’ils accueillent principalement des joueurs délaissés.

Dans le monde du sport professionnel, un loft désigne l’ensemble des joueurs mis à l’écart du groupe professionnel, pour une durée indéterminée. Ces joueurs n’ont plus de contacts professionnels avec le reste de l’effectif. Ils s’entraînent à part, avec l’équipe réserve, évoluant en niveau inférieur, souvent en amateur et rarement en semi-professionnel1.

A défaut d’être appelé en équipe première, ces joueurs sont placés dans ces groupes pour des raisons souvent financières (refus de passer professionnel2, refus de prolonger son contrat3), mais également sportives (sureffectif en début de saison4).

En dehors de ces motifs économiques ou athlétiques, force est de constater que les clubs déclassent souvent des joueurs pour des raisons disciplinaires.

Récemment, suite à la débâcle de l’Olympique lyonnais à Angers5 le dimanche 15 août 2021, un coupable fut désigné : le défenseur brésilien Marcelo6

Un communiqué de presse d’OL Groupe du 17 août 2021 venait préciser la situation :

« L’Olympique Lyonnais informe qu’à la suite de sa défaite à Angers et de l’analyse qui en a été faite par les parties prenantes de la Direction sportive et son entraîneur Peter Bosz, il a été décidé que son joueur Marcelo prendrait part à compter de ce jour aux séances d’entraînements du groupe PRO 2 composé par ailleurs de nombreux autres joueurs sous contrat professionnel et dirigé par Gueida Fofana et Jérémie Bréchet, sous la supervision permanente de Peter Bosz et de son staff.

Le comportement inapproprié de Marcelo dans les vestiaires, à l’issue du match disputé à Angers, justifie cette décision prise unanimement par l’ensemble de la direction sportive de l’Olympique Lyonnais.

Le joueur a été informé de cette décision7  le jour même par Juninho, directeur sportif du club, et Peter Bosz, l’entraîneur.

La Direction sportive de l’Olympique Lyonnais rappelle que l’ensemble de ses joueurs doivent démontrer un état d’esprit et un engagement indéfectible pour retrouver sans tarder des résultats conformes aux ambitions du club ».

L’Olympique lyonnais peut-il mettre à l’écart Marcelo du groupe professionnel pour un comportement inapproprié ?

Autrement dit, la mise à l’écart d’un joueur par un club peut-elle être le fait d’une sanction disciplinaire ?

La mise en réserve des joueurs est encadrée par l’article 507 de la Charte du football professionnel, régissant la gestion de l’effectif. Cet article pose comme principe qu’un « club ne peut maintenir un joueur sous contrat professionnel à l’écart de la préparation et des entraînements collectifs des autres joueurs professionnels ».

Comme tout principe, des exceptions sont à relever. Elles sont au nombre de 3 : 

  • Tout d’abord, durant la présaison et au début de la saison, entre le 1er juillet et le 2 septembre, ce principe ne trouve pas à s’appliquer, sous réserve que le joueur sous contrat professionnel, maintenu à l’écart de la préparation et des entraînements collectifs des autres joueurs professionnels, bénéficie :

-D’un accès à un vestiaire, à des infrastructures d’entraînement, aux soins médicaux éventuellement différents mais de qualité identique ;

-D’un accès à des entraînements encadrés par un entraîneur titulaire d’un diplôme fédéral sous le contrôle de l’entraîneur du club titulaire du Brevet d’Entraîneur Professionnel de Football (BEPF) ou Brevet d’Entraîneur Formateur de Football (BEFF) ;

-De la fourniture des équipements prévus pour tous les joueurs professionnels ;

-D’horaires d’entraînement compatibles avec les autres conditions de la préparation et des entraînements du groupe principal des professionnels et respectueuses de sa santé.

  • De plus, en cas de problème de santé et pour raison médicale, ce principe ne trouve pas à s’appliquer.
  • Enfin, entre le 3 septembre et le 30 juin, ce principe ne trouve pas à s’appliquer, sous réserve que le club ait constitué un second groupe d’entraînement composé d’un minimum de 10 joueurs sous contrat professionnel, élite ou stagiaire pour les clubs de Ligue 1 et que ceux-ci bénéficient des conditions mentionnées ci-dessus8.

Quant à cette dernière exception, relative aux groupes d’entraînements, la mise à disposition de tout joueur sous contrat professionnel dans le 2ème groupe d’entraînement, selon les critères et conditions définis ci-dessus, doit s’effectuer de manière temporaire pour des motifs exclusivement sportifs liés à la gestion de l’effectif.

Elle ne doit en aucun cas se prolonger de manière régulière, permanente et définitive s’apparentant à une mise à l’écart du joueur contraire à l’esprit du texte et du contrat de travail du footballeur professionnel ».

Un joueur sous contrat professionnel peut donc être maintenu à l’écart de la préparation et des entraînements collectifs des autres joueurs professionnels, mais seulement sous les strictes conditions que nous venons d’énoncer. 

Passé le 3 septembre, un joueur professionnel, sain, participant à des rencontres en première division, peut donc intégrer un deuxième groupe d’entraînement, en l’occurrence, celui d’une équipe B évoluant dans un championnat inférieur. En l’espèce, la réserve, le groupe PRO 2 de l’Olympique Lyonnais évolue en National 2. 

Néanmoins, cette relégation doit s’effectuer de manière temporaire, c’est-à-dire non-définitive pour des motifs exclusivement sportifs liés à la gestion de l’effectif. Cette décision ne peut être utilisée que pour des problèmes sportifs spécifiques et ne peut pas être assimilée à une sanction. Cette relégation ne doit pas s’apparenter à une mise à l’écart du joueur contraire à l’esprit du texte et du contrat de travail du footballeur professionnel.

Dans notre affaire, le communiqué de l’OL est explicite : « A la suite de sa défaite à Angers et de l’analyse qui en a été faite par les parties prenantes de la Direction sportive et son entraîneur Peter Bosz (…) Marcelo prendrait part à compter de ce jour aux séances d’entraînements du groupe PRO 2 ».

Le défenseur brésilien est indéniablement mis à l’écart à titre « disciplinaire », en raison de son comportement à la suite du match9.

Cette convention collective précise enfin que « toute contravention ou inobservation de ces conditions cumulatives d’entraînement entraînant un litige sera traitée par la commission juridique de la LFP. Dans l’hypothèse où la commission juridique considérerait que ces conditions cumulatives n’ont pas été respectées, le joueur devra être réintégré dans le premier groupe d’entraînement10 ».

Un joueur de football professionnel, placé de manière répétée dans le second groupe d’entraînement, peut prétendre à la reconnaissance d’un préjudice moral et professionnel, au civil, voire au pénal11, comme l’a affirmé la Cour d’Appel de Reims en condamnant le directeur général du club champenois : « Mathieu Lacour a commis une faute caractérisée par des agissements répétés ayant eu pour effet une dégradation des conditions de travail d’Anatole Ngamukol portant atteinte aux droits de ce dernier, à sa dignité, et de nature à compromettre son avenir professionnel ».

Le PSG avait, lui, écopé d’un avertissement de la commission juridique de la Ligue (LFP), saisie par son milieu Adrien RABIOT qui contestait sa mise au ban du groupe Pro. Par application de cet article 507, l’instance disciplinaire avait demandé au club parisien de réintégrer le joueur12.

Mais les clubs peuvent aussi être sanctionnés plus durement. Auparavant, l’été 2011 ne fut pas vert pour les stéphanois. Suite à la mise à l’écart de Boubacar SANOGO et Sylvain MONSOREAU, et une tribune parue dans le journal l’Équipe, l’attaquant sera dédommagé à hauteur d’1 million d’euros, et le défenseur central touchera 180 000€ de rappel de salaire.

Une décision allant dans le sens de Philippe PIAT, co-président du syndicat des joueurs de football professionnels (UNFP), qui jugeait que « l’envoi de joueurs en réserve en cas de conflit relève du harcèlement pur et dur » et veut « un durcissement des sanctions ». Pour contraindre les clubs à être plus vertueux, il faut des sanctions plus fortes. En effet, « quand une sanction n’est pas dissuasive, elle ne sert à rien. On la contourne. L’idéal serait des amendes ou des points en moins. Mais la sanction la plus opportune devrait être l’interdiction de recruter. Les clubs feraient n’importe quoi pour ne pas avoir cette sanction. On peut estimer que ce que je dis est excessif, mais c’est justement en étant excessif que les règles sont respectées13 ».

Force est de constater que l’envoi des joueurs en réserve est désormais monnaie courante dans le monde professionnel ; de quelques joueurs délaissés les années précédentes, la saison 2019-2020 a dénombré plus de 145 joueurs (dans 26 clubs de L1 et L2 sur les 1500 professionnels) qui sont envoyés en réserve de manière anormale.

Le cas Marcelo n’est donc pas un cas isolé. Aux vues de la situation, et si le comportement inacceptable du joueur est avéré, une résiliation du contrat pour faute grave paraît bien plus opportune et légale qu’un isolement, conséquence d’une double sanction imminente.

Marcelo : place à la rupture du contrat ?

Comme nous l’avons constaté précédemment, Marcelo se trouve dans une position délicate avec l’Olympique lyonnais. Promis à démontrer ses qualités au sein d’un groupe de jeunes joueurs, groupe qui ne pourrait l’accueillir éternellement, le brésilien devrait se trouver une porte de sortie. L’OL pourrait même décider de résilier son contrat pour faute grave, solution à privilégier pour un avenir plus « souriant ».

Le club rhodanien pourrait-il résilier le contrat de son défenseur central ?

Par principe, s’agissant de la rupture du contrat, la loi du 27 novembre 2015 reste soumise au droit commun du CDD14. Le code du travail prévoit des cas très précis de rupture anticipée et le code du sport interdit les clauses de rupture unilatérale pures et simples15.

Selon l’article L. 1243-1 et suivant du code du travail, 3 cas peuvent justifier la fin du contrat. Dans la situation des parties, à savoir une mise à l’écart de Marcelo par l’Olympique lyonnais, l’accord des parties nous paraît envisageable qu’à défaut de solution juridique. La force majeure reste un cas théorique, peu présent dans la pratique.

Il convient donc d’éluder une potentielle faute grave.

La faute grave est la faute qui rend impossible le maintien du lien contractuel jusqu’au terme fixé par les parties. L’appréciation se fait in concreto.

A titre d’exemple, a été reconnu de faute grave le fait de contrevenir aux obligations du règlement intérieur16, de refuser de se prêter aux soins nécessaires17, de contracter avec une autre structure (si une clause spéciale l’interdit18), de se montrer agressif à l’égard de l’employeur19 ou des joueurs20, ou encore en cas d’accumulation de cartons rouges21.

Néanmoins, elle a été refusée concernant le fait de ne pas obtenir les résultats sportifs escomptés22, ou de préparer un engagement dans un équipe concurrente23

Cette rupture constitue une sanction, le respect de la procédure disciplinaire est donc prescrit, article L. 1332-1 (nécessairement écrite, procédure conventionnelle parallèle, saisine commission…), mais la n’est pas le cœur du problème.

Le communiqué d’OL Groupe au sujet de la mise au ban de Marcelo, terminait par : “ses joueurs doivent démontrer un état d’esprit et un engagement indéfectible pour retrouver sans tarder des résultats conformes aux ambitions du club”. On remarque dès lors deux prérogatives indispensables, que le club lie : un comportement irréprochable, guidant vers des bons résultats.

Un joueur ne pouvant voir son contrat rompu en raison de ne pas obtenir les résultats sportifs attendus (voir ci-dessus), l’Olympique lyonnais devra prouver que son comportement, à l’instar de son niveau, n’était pas au rendez-vous.

Les obligations du joueur salarié sont synthétisées à l’article 12.3.1.1 de la Convention Collective Nationale du Sport (CCNS).

Outre les prestations d’ordre physique (participation aux entraînements, rencontres officielles, stages) dont il est tenu d’exécuter, le sportif est tenu à des prestations de nature commerciale tel qu’assurer la promotion du sponsor du club, de concéder l’exploitation de son image, mais également des prestations de relations publiques (paraître en public au salons d’après matchs, faire des séances de dédicaces, aller à la rencontre des supporters…).

Sourire lors du discours d’après match, en période de crise, vient inéluctablement ternir l’image de l’association. L’ambiance véhiculée par ce type de comportement est néfaste et négative pour les Gones. 

Il est par ailleurs tenu au respect des règlements par des clauses types, les obligations topiques du salarié.

Reste au juge à apprécier la gravité de la faute. Le maintien du lien contractuel jusqu’au terme fixé par les parties semble compromis, certes, mais est-il impossible ?

La mission s’annonce périlleuse, tant la situation et l’interprétation d’un sourire, à un instant donné, peut diverger. En tout état de cause, dans le droit commun, aucun licenciement n’a encore été prononcé pour un rictus brocardeur.

Le défenseur lyonnais est un des “gros salaires » du club. D’après l’écrivain Raoul FOLLEREAU, “un sourire ne coûte rien et produit beaucoup, il enrichit celui qui le reçoit sans appauvrir celui qui le donne”. Cette maxime pourrait être vérifiée et permettre à l’OL d’économiser 7 000€ par jour, 47 000€ par semaine, 200 000€ par mois, 2,4M€ par an.. et ce jusqu’au terme du contrat de Marcelo, le 1er juin 2023 – ou légèrement moins – dans l’optique où la résiliation à l’amiable semble être la solution à tous les maux.

  1. Après la Ligue 1 et la Ligue 2, on retrouve les Championnats de France de football National 1, 2 et 3, puis Régional 1, 2 et 3
  2.  L’ex-toulousain, Jean-Clair TODIBO a été mis à l’écart deux mois pour son refus de passer pro (avant de signer au FC Barcelone).
  3.  Adrien RABIOT a été réintégré au groupe pro du PSG après quelques semaines d’isolement, suite à son refus de prolonger son contrat. Au Havre, Harold MOUKOUDI n’a pas joué un seul match de la seconde partie de saison en raison de discordance grandissante avec sa direction suite à sa non-prolongation.
  4.  Lors de la pré saison 2017-2018, le club de Lille y avait placé 7 joueurs n’entrant pas dans les plans de l’entraîneur Marcelo Bielsa  (Marko Basa, Eder, Vincent Enyeama, Marvin Martin, Rio Mavuba, Julian Palmieri et Nahim Sliti). Autre exemple à Rennes avec 8 joueurs indésirables pour Christian Gourcuff (Dimitri Cavaré, Clément Chantôme, Kermit Erasmus, Anthony Ribelin et Wesley Saïd, Giovanni Sio, Yacouba Sylla et Mehdi Zeffane).
  5.  Match comptant pour la 2ème journée de Ligue 1, Angers 3 – Lyon 0.
  6.  Marcelo Antônio Guedes Filho, footballeur brésilien né le 20 mai 1987 à São Vicente.
  7.  Le 16 août 2021 dans l’après-midi.
  8.  Quota abaissé à 8 joueurs pour les clubs de Ligue 2.
  9.  Lors du discours d’après match du capitaine Léo Dubois, MARCELO souriait, selon footmercato.
  10.  Article 507 de la Charte du football professionnel, 3°Contentieux.
  11.  Cour d’Appel de Reims, 8 janvier 2021, Affaire Anatole NGAMUKOL c/ Mathieu LACOUR.
  12.  Recommandation de la commission juridique de la ligue de football professionnel du 22 janvier 2019.
  13.  Interview de Philippe PIAT, le 9 février 2019 pour L’Alsace (Groupe EBRA).
  14.  Articles L. 1243-1 et suivants du code du travail.
  15.  Article L. 222-2-7 du code du sport.
  16.  CA Grenoble 19 octobre 1993.
  17.  Cass. soc., 20 février 2019.
  18.  Cass. soc., 26 avril 2017.
  19.  Cass. soc., 28 janvier 2016.
  20.  CA Dijon, 17 septembre 2009. 
  21. CA Bordeaux, 7 juin 2011.
  22.  Cass. soc., 21 juillet 1993.
  23.  Cass. soc., 23 octobre 2013.

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