Après l’étude du statut du Joueur africain, voyons désormais les conséquences engendrées sur les opérations de transfert.
L’opération de transfert consiste en un mouvement d’un joueur d’un club A vers un club B. Il peut intervenir en dehors de tout cadre contractuel et c’est le statut du joueur en question qui va déterminer la nature réelle de l’opération. Il s’agira soit d’un transfert libre, d’un prêt ou d’un transfert définitif « payant ». Envisageons ensemble ces trois options :
A – Le transfert libre
Comme il est précisé dans la sentence arbitrale “AS NANCY Lorraine c. Séville FC” en date du 14 Avril 2020 rendue par le Tribunal Arbitral du Sport, le transfert libre « est le mouvement d’un joueur en dehors d’un cadre d’un contrat entre l’ancien et le nouveau club, dans le cas où le joueur passe d’un club à un autre après la résiliation de l’ancien contrat d’emploi en raison de son expiration ou de sa violation ». Il peut y avoir un transfert également dans le cas où le joueur évoluait avec le statut de joueur amateur et est enregistré pour la saison suivante vers un nouveau club 1.
Ce type d’opération n’entraîne pas le paiement d’une « indemnité de transfert » par le nouveau club qui enregistre le joueur. Il peut toutefois être assujetti au paiement d’une indemnité de formation conformément à l’article 20, annexe 4 du RSTJ de la FIFA.
L’indemnité de formation est payable jusqu’à la fin de l’année calendaire du 23e anniversaire du Joueur, pour une formation suivie jusqu’à l’âge de 21 ans. Il y a exception s’il est évident que le Joueur a terminé sa période de formation avant l’âge de 21 ans. Par ailleurs, le nouveau club n’est pas redevable d’une indemnité de formation dans plusieurs cas :
- Lorsque l’ancien club du Joueur met fin au contrat du joueur sans juste cause,
- Si le nouveau club appartient à la catégorie 42 et,
- Enfin, si le joueur ré-acquiert le statut amateur lors du transfert.
Ce type de transfert constitue la règle dans les mouvements de joueurs dans les championnats de plusieurs pays africains notamment le Championnat Guinéen. Ces joueurs jouent pour la plupart avec une licence de joueur amateur en l’absence de tout contrat de travail. Les joueurs bénéficient de primes de matchs qui peuvent être considérées comme des frais effectifs. C’est le cas du championnat professionnel de Ligue 1 et Ligue 2 en Guinée.
B- Le prêt ou mutation temporaire
Le prêt de joueur d’un club à un autre est considéré comme un transfert à durée déterminée.
L’article 10, alinéa 1 du RSTJ dispose : « Un joueur professionnel ne peut être prêté à un autre club que sur la base d’un contrat écrit entre le joueur et les clubs concernés. Un tel prêt est soumis aux mêmes règles que celles concernant le transfert des joueurs, y compris les dispositions sur les indemnités de formation et le mécanisme de solidarité ».
Le commentaire FIFA de cette disposition confirme que “Seuls les joueurs professionnels peuvent être prêtés. Un joueur amateur ne peut l’être car le joueur prêté doit être en possession d’un contrat de travail valable avec le club prêteur” (voir le commentaire FIFA du Règlement du Statut et du Transfert des Joueurs (Édition 2021), article 10 alinéa 1, paragraphe 1). Il est très récurrent de voir des mouvements de joueurs, entre clubs subsahariens notamment dans le championnat guinéen, revêtir la qualification de « prêt » ou des mentions comme « amateur prêt », « amateur sous contrat » dans les passeports sportifs délivrés par les fédérations nationales.
Encore plus surprenant, nous observons que des clubs informels dépourvus de la personnalité juridique exigent à d’autres clubs professionnels, une demande de prêt pour pouvoir enregistrer un joueur qui s’entraîne dans leur équipe.
Les mentions “amateur” et « prêt » sont deux termes incompatibles. Le joueur amateur ne peut faire l’objet d’une opération de prêt valide au sens de l’article 10, alinéa 1, du RSTJ.
L’affaire opposant le SANTOBA au HOROYA A.C concernant YAGOUBA GNAGNA BARRY est une illustration parfaite de la confusion qui est faite au niveau des statuts des joueurs au niveau national. Le joueur avait été prêté par le SANTOBA au HOROYA AC et à la fin de la période de prêt, le SANTOBA a entamé des démarches pour procéder au transfert définitif du joueur. Une convention de “transfert définitif tripartite” aurait été signée entre le SANTOBA, QUEVILLY ROUEN METROPOLE, et le Joueur. A également été signé, un pré-contrat entre ce dernier et le club de QUEVILLY ROUEN MÉTROPOLE. Un quatrième club s’est invité dans la discussion en prétendant être le propriétaire des droits sportifs et fédéraux du Joueur, en clamant qu’il serait le seul habilité à procéder à son transfert. Le HOROYA AC qui souhaitait continuer à bénéficier des services du joueur se serait rapproché de ce troisième club et a fini par signer également un contrat de travail de 3 ans avec le Joueur3.
Tout l’enjeu est de savoir quel était le véritable statut du joueur au regard de l’article 2.2 du RSTJ. En fonction de son statut juridique, il sera plus simple d’apprécier la validité des prêts successifs dont le joueur a fait l’objet mais également l’opération de “transfert définitif”.
Ces anomalies dans les passeports sportifs africains trompent les clubs étrangers qui recrutent au niveau national en se conformant aux obligations auxquelles ils sont assujettis, notamment dans le cadre du paiement ou non des indemnités de formation au sens de l’article 20, annexe 4 du RSTJ.
Le but de l’opération de prêt est de permettre au club avec lequel le joueur est lié par un contrat de travail de le transférer à titre temporaire à un nouveau club qui aura le droit de recourir aux services du joueur pour la durée de la convention de prêt.
Durant cette période, les effets du contrat de travail du Joueur avec le club prêteur sont suspendus. Le club prêteur n’est pas tenu de verser au Joueur son salaire mais il peut toutefois accorder au nouveau club une aide financière pour assurer partiellement ou totalement le salaire du joueur. C’est notamment le cas lorsqu’il s’agit de jeunes joueurs en manque de temps de jeu dans leurs équipes d’origine. Ce nouveau club va être un tremplin pour le joueur pour acquérir de l’expérience, avec un temps de jeu suffisant. A la fin du prêt, le joueur revient dans son club d’origine et poursuit sa relation contractuelle jusqu’à son terme ou jusqu’à son transfert définitif vers un autre club.
C- Le transfert définitif « payant »
Le transfert définitif est « une opération juridique sui generis par laquelle un club et un sportif acceptent de mettre fin prématurément à la relation de travail qui les unit, afin de permettre à ce dernier de s’engager dans un autre club qui prend à sa charge le paiement d’une indemnité de transfert au bénéfice du club quitté et, éventuellement, le paiement d’une prime en faveur du joueur transféré » (4).
Comme l’opération de prêt, seuls les joueurs professionnels peuvent être concernés par des transferts définitifs payants.
Dans le cadre d’un transfert international ou à portée internationale, les intérêts des clubs formateurs sont protégés par le bénéfice du mécanisme de solidarité prévu à l’article 21, annexe 5 du RSTJ qui permet aux clubs qui ont contribué à l’éducation et à la formation du Joueur entre les années calendaires de son 12e et de son 23e anniversaire de bénéficier de 5% de toute indemnité payée à l’ancien club dans le cadre du transfert.
Il est donc important pour tout club qui souhaite enregistrer un joueur de vérifier le véritable statut du joueur avant de s’engager dans des opérations qui pourraient être source de difficultés. Les Fédérations Nationales doivent veiller à ce que les détails personnels contenus dans les passeports sportifs qu’elles délivrent, soient conformes au véritable statut des joueurs.
En raison, de ce manque de sérieux dans la procédure d’établissement des passeports sportifs, certains clubs notamment européens ont très souvent des contentieux avec les clubs africains.
Le HAVRE A.C en a fait les frais dans une sentence arbitrale du TAS en date du 8 avril 2008, l’obligeant à verser les indemnités de formation au club de l’AS VITA Club de Kinshasa.
Le Mans Union Club 72 également a été obligé de verser une indemnité de formation à hauteur de 480 000 euros au Club Olympique de BAMAKO dans une sentence du TAS en date du 6 mai 2010 alors même qu’il avait déboursé initialement 400 000 euros pour le transfert définitif du Joueur, issu du Djoliba Athletic Club, club de football au Mali.
Ces problèmes relatifs aux statuts des joueurs de football en Afrique sont souvent dus aux méconnaissances des règles sur le statut juridique des joueurs de football par les responsables des départements “statut du joueur” des Fédérations. Ces derniers mettent tout ce qui est demandé par un club sans mesurer les conséquences de leurs actes vis-à-vis des autres clubs nationaux. Les mécanismes d’enregistrement et d’homologation des contrats sont très souvent prévus mais ils ne sont pas effectifs.
Les Fédérations pourront finir avec ce problème en recrutant des personnes compétentes au sein des services en charge de gérer les statuts des joueurs. Il faut des professionnels, ayant de bonnes connaissances des règlements sportifs et s’assurer lors de l’enregistrement de chaque joueur, d’obtenir tous les éléments relatifs au statut qui sera mentionné pour cette période sur son passeport sportif.
Un système d’enregistrement électronique au niveau national permettra d’avoir un passeport électronique complet de chaque joueur. Il permettra d’éviter les surprises aux clubs qui recrutent d’une part et d’autre part protéger les droits des clubs formateurs. C’est d’ailleurs le sens de la circulaire n°1654 de la FIFA du 26 novembre 2018 qui consacre la mise en œuvre obligatoire par toutes les associations membres d’un système électronique de gestion des transferts nationaux et la mise à disposition gratuite de toutes ses associations membres le système de régulation national des transferts (DTMS) pour la gestion de leurs transferts nationaux, ainsi que la plateforme FIFA Connect pour l’enregistrement de leurs joueurs au niveau national.
SOW Abdoulaye
- Le transfert des sportifs dans un monde globalisé : séparer la notion sportive de transfert de la technique contractuelle, commentaire de la sentence du TAS AS Nancy c. Séville du 14 Avril 2020 de David JACOTOT, sous la direction de Xavier Aumeran p27, édition LexisNexis, mars 2021.
- Les clubs sont regroupés en 4 catégories pour déterminer les coûts de formation au sein de chaque et les clubs de la catégorie 4 ne sont pas assujettis aux paiements des indemnités de formation prévues à l’article 20 et annexe 5 du RSTJ.
- https://www.foot224.co/2021/09/22/transfert-yakhouba-gnagna-barry-appartient-desormais-au-horoya-officiel/ consulté le 6 déc. 2021
- CDES, Dictionnaire juridique du sport, J.-P. Karaquillo et C. Dudognon (dir.), Juris éditions, Dalloz, 2ème édition, 2013