Lionel Messi au Paris Saint-Germain : quel impact pour le Fair Play Financier ?

par | 24, Août, 2021

Lionel Messi au Paris Saint-Germain : quel impact pour le Fair Play Financier et la régulation financière du football européen ?

Le 27 mai 2010, le comité exécutif de l’UEFA adoptait le principe du Fair Play Financier (FPF) visant à freiner l’inflation des dépenses engagées par les clubs et à assurer la santé financière du football européen en contraignant les clubs européens à ne plus vivre au-dessus de leurs moyens. 

Face aux pertes principalement dues aux dépenses réalisées pour financer les salaires toujours croissants des joueurs, ce règlement impose aux clubs d’équilibrer leurs comptes en poursuivant des objectifs d’amélioration financière, de transparence et de crédibilité visés à l’article 2.2.a du règlement de l’UEFA sur l’octroi de licence aux clubs et le fair play financier. 

L’article 62.4 du règlement précité reflète ces objectifs en ce qu’il dispose que tout club dont la masse salariale dépasse 70% de son budget ou dont la dette dépasse 100% du total de ses recettes, sur une période de surveillance (correspondant à trois années), devra communiquer un rapport détaillant les mesures envisagées pour y remédier. 

Les sanctions pour non respect des dispositions du FPF, prévues par l’article 29 du règlement de procédure régissant l’instance de contrôle financier des clubs de l’UEFA, sont variées, allant de la simple mise en garde jusqu’à l’exclusion des compétitions en passant par le retrait d’un titre ou d’un mérite. 

L’enjeu de cette régulation est a priori louable afin de limiter les endettements des grands clubs européens et favoriser le développement durable de nouveaux modèles économiques. 

Cependant, depuis sa création, et malgré plusieurs révisions, le FPF n’a cessé d’être fragilisé. 

Le Fair Play Financier : un dispositif malmené

Depuis sa mise en place, la portée normative du FPF l’a fait entrer en conflit avec les principes de libre concurrence et de libre circulation du droit européen. 

Bien qu’aucune cour de justice ne se soit encore prononcée sur la compatibilité du FPF avec les normes européennes, le dispositif a fait l’objet de nombreuses critiques dans la mesure où : 

– Il semble restreindre la libre concurrence dans la mesure où une association d’entreprises exerçant une activité économique (UEFA) prenant des décisions (le FPF) susceptibles d’affecter un marché (le marché sportif) ayant pour conséquence de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence pourrait être considérée comme ayant une pratique anticoncurrentielle au regard du droit de l’Union Européenne ; 

– Il semble violer le principe de libre circulation des personnes en instaurant un plafonnement salarial qui limite le nombre de clubs pouvant accorder aux meilleurs joueurs une rémunération élevée.

Malgré les arguments tendant à justifier ces contraintes par l’équité financière et sportive, et la position des instances européennes (notamment la Commission européenne) qui acceptent de tenir compte de la spécificité sportive pour justifier des dérogations aux principes du droit européen, l’efficacité économique du FPF et l’efficacité de ses pouvoirs de contrôle et de sanction n’ont pas été démontrées. Il ne fait aucun doute que la position de la Cour de Justice de l’Union Européenne est attendue sur cette question. 

En outre, le FPF a été fragilisé par la remise en cause de sanctions prononcées à l’égard de certains clubs dont la dernière, prononcée en février 2020 par la chambre de jugement de l’instance de contrôle financier de l’UEFA (ICFC), concerne l’exclusion du club de Manchester City des compétitions européennes organisées par l’UEFA et une amende de 30 millions d’euros pour non respect du FPF. 

Le club anglais a fait appel de cette décision devant le Tribunal Arbitral du Sport. La juridiction arbitrale, basée à Lausanne, a annulé l’exclusion des compétitions européennes du club mancunien et réduit le montant de l’amende à 10 millions d’euros au motif que certains faits étaient prescrits et que les éléments probatoires n’étaient pas suffisants pour conclure que des fonds déguisés avaient été versés au club par le biais de contrats de sponsoring signés avec des entreprises liées à un groupe émirati détenu par le propriétaire de Manchester City.  

Cette décision est apparue pour beaucoup comme un camouflet pour le FPF et une remise en cause de sa légitimité et de ses pouvoirs de contrôle et de sanction.   

Le respect par le Paris Saint Germain de la règle de l’équilibre financier ?

La récente mutation définitive de Lionel Messi au Paris Saint Germain (PSG) a suscité de nombreuses réactions à la fois de tiers, qui ont saisi les juridictions françaises et européennes pour s’opposer à cette opération, et de dirigeants de clubs européens concurrents qui s’interrogent, légitimement, sur l’efficacité actuelle du FPF et sa capacité à réguler le football européen. 

En effet, au regard des principes édictés par le FPF et des récentes opérations réalisées par le PSG, l’équilibre financier du club parisien, qui a clos l’exercice 2019-2020 avec un déficit de 124 millions d’euros et semble avoir présenté à la Direction Nationale de Contrôle de Gestion (DNCG), le 25 juin dernier, un budget prévisionnel prévoyant des pertes pour la saison 2021-2022 estimées entre 250 et 300 millions d’euros, soulève quelques interrogations notamment sur le respect de la règle de l’équilibre financier. 

Deux procédures en référé devant le Conseil d’Etat ont été diligentées par un groupe de socios du FC Barcelone, avant même que l’opération de transfert du joueur au PSG ne soit définitive, afin de voir les magistrats saisis prononcer la suspension de la décision prise par la DNCG de ne prononcer aucune mesure particulière concernant le PSG et sa situation économique, arguant d’un « contrôle défaillant » de la commission indépendante de la Ligue de Football Professionnel (LFP). 

Le Conseil d’Etat s’est déclaré incompétent au profit du tribunal administratif qui semble avoir été saisi par le conseil des requérants. Ce dernier indiquait également avoir adressé une plainte à la Commission Européenne au titre des articles 107 et 116 du TFUE. 

Dans l’attente des décisions qui seront rendues, il convient de noter que le PSG profite en l’espèce d’une situation et de mesures qui lui sont favorables.

Tout d’abord, à l’instar des autres clubs européens, le PSG bénéficie actuellement de mesures de contrôle financier allégées de la part de l’UEFA qui sont la conséquence directe de la crise sanitaire de la COVID 19 qui a conduit l’instance européenne à décider de contrôler une moyenne glissante des années 2019 à 2022 et non plus chaque saison en détail. Il est intéressant de noter que cet assouplissement a été négocié par plusieurs clubs européens dont le PSG. 

Ensuite, le PSG n’a versé aucune indemnité de mutation au FC Barcelone pour que l’international argentin rejoigne son effectif ce qui allège significativement le coût global de cette opération, même si la prime à la signature de Lionel Messi pourrait être considérée comme importante, lorsqu’on la compare aux deux dernières opérations de cette envergure que le PSG avait réalisées à l’été 2017. 

Enfin, le PSG profite d’un report de la DNCG dans la mise en place et l’application de ratios financiers et du ratio de masse salariale visé à l’article 11 du règlement de la DNCG qui dispose que « (…) la part de la rémunération du personnel et des indemnités de mutations de joueurs n’excède pas 70% des recettes éligibles (ratio de masse salariale) (…) ». A l’inverse de la Liga espagnole, qui a appliqué cette règle dès la saison 2021/2022 ayant pour conséquence le départ de Lionel Messi du FC Barcelone (démontrant au passage que l’un des objectifs du FPF d’assurer la santé financière des clubs aura été un échec concernant le club catalan), le ratio de masse salariale prévu par l’article 11 du règlement de la DNCG n’entrera en vigueur qu’à partir du 15 mai 2023 et ne sera applicable qu’à compter de la saison 2023/2024. 

Bien que le PSG bénéficie actuellement d’une certaine souplesse tant dans l’application des règles du FPF, que de celles de la DNCG, le club parisien se devra d’augmenter et diversifier ses ressources financières dans les prochaines années afin de respecter la règle de l’équilibre financier prônée par l’UEFA et la DNCG et ne pas être sanctionné par leurs instances de contrôle. Le PSG est plus que jamais dans le viseur de l’instance de contrôle financier de l’UEFA d’autant plus qu’il fût régulièrement l’objet d’enquêtes de la chambre d’instruction de l’ICFC qui le suspectait de détourner les règles du FPF notamment parce que son financement reposait il y a quelques années largement sur des contrats commerciaux conclus avec des entités qataries. 

Nul doute que l’aura et l’image d’un des meilleurs joueurs du monde contribueront à augmenter les revenus du PSG notamment par la signature de nouveaux partenariats, la revalorisation de ceux existants et arrivants prochainement à échéance ou encore la revalorisation des droits de diffusion de la Ligue 1 à l’étranger. 

En outre, l’actionnaire du club a la capacité financière pour combler les déficits budgétaires du PSG. 

Toutefois, quand bien même le Président du PSG indique être « toujours attentifs aux règles du fair play financier » et avoir signé avec Lionel Messi car « le PSG le peut », les inquiétudes sur la capacité du PSG à tenir un équilibre financier dans les prochaines années sont légitimes, qui plus est dans le contexte actuel où plusieurs incertitudes persistent notamment sur la crise sanitaire et son évolution.

Une réforme nécessaire du Fair Play Financier

Le PSG a su profiter d’une situation qui lui était favorable afin de réaliser ce qui apparait comme la plus grosse opération sportive et médiatique de son histoire. 

Cette opération a toutefois pointé les limites d’un dispositif déjà affaibli malgré plusieurs révisions et qui peine à remplir sa fonction de garde-fou financier. Elle tend surtout à accélérer la réforme évoquée depuis plusieurs mois par le Président de l’UEFA, Aleksander Ceferin, avec l’instauration de règles plus rigoureuses et notamment la mise en place d’une luxury tax et d’un salary cap inspirés du modèle américain. 

Reste à savoir si ces nouvelles règles, dont il semblerait que certains clubs pourraient s’en affranchir en payant des amendes, seront réellement suffisantes pour poursuivre l’objectif initial de l’UEFA, préserver une concurrence équitable entre les clubs de football et prévenir et endiguer les déséquilibres financiers qui affectent ce sport.

Alexandre Argenton – Avocat au Barreau de Paris- Poulmaire & Associés

  1. https://fr.uefa.com/insideuefa/about-uefa/news/01e5-0f85f356ff54-4d26e1472a6c-1000–le-reglement-sur-le-fair-play-financier-approuve/
  2. https://fr.uefa.com/MultimediaFiles/Download/Tech/uefaorg/General/02/56/20/16/2562016_DOWNLOAD.pdf
  3. https://documents.uefa.com/v/u/vF0mNWv08vgbE6tlkmlKrA
  4. https://ec.europa.eu/competition/sectors/sports/joint_statement_en.pdf
  5. https://fr.uefa.com/insideuefa/news/025f-0fe057a3aa5d-0cf38086df82-1000–declaration-de-l-uefa-sur-la-decision-du-tas-concernant-manches/
  6. https://www.lfp.fr/DNCG/rapports
  7. https://www.lequipe.fr/Football/Article/Avec-plus-de-250-millions-d-euros-de-pertes-prevues-la-saison-2021-2022-du-psg-sera-celle-de-la-demesure/1267713
  8. https://juan-branco.fr/wp-content/uploads/2021/08/Lionel-Messi-1.pdf
  9. https://www.uefa.com/MultimediaFiles/Download/uefaorg/FinancialFairPlay/02/64/22/30/2642230_DOWNLOAD.pdf
  10. https://www.lfp.fr/-/media/Project/LFP/LFP/Documents/Statuts/21-22-LFP-STATUTS-REGLEMENTS-09-08.pdf?la=fr-FR&hash=49BFB7AC2AADBF1553E8B0F1D7090AFA
  11. https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Le-president-du-psg-nasser-al-khelaifi-au-sujet-du-transfert-de-messi-nous-respecterons-toujours-les-reglements/1277742

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