L’impatriation sociale: une opportunité pour les sportifs étrangers et les clubs

par | 14, Déc, 2021

Après l’étude du régime fiscal des impatriés dans le football professionnel au sein d’un article rédigé par Emmanuel Jorge, regardons désormais de plus près une autre forme d’impatriation avec Maître Wambeke et Maître Behal du cabinet W Legal : l’impatriation sociale.

L’impatriation sociale permet de dispenser les salariés impatriés d’une affiliation aux régimes de retraite obligatoires (de base et complémentaires) et ce, pour une durée de 3 ans, renouvelable une fois.

Cela peut représenter un avantage non négligeable tant pour le sportif que pour son équipe.

La loi prévoit 3 conditions : 

  • Le salarié doit être impatrié, 
  • Être couvert par ailleurs contre le risque vieillesse 
  • Et travailler en France postérieurement à l’entrée en vigueur du dispositif.

1. Présentation du dispositif

La loi PACTE du 22 mai 2019 a introduit un article L. 767-2 dans le Code de la sécurité sociale permettant aux salariés « impatriés » de bénéficier d’une exemption de cotisations d’assurances vieillesse de base et complémentaire : ils ne sont donc pas affiliés aux régimes français d’assurance vieillesse. 

Ainsi, « les salariés appelés de l’étranger à occuper un emploi en France peuvent demander, sur démarche conjointe avec leur employeur, à ne pas être affiliés auprès des régimes obligatoires de sécurité sociale français en matière d’assurance vieillesse » 

Cette dispense est temporaire. 

Pour bénéficier de la dispense d’affiliation et de paiement des cotisations d’assurance vieillesse de base et complémentaire, les salariés doivent respecter certaines conditions et en faire la demande, conjointement avec leur employeur, auprès de l’Urssaf.

2. Les modalités d’applications de la dispense d’affiliation 

2.1 – Les conditions à respecter

La réglementation prévoit plusieurs conditions cumulatives, qui ont été précisées par instructions ministérielle :

  1. Justifier d’une contribution minimale de 20 000 € par an à un régime de retraite français ou étranger ;
  2. Ne pas avoir été affilié, au cours des 5 années civiles précédant celle de leur prise de fonctions, à un régime français obligatoire d’assurance vieillesse (sauf pour des activités accessoires, de caractère saisonnier ou liées à leur présence en France pour y suivre des études) ;
  3. Être appelé de l’étranger à occuper un emploi en France depuis le 11 juillet 2018.

Si à l’occasion d’un contrôle, il apparaît que ces conditions ne sont pas remplies, alors la dispense sera annulée et l’employeur sera dans l’obligation de s’acquitter auprès de l’Urssaf d’une somme égale à une fois et demie le montant des contributions et cotisations qui auraient été dues si le salarié n’avait pas bénéficié de la dispense.

– Les caractéristiques de la contribution de 20.000,00 € à un régime de retraite

Cette contribution doit être versée chaque année donnant lieu à la dispense. 

Il convient d’être en mesure d’en justifier. Ainsi, les attestations justifiant annuellement de l’éligibilité à l’exemption doivent être conservées et mises à disposition de l’administration en cas de contrôle, pendant une durée minimale de 3 ans après la fin de l’exemption (contrôle URSSAF).  

Ce montant de 20 000 euros s’apprécie globalement, quelle que soit la répartition ou l’identité du contributeur. En conséquence, la répartition entre le salarié et l’employeur est libre. Il importe peu que ce soit l’employeur qui prenne en charge 100 % de cette contribution ou inversement. 

Cette répartition doit faire l’objet d’un accord entre l’employeur et le salarié lors de la demande de dispense. Il convient de formaliser cet accord.

– Les systèmes d’assurance vieillesse éligibles 

La réglementation vise « tout produit assurantiel, collectif ou individuel, souscrit en France ou à l’étranger, aussi bien par l’employeur que l’employé, ou tout système de retraite d’un État tiers, indépendamment des modalités ou de la fréquence des versements (le montant de cotisations versées est apprécié annuellement), visant à assurer une rente ou une liquidation en capital au salarié au moment de la cessation définitive d’activité professionnelle. La cotisation doit avoir pour finalité et pour conséquence d’ouvrir des droits effectifs au moment du départ à la retraite » ;

Il est donc possible de souscrire une assurance vieillesse auprès d’un système d’assurance privé. Un tel type de cotisation est en effet éligible s’il permet d’ouvrir des droits effectifs lors du départ à la retraite et qu’il ne permet pas une sortie anticipée pour d’autres motifs que le départ à la retraite. 

Au contraire, sont exclus les produits français ou étrangers permettant des liquidations intégrales ou partielles sans rapport avec le départ à la retraite du salarié, sauf lorsque ces cas de liquidation ou de sortie anticipée sont réservés à des cas exceptionnels prévus par les produits d’assurance vieillesse concernés (définis à l’article 71 de la loi Pacte).

2.2 – La demande d’exemption

La demande est effectuée à l’aide du formulaire contresigné par le salarié et adressé par l’employeur à l’Urssaf par tout moyen permettant d’accuser date certaine de sa réception.

Pour éviter toute difficulté, il convient donc de l’adresser en lettre recommandée avec demande d’accusé de réception. 

En principe, la demande de dispense doit être envoyée 60 jours avant l’affiliation du salarié au régime de Sécurité sociale française.

Sont jointes à la demande :

  • Les attestations du versement par l’employeur et le salarié, ou les contrats ou documents attestant l’engagement de versement d’une contribution d’au moins 20 000 € par an sur des produits d’assurance vieillesse français ou étrangers. L’employeur doit être en mesure d’attester de ce versement chaque année pendant l’ensemble de la période d’exemption ;
  • Une déclaration sur l’honneur du salarié indiquant qu’il n’a pas été soumis au régime de Sécurité sociale français au cours des 5 années civiles précédant celle de leur prise de fonctions ;
  • Les bulletins de salaire ou documents équivalents du salarié pour la période de cinq ans dans l’emploi précédant l’entrée dans le dispositif.

Si la demande est complète et les conditions remplies, l’Urssaf accorde l’exemption dans un délai de 30 jours à compter de la réception de la demande.

Si la demande est incomplète, l’Urssaf demande la transmission des éléments manquants et peut prolonger le délai de 30 jours. Cette prolongation est notifiée à l’employeur.

– Demande postérieure à l’affiliation en France

Dans ce cas, l’employeur et le salarié sont tenus au respect de l’ensemble des obligations déclaratives et de paiement des cotisations et contributions sociales, jusqu’à la réception de l’accord donné par l’Urssaf en vue de l’exemption ;

Le fait que le salarié ait été temporairement affilié au régime de sécurité sociale n’impacte pas le droit à bénéficier de l’exemption.

La réglementation prévoit la possibilité d’obtenir un remboursement des contributions versées. 

Il semble que ce remboursement puisse porter sur les cotisations versées aux régimes obligatoires vieillesse de base et complémentaire au titre de la période écoulée entre la date d’affiliation du salarié et la date à laquelle l’Urssaf donne son accord.

Toutefois, l’URSSAF pourrait avoir une lecture plus restrictive de la réglementation, en limitant le droit à remboursement à la période entre la demande et l’autorisation et non entre l’impatriation et l’autorisation. Le Code de la sécurité sociale précise en effet que la demande de remboursement des cotisations versées est acquise « pendant cette période », ce qui pourrait renvoyer à la période entre la date à laquelle sont formulées la demande de dispense et la date de l’accord de l’organisme de sécurité sociale. Les cotisations versées entre la date de prise de fonction et la date de la demande resteraient dues. 

La doctrine administrative ne s’est pas positionnée sur ce point. 

Pour éviter toute difficulté, il convient de formuler la demande d’exemption dans un délai aussi court que possible à la suite de l’impatriation du salarié afin d’être assuré de bénéficier d’un remboursement intégral. 

Dans l’hypothèse où un remboursement devrait être sollicité, il convient à notre sens, nonobstant cette réserve d’interprétation, de ne pas limiter cette demande. 

– Modalités déclaratives : DSN

L’exemption accordée par l’Urssaf doit se traduire dans la déclaration sociale nominative (DSN) produite par l’employeur au titre du ou des salariés qui en sont bénéficiaires.

Lorsque l’exemption est accordée rétroactivement sur la base d’une demande de remboursement, des déclarations sociales nominatives de régularisation doivent être produites.

– Durée de l’exemption

L’exemption n’est accordée qu’une seule fois pour le même salarié pour une durée de 3 ans, renouvelable 1 fois.

Il n’est pas possible pour un salarié qui change d’entreprise ou cesse son activité de continuer à bénéficier de l’exonération. Mais il peut continuer à en bénéficier s’il change de poste au sein de la même entreprise. Selon l’administration, en cas de changement entre des entreprises d’un même groupe, l’exemption est maintenue. 

La période couverte par cette dispense n’ouvre droit à aucune prestation d’un régime français d’assurance vieillesse. Le salarié qui consent à ce qu’une demande d’exemption soit effectuée pour son compte doit en être expressément informé. Cette obligation d’information pèse sur l’employeur. 

Betrand Wambeke – Avocat Associé & Céline Behal – Avocate

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