La signature de Messi au Paris Saint Germain, c’est d’abord le choc de l’été, c’est l’une des nouvelles qui dépassent largement le cadre du sport, a fortiori du Football. Regardons ensemble pourquoi le transfert de Messi au PSG est en train de devenir le symbole de la réussite soft power du Qatar dans le football européen. Éléments de réponse avec Jean-Baptiste Guegan, spécialiste en géopolitique du sport.
Les dessous de la signature de Messi au PSG
Le PSG profite du contexte économique et sanitaire particulier, qui a entraîné une perte d’exploitation assez conséquente pour le FC Barcelone et la Liga, associé à une dette qui dépassait le milliard pour le club catalan. Ce dernier ne pouvait donc inscrire le joueur dans le cadre des nouvelles réglementations imposées par la ligue espagnole. Cela va libérer beaucoup de masse salariale et permettre à Laporta (Président du FC Barcelone), de tourner la page Messi.
Le départ de Messi était une réelle aubaine, libre sur le marché. Il n’y avait pas beaucoup de candidats potentiels, et le club parisien avait déjà des rapports très étroits avec Messi depuis plusieurs années. Ils essayaient de le faire venir depuis 2017. Également, de par sa relation avec Neymar et les argentins du PSG, la superstar a rapidement été annoncée chez les Rouge et Bleu. Et puis, il faut souligner le fait que le club parisien a été intelligent en proposant un contrat qui correspondait aux attentes du joueur, autrement dit : un contrat court avec option, qui lui permet d’aller jusqu’en 2024, c’est-à-dire aux Jeux Olympiques de Paris, soit de partir au bout de 2 saisons et aller ensuite jouer en MLS ou dans le championnat argentin.
Le PSG saisit donc de cette opportunité, juste phénoménale d’un point de vue sportif. Cela va renforcer les rangs parisiens et les rapprocher encore un peu plus de leur ultime but, remporter la Ligue des Champions. Si on regarde de plus près, la nouvelle recrue Messi est moins onéreuse pour le PSG que l’a été le transfert de Kehrer. Cela montre aussi la crise extrême qui traverse le football européen : Le club de la capitale a signé Wijnaldum, Ramos, Donnarumma et Messi gratuitement. 4 joueurs internationaux parmi les meilleurs à leur poste en Europe, c’est de l’ordre de l’irrationnel.
En termes de marketing, le PSG va énormément gagner avec ce transfert, par l’exposition du sextuple ballon d’or et son image de marque. Messi, c’est plus de 250 millions de followers sur les réseaux sociaux, une des plus grandes marques mondiales dans le sport, c’est tout bonnement le joueur qui fait rêver les personnes qui n’aiment pas le football. Vous associez cela au PSG, l’une des 10 plus grandes franchises du football mondial, en l’occurrence la 7ème, et une des 30 plus grandes franchises à l’échelle du sport en général.
On peut déjà en constater les retombées : l’annonce du transfert de Messi a fait “exploser” le compte Instagram du PSG, qui a pris environ 5 millions d’abonnés supplémentaires en 48h. C’est assez impressionnant, d’autant plus quand l’on connaît l’extrême concurrence sur les réseaux sociaux.
Cette opération va également permettre au PSG d’attirer de nouveaux partenaires, et les présents partenaires, au nombre de 32 actuellement, vont voir leur contrat renégocié à la hausse. D’autres acteurs de l’écosystème vont vouloir être associés à la marque parisienne.
Ainsi, grâce à Messi, l’exposition de la marque Paris Saint Germain prend de plus en plus d’importance et cela implique que les contrats avec les sponsors rapportent plus. On s’aperçoit également qu’il y a davantage de supporters de joueurs que de clubs, c’est-à-dire qu’on suit les joueurs de club en club, Messi, qui fait exploser les compteurs des réseaux du PSG, en est l’exemple parfait.
Cela démontre aussi un changement plus profond de la nature du football, non seulement économiquement mais également contractuellement où l’on voit de plus en plus de transferts libres. On voit une évolution profonde du marché des transferts en Europe, lié à la crise. C’est un risque économique mais c’est surtout une opportunité marketing, il n’y a qu’à lire les déclarations pour le moins enthousiastes de Vincent Labrune et de Jean-Michel Aulas.
La concrétisation d’une stratégie soft power dûment menée par les qataris
Au-delà des aspects sportifs et marketing, rappelons que derrière le PSG se trouve l’actionnaire majoritaire et unique QSI (Qatar Sports Investment), détenu lui même par Qatar Investment Authority, le fond d’investissement national du Qatar. L’arrivée de Lionel Messi au Paris Saint-Germain est donc un énorme coup pour le pays qui prépare activement la réception du Mondial 2022 et qui marque la réussite de la stratégie de soft-power menée par les qataris depuis une dizaine d’années par l’intermédiaire du PSG.
La stratégie du Qatar dans le sport est liée à plusieurs facteurs.
La première, c’est qu’il s’agit d’une stratégie défensive, de survie. Le Qatar n’a pas oublié ce qui est arrivé au Koweït en 1990-1991, c’est-à-dire un pays qui se fait envahir par ses voisins et qui dépend du bon vouloir de la puissance américaine et des alliés occidentaux, pour s’en sortir. Or, le Qatar est situé dans un environnement géostratégique compliqué, à côté de l’Iran. Il y a une forte rivalité régionale avec l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis. Pour faire exister le Qatar, le pays a choisi une stratégie de visibilité par le sport, au lieu de le faire par le pétrole ou par la culture.
Cet investissement est lié à une deuxième volonté, préparer l’après rente énergétique, créer, via des investissements dans le sport, la réussite du Qatar hors énergie avec la formation et le soin des athlètes (Aspire, académie sportive et Aspetar, hôpital du sport). Faire exister le pays par le football (nation branding et place branding) pour les investisseurs et l’opinion publique. Préparer l’après-pétrole, faire de Doha, un lieu incontournable dans le monde. Le meilleur moyen de réussir cette stratégie d’influence et de rayonnement, elle passe par le soft power, qui lui-même réside dans la création d’un buzz international dont le Mondial 2022 n’est qu’un accélérateur.
La dernière pierre à l’édifice des qataris est de pérenniser leur peuple. Peu nombreux, l’objectif est de rendre fiers et patriotes les qataris et surtout de les intéresser au sport. Le projet de 2030 sert à cela. On voit l’aboutissement du projet vision 2030 du Qatar avec la recherche de visibilité de plus en plus grande et de respectabilité par le sport et le football de surcroît. Ils profitent de la crise, sont opportunistes et dans le bon timing, c’est très intelligent et réfléchi de leur part. Réussir à faire venir Messi, Ramos, Donnarumma, Wijnaldum et Hakimi, le tout pour 60 millions d’euros d’indemnité de transfert, c’est un mercato totalement réussi. Évidemment, il reste les salaires à financer, mais cela peut s’amortir.
On est face à une stratégie des plus ambitieuses dans le monde du football, économiquement comme médiatiquement. Le PSG semble intouchable, les grandes institutions du football telles que la FIFA ou l’UEFA ne diront rien.
L’objectif est donc de faire de la visibilité et valoriser le Qatar à l’aube de la Coupe du Monde 2022, Qatar qui est sorti récemment du blocus imposé par l’Arabie Saoudite et les Émirats Arabes Unis depuis quelques mois. L’exposition médiatique fait que tout le monde assimile le PSG au Qatar, lui-même assimilé au Mondial 2022. Ce qui s’est négocié ces derniers jours, ce n’est pas une question de salaire, c’est surtout la gestion des droits d’image, on parle d’une cinquantaine de pages dédiées aux droits à l’image dans ledit contrat. On va assister à un « Qatar Winter Tour », c’est-à-dire qu’à la pause hivernale, Messi, Neymar et Mbappé vont aller faire des photos à Doha, à l’image des Cavani, Neymar, Mbappé en 2017. Beaucoup de marques associées au PSG, et notamment les qatariennes voudront utiliser l’image de Messi. On peut aussi s’attendre à voir le nouveau numéro 30 du PSG, ambassadeur de la Coupe du monde 2022.
Le Qatar est en passe de remplir l’un des objectifs du soft power, qui est de maîtriser l’agenda international et faire parler de soi, en investissant dans la culture ou le sport. Le timing juste après les Jeux Olympiques et l’Euro est excellent, la dynamique sportive est d’actualité. Toute la presse internationale est obnubilée par ce transfert, on en a presque oublié le Covid dans les médias. Le PSG va changer de dimension, c’est une évidence.
Au-delà de cette stratégie, le Qatar s’est rapproché des institutions françaises. Alors qu’ils avaient une image d’investisseurs arrogants et court-termistes, aujourd’hui, le petit émirat du Moyen-Orient apparaît comme un partenaire fiable et rassurant pour les institutions internationales. On l’a vu récemment avec l’épisode de la Super Ligue, là où avant le Paris Saint-Germain était pointé du doigt, avec le Qatar derrière lui, pour des entorses au fair-play financier, aujourd’hui, PSG et Qatar ont redoré leur blason.