Ligue 1 : baisse des salaires, les joueurs ont-ils le choix?

par | 28, Juil, 2021

Plongé dans une crise depuis des mois, entre l’arrêt du championnat lors de la deuxième partie de saison 2019-2020, les dégâts de la Covid-19 avec l’absence de recettes « billetterie », puis le fiasco audiovisuel avec Mediapro, le football français a connu des heures compliquées et c’est peu de dire que les conséquences seront sans précédent. Pour pallier à cela, durant la crise, de nombreux présidents de clubs ont, en accord avec l’UNFP (syndicat des joueurs), plaidé pour une baisse des rémunérations de leurs joueurs. Et pour cause, beaucoup ont accepté ce geste, et notamment le Stade de Reims. Jean-Pierre Caillot, président des rouges et blancs, selon qui : “Il n’est pas incompatible d’être footballeur et citoyen responsable”, a manifesté toute sa reconnaissance aux joueurs et encadrants rémois, qui ont tous consenti à une « baisse significative » de leur salaire et primes pour les six premiers mois de l’année.

Mais quelles sont les manœuvres juridiques réalisables par les clubs souhaitant diminuer leur masse salariale? Peuvent-ils décider d’une baisse généralisée ? Doivent-ils négocier individuellement avec tous leurs joueurs ? 

Même si le monde du sport est spécifique et particulier, il relève des dispositions légales de droit commun, notamment du Code du travail en matière sociale et du Code du sport. 

Il faut préciser que la règle en droit français est l’interdiction de la baisse de la rémunération des salariés sans leur accord individuel. La Cour de cassation a notamment énoncé que la rémunération contractuelle d’un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié, même de manière minime, sans son accord (1). 

Cette interdiction vaut pour le salaire fixe mais également pour les primes figurant dans le contrat de travail du salarié. 

L’employeur n’est donc pas bloqué. Il peut négocier avec le salarié une éventuelle baisse de sa rémunération. Cette négociation peut être individuelle (2) ou collective (3). 

D’une part, l’employeur peut négocier directement avec son salarié. Dans ce cas, si le salarié, en l’espèce le joueur, accepte, l’employeur peut réduire son salaire. Il est ici impératif que le joueur n’agisse pas sous la pression et qu’il soit conscient et ouvert à cette baisse de rémunération. L’accord du salarié doit être express et non équivoque et la diminution de salaire doit faire l’objet d’un avenant au contrat de travail, tout en respectant les minimas légaux et conventionnels. 

D’autre part, l’employeur peut négocier avec les délégués syndicaux pour conclure un accord de performance collective. Cet accord permet de modifier la rémunération des salariés de l’entreprise, du club. S’il est valablement conclu, il se substitue de plein droit aux clauses contraires du contrat de travail, y compris en matière de rémunération. Si le salarié refuse la modification de sa rémunération, donc le contenu de l’accord, l’employeur peut, dans les deux mois, engager une procédure de licenciement qui reposera sur une cause réelle et sérieuse. 

Néanmoins, cette solution ne semble pas opportune en matière de sport professionnel. En effet, ce dernier possède des contraintes sociales qui rendent cet accord bien moins efficace. Le sportif professionnel est forcément engagé par son club par le biais du CDD spécifique. Or, la sanction pour un salarié refusant l’accord de performance collectif ne peut être qu’un licenciement, réservé aux CDI. De même, il existe de telles disparités salariales au sein d’un même effectif, qu’il est absolument primordial de négocier au cas par cas.

Les textes sur l’accord de performance collective sont muets à l’égard des salariés en CDD. Ils sont libres d’accepter l’accord, à défaut, ils ne pourront pas être licenciés car les dispositions régissant la résiliation des CDD sont d’ordre public et les cas de rupture anticipée sont strictement limitatifs (4). 

La même solution est invoquée en cas de négociation d’une baisse des rémunérations pour motif économique. Un salarié qui refuse peut être licencié pour motif économique, mais pas un salarié en CDD car ce n’est pas un cas de force majeure (5). 

Si un salarié en CDD est licencié par son employeur, il peut agir devant le Conseil des Prud’hommes. La sanction pour l’employeur est l’obligation de payer au salarié sa rémunération du moment de la rupture du contrat jusqu’au terme prévu contractuellement, plus les congés payés et l’indemnité de fin de contrat (6). 

La marge de manœuvre est donc réduite pour les présidents de clubs de Ligue 1 et de Ligue 2. Leur seul espoir est que les joueurs acceptent individuellement une baisse de leur rémunération, qu’ils négocieront de gré à gré avec chaque joueur. À ce propos, l’UNFP ne souhaite et ne peut pas solliciter une baisse des salaires des joueurs, ils sont simplement en mesure de faire une recommandation aux joueurs d’accepter de diminuer leur rémunération.

Article réalisé en collaboration avec Victoria Dreze (cabinet d’avocats Essentiel A)

(1) Cass. soc., 18 octobre 2006, n°05-41.643.

(2) Article L1222-6 du Code du travail.

(3) Article L2254-2 du Code du travail.

(4) Cass. soc., 24 octobre 2000, n°98-40.447.

(5) Cass. soc., 20 février 1996, n°93-42.663.

(6) Article 1243-4 du Code du travail.

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