Le défibrillateur au sein des établissements sportifs

par | 16, Mar, 2023

Un Défibrillateur Automatisé Externe (ci-après “DAE”) est un dispositif médical qui peut permettre la réanimation d’une personne victime d’un arrêt cardiaque. 

Depuis le 1er janvier 2022, certains établissements recevant du public (ci-après “ERP”) de catégorie 5 ont obligation de s’équiper d’un DAE. Il s’agit de la dernière phase de la réforme d’équipement en défibrillateur des ERP lancée en 2018 (loi du 29 juin 2018, et décret numéro 2018-1186 du 19 décembre 2018 relatif aux défibrillateurs automatisés externes). 

Ainsi, après le DAE obligatoire pour les ERP de catégorie 1 à 3 depuis le 1er janvier 2020, puis des ERP de catégorie 4 depuis le 1er janvier 2021, c’est désormais certains ERP de catégorie 5 qui ont obligation de mettre un DAE libre d’accès à disposition du public (1). 

Les DAE envisagés et autorisés par la loi sont les semi-automatiques ou entièrement automatiques (article R.  6311-14 du Code de la santé publique, ils doivent obligatoirement disposer du marquage et être certifiés CE (règlement UE 2017/745 relatif aux dispositifs médicaux). 

Selon l’article R. 143-2 du code de la construction et de l’habitation (ci-après “CCH”), « constituent des établissements recevant du public (ERP) tous bâtiments, locaux et enceintes dans lesquels des personnes sont admises, soit librement, soit moyennant rétribution ou une participation quelconque, ou dans lesquels sont tenues des réunions ouvertes à tout venant ou sur invitation, payantes ou non. Sont considérées comme faisant partie du public toutes les personnes admises dans l’établissement à quelque titre que ce soit en plus du personnel ».

Tout établissement recevant du public est classé en catégorie, d’après l’effectif du public accueilli (et du personnel, selon la catégorie considérée), c’est-à-dire en fonction de sa capacité d’accueil. Cette classification est liée à la prévention des risques et à la sécurité au sein de ces bâtiments (article R. 143-19 du CCH). Pour connaître la catégorie d’un ERP, il faut se référer aux comptes-rendus et visites périodiques de sécurité ou contacter le service d’incendie et de secours (SDIS) du département.

La catégorie 5 comprend les : « établissements faisant l’objet de l’article R. 143-14 dans lesquels l’effectif du public n’atteint pas le chiffre minimum fixé par le règlement de sécurité pour chaque type d’exploitation ».

Ainsi, au visa du décret de 2018, depuis le 1er janvier 2022, seuls certains ERP de catégorie 5 sont concernés par l’obligation de DAE. Parmi eux, les établissements sportifs clos et couverts ainsi que les salles polyvalentes sportives (2).

Dans le cadre de cet article juridique appliqué au monde du sport, concentrons-nous sur la notion « d’établissement sportifs clos et couverts ainsi que les salles polyvalentes sportives » (I), afin de voir les différentes obligations qui pourraient s’appliquer aux ERP concernés par l’obligation de s’équiper en DAE (II). 

I – Les établissements sportifs clos et couverts ainsi que les salles polyvalentes sportives de catégorie 5

On peut distinguer différents ERP de catégorie 5 qui doivent actuellement répondre à l’obligation de DAE. 

Tous les ERP ne présentent pas les mêmes caractéristiques de taille, de destination, d’usage et de risques. Ils sont donc répartis en types selon la nature de leur exploitation. La typologie de l’établissement, qui correspond à son activité, est désignée par une lettre (règlement de sécurité incendie dans les ERP article GN 1). 

Ils sont ensuite classés en catégories d’après l’effectif du public et du personnel. 

Les « établissements sportifs clos et couverts ainsi que les salles polyvalentes sportives » sont ceux répondant au type X du Règlement de sécurité contre les risques d’incendie et de panique dans les ERP, c’est-à-dire les salles omnisports ; les salles d’EPS, salles spécialisées ; les patinoires, piscines couvertes, transformables et mixtes ; et les salles polyvalentes à dominante sportive dont l’aire d’activité est inférieure à 1200 m2 et où la hauteur sous le plafond supérieure à 6.5m. 

Le décret du 19 décembre 2018 reprend explicitement les mêmes termes que ceux employés par la typologie X du règlement précité : « les établissements sportifs clos et couverts ainsi que les salles polyvalentes sportives ». L’esprit poursuivi par ce récent décret est donc de mettre à la charge des établissements de type X une obligation d’équipement en DAE. 

Les terrains de tennis couverts (indoor), les gymnases et les salles polyvalentes à dominante sportive dont l’aire d’activité est inférieure à 1200m2 et où la hauteur sous le plafond supérieure à 6.5m, sont considérés comme des établissements sportifs couverts soumis à l’obligation de s’équiper en DAE. 

En revanche, il semble que les “clubs-house”, vestiaires ou autres locaux sportifs ne répondent pas à la typologie X, notamment en raison de la hauteur sous le plafond (qui serait indéniablement inférieure à 6,5m), et seraient donc par définition exclus des établissements sportifs couverts et par conséquent non soumis à l’obligation de DAE.

La 5ème catégorie est entendue en application de la capacité d’accueil de l’ERP. En dessous du minimum fixé par le règlement de sécurité, les établissements sportifs sont classés dans cette 5ème catégorie (article R143-19 CCH). Cette catégorie a vocation d’intégrer les ERP qui ne répondent pas aux critères pour être classés dans une catégorie inférieure (1, 2, 3 ou 4). La catégorie 5 concerne donc les ERP dont la capacité d’accueil, effectif du public seulement, est inférieure à 100 personnes en sous-sol, ou à 100 personnes en étage, ou à 200 personnes au total (article R143-19 CCH et règlement de sécurité). 

Au-dessus de ces seuils, l’ERP est donc de catégorie 4 ou inférieur; étant précisé que les ERP des catégories 1, 2, 3 et 4 ont d’ores et déjà l’obligation de détenir un DAE.

Par conséquent, l’ensemble des établissements sportifs couverts, soit de type X, ont à l’heure actuelle, l’obligation de s’équiper en DAE. Tous les établissements sportifs couverts recevant du public, à partir de 1 personne, sont donc concernés !

À titre de complément, les “bulles sportives”, c’est-à-dire les structures gonflables (enveloppe souple supportée par de l’air introduit sous pression) sont des ERP de type SG. Ces ERP sont classés en 4 catégories. Ils ne sont donc pas concernés par la dernière application du décret de 2018 visant uniquement les ERP de catégorie 5. L’ensemble des structures gonflables sportives est d’ores et déjà soumis à l’obligation de s’équiper en DAE, et ce depuis le 1er janvier 2021. 

En outre, et pour compléter ce propos appliqué au domaine sportif, nous pourrions considérer que les club-houses, vestiaires et autres annexes sportives, soient des ERP de type L (salle réservée aux associations). Ces derniers, comme les autres, sont classés en catégorie en fonction de l’effectif admissible. Par principe, l’ERP de type L est de catégorie 4 si l’effectif du public est de 300 personnes et au-dessous. Toutefois, et par exception, l’ERP de type L sera de catégorie 5 si l’effectif admissible est inférieur aux seuils fixés pour cette catégorie. Ainsi, un ERP de type L sera de catégorie 5 s’il peut accueillir moins de 100 personnes en sous-sol et moins de 200 personnes au total. 

Comme évoqué en introduction, seuls certains ERP de type 5 ont l’obligation de s’équiper en DAE ; les ERP de type L de catégorie 5 ne sont pas concernés par cette obligation. 

Dès lors, seules les salles associatives de plus de 100 personnes en sous-sol ou de 200 personnes au total, en ce qu’ils sont de catégorie 4, seront concernés par l’obligation de s’équiper en DAE. 

II – Les obligations propres aux ERP concernés par l’obligation de s’équiper en DAE

L’obligation de détenir un DAE incombe aux propriétaires des ERP.

Selon l’article R. 123-59 CCH, l’équipement en DAE peut être mis en commun/mutualisé :

– Lorsque plusieurs ERP sont situés sur un même site géographique. Par même site géographique est entendu la possibilité d’accéder au DAE mutualisé, à tout moment, dans un délai compatible avec l’urgence cardiaque, c’est-à-dire en moins de 5 minutes.

– Pour les ERP placés sous une direction commune et dans un même bâtiment au sens de l’article R.123-21 du CCH.

Le DAE est installé dans un emplacement visible du public et en permanence facile d’accès (R. 123-58 CCH) pour diminuer au maximum le délai de prise en charge de l’arrêt cardiaque :

– Installer le DAE de préférence en extérieur pour qu’il soit accessible de tous même pendant les heures de fermeture au public ;

– Installer le DAE sur le mur extérieur d’un bâtiment facilement identifiable et connu des citoyens (ex : mairie, etc.) ;

– Installer le DAE dans un boîtier pour le protéger des intempéries et assurer son maintien dans les conditions, notamment de température, requises par son fabricant.

Les services de secours et d’aide médicale d’urgence territorialement compétents peuvent, le cas échéant, être sollicités pour apporter leur expertise sur l’emplacement le plus approprié.

Le propriétaire de l’ERP qui possède un DAE doit répondre à 3 séries d’obligations : 

Tout d’abord, une obligation de maintenance. L’article L. 5212-1 du code de la santé publique (ci-après “CSP”) dispose que : « l’exploitant est tenu de s’assurer du maintien de ces performances et de la maintenance du dispositif médical ». 

L’exploitant d’un dispositif médical, défini par l’article R. 5211-5 du CSP comme : « toute personne physique ou morale assurant la responsabilité juridique de l’activité requérant l’utilisation de ce dispositif ». Il doit s’assurer que le DAE soit opérationnel. L’article R. 5212-25 du CSP (R. 123-60 du CCH) précise que : « l’exploitant veille à la mise en œuvre de la maintenance et des contrôles de qualité prévus pour les dispositifs médicaux qu’il exploite. La maintenance est réalisée soit par le fabricant ou sous sa responsabilité, soit par un fournisseur de tierce maintenance, soit par l’exploitant lui-même ». 

Maintenir son DAE n’équivaut pas uniquement à la supervision de son dispositif mais également à la mise à jour régulière de ses composants, et notamment des consommables (batterie, électrodes) et de son logiciel, conformément aux recommandations du fabricant; pour que ce dispositif soit opérationnel à tout moment.

L’arrêté du 29 octobre 2019 relatif aux défibrillateurs automatisés externes et à leurs modalités de signalisation dans les lieux publics et les ERP, pose une obligation de signalétique. 

Pour les propriétaires d’ERP exploitants de DAE, et concernant les dispositifs installés à partir du 1er janvier 2020, il est désormais obligatoire d’apposer sur le boîtier ou à proximité immédiate de l’appareil une étiquette conforme à un modèle type.

Enfin, une obligation de déclaration. Conformément à l’article L. 5233-1 du CSP, tous les exploitants de DAE ont l’obligation de déclarer les données d’implantation et d’accessibilité de leurs DAE au sein de la base de données nationale pour diffuser aux citoyens et services de secours et d’aide médicale d’urgence (https://geodae.atlasante.fr/apropos).

Tout non-respect des obligations expose les ERP à de lourdes sanctions. Ainsi un ERP de catégorie 1 à 5 qui ne respecte pas la réglementation en termes de sécurité s’expose à :

  • Des sanctions administratives : fermeture temporaire ou définitive ordonnée par le maire ou le préfet (après avis de la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité).
  • Des sanctions pénales : en cas de non-respect des obligations afférentes au DAE ; et en outre, un ERP qui ne possède pas de DAE s’expose à une plainte des ayants-droits d’une victime d’arrêt cardiaque pour « violation manifestement délibérée des règles de prudence ». La responsabilité de l’établissement peut être engagée et la sanction encourue peut s’élever jusqu’à 75 000 € d’amende et jusqu’à 5 ans d’emprisonnement (article 221-6 ; 222-19 ; 222-20 ; 223-1 et R. 625-3 du code pénal).

En résumé, ce qu’il faut retenir à propos des DAE : 

Les propriétaires des ERP de type X ont dû installer un DAE au plus tard :

  • Depuis le 1er janvier 2020 pour les ERP de catégories 1 à 3 ;
  • Depuis le 1er janvier 2021 pour les ERP de catégorie 4 ;
  • Depuis le 1er janvier 2022 pour certains ERP de catégorie 5.

Un établissement peut connaître sa catégorisation en ERP en contactant le Service Départemental d’Incendie et de Secours (SDIS).

Cette obligation incombe au(x) propriétaire(s) de l’ERP. 

Les associations sportives disposant de terrains couverts, ainsi que les propriétaires de gymnases et les salles polyvalentes à dominante sportive (ERP de type X), ont TOUS l’obligation d’avoir un DAE.

L’installation d’un DAE se fait à un endroit stratégique et s’accompagne d’une mise en place d’une signalisation précise.

L’exploitant d’un DAE doit assurer l’entretien et la maintenance de ce dernier.

L’installation d’un DAE doit être signalée à la base de données nationale des défibrillateurs GeoDAE.

Le non-respect de l’obligation d’équipement en DAE fait encourir des sanctions administratives et judiciaires à l’exploitant  de l’ERP.

  1.  En tout état de cause, en dehors des ERP légalement tenus de s’équiper, toute personne est libre d’installer un DAE et de contribuer à sauver des vies
  2.  Pour votre complète information, sont également visés : les structures d’accueil pour personnes âgées, les structures d’accueil pour personnes handicapées, les établissements de soin (L. 6111-1 CSP), les gares, les hôtels-restaurants d’altitude et les refuges de montagne.

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