Introduction au droit pénal du sport

par | 21, Mar, 2022

Si à l’évidence le droit des affaires, et plus particulièrement le droit des sociétés et le droit social dominent l’aspect juridique du mouvement sportif, la matière pénale ne saurait être considérée comme absente d’un tel secteur. Les récentes affaires de violences sexuelles ou la répression accrue des excès du supportérisme sont les parfaits exemples de la place croissante de la matière pénale dans le sport. 

Le domaine répressif traverse en réalité le sport de deux façons, a minima. 

La première par des dispositions du droit commun qui vont se développer au sein du mouvement sportif, la seconde par des infractions directement prévues par le Code du sport, lesquelles ne trouveront application que dans le cadre de l’activité sportive. 

Petit tour d’horizon, non exhaustif, de la place du droit pénal dans le sport. 

Le droit pénal et le supporter

Il pourrait être aisé de croire que le droit pénal ne s’associe au sport qu’à l’occasion d’infractions commises par des groupes ultras, hooligans, il n’en est rien. Si, à l’évidence, le droit pénal du sport se retrouve principalement en matière de lutte contre les comportements déviants de supporters que la loi juge inappropriés, il n’en demeure pas moins que de multiples infractions s’appliquent à d’autres situations que celles qui naissent dans les virages des stades.

Les supporters peuvent toutefois se voir reprocher un grand nombre de délits du code pénal, allant des violences aux dégradations, en passant par la rébellion, l’outrage, ou encore la participation délictueuse à un attroupement. Le Code du sport prévoit lui de nombreuses dispositions réprimant des comportements spécifiques aux événements sportifs. Dès lors, le jet de projectile, l’usage d’engins pyrotechniques, les signes ou symboles liés à une idéologie raciste ou xénophobe, la provocation à la haine, le trouble et l’atteinte à la sécurité des personnes ou des biens sont autant de délits prévus à l’encontre de ceux qui se rendent au stade pour supporter leur équipe. 

Dans l’actualité récente, la loi du 2 mars 2022 “Loi visant à démocratiser le Sport en France” a ajouté deux alinéas à l’article L. 332-8 du Code du sport régissant l’infraction d’usage d’engins pyrotechniques ; l’un prévoyant une autorisation encadrée à titre expérimental, l’autre mettant en place une amende forfaitaire de 500 euros1 

Allant au-delà des abords de l’enceinte sportive, la revente illicite de billets2 ou le streaming illicite (jusqu’alors réprimé par l’infraction de contrefaçon3) sont également des infractions pénales intrinsèquement liées au monde du sport. 

Le droit pénal des affaires dans l’écosystème du sport 

Le droit pénal des affaires est également bien présent au sein de la sphère sportive. L’exemple phare réside dans l’instauration du délit spécial de corruption sportive aux articles 445-1-1 et 445-2-1 du code pénal. Ce délit se réfère aux hypothèses de ce qu’il conviendrait d’appeler les matchs « truqués », puisqu’il vient réprimer l’acteur d’une manifestation sportive ou d’une course hippique donnant lieu à des paris, lorsque ce dernier se voit proposer (ou qu’il sollicite ou agrée de lui-même) des « offres, des promesses, des présents, des dons ou des avantages quelconques, pour lui-même ou pour autrui » avec pour objectif de modifier (ou pour avoir modifié) le déroulement normal et équitable de la manifestation ou de la course, tant par son action que son abstention. 

L’existence du service central des courses et jeux au sein de la police judiciaire, lequel vient de se doter d’une section spécifique chargée de la lutte contre la corruption sportive4, témoigne de l’empreinte de la délinquance financière au sein du mouvement sportif. 

En outre, la loi du 2 mars 2022 a inséré, au sein du titre III du livre III du Code du sport, un chapitre V relatif à la plateforme nationale de lutte contre la manipulation des compétitions sportives, laquelle est présidée par le Ministre Chargé des Sports et dont la composition est déterminée par un décret en Conseil d’Etat. Cette plateforme reçoit notamment les signalements relatifs aux paris atypiques et suspects transmis par l’Autorité Nationale des Jeux (ANJ)5

Du reste, au-delà d’infractions communes telles que le blanchiment (notamment par le rachat de tickets gagnants), l’abus de biens sociaux, l’abus de confiance ou encore la prise illégale d’intérêts, certaines infractions instaurées par le code du sport s’avèrent particulièrement liées au monde des affaires. 

Il est ainsi possible d’évoquer la prohibition de la multipropriété et l’interdiction des prêts et cautionnement des articles L 122-7 et L 122-9 du Code du sport, ou encore les dispositions visant les agents sportifs6

Le droit pénal des acteurs du sport  

La responsabilité pénale en matière de sport peut, en outre, être « celle des dirigeants de groupements sportifs, des organisateurs d’activités physiques, des sportifs eux-mêmes ou encore des tiers7 ». Si les infractions involontaires et les violences semblent être les plus répandues8, force est de constater que d’autres infractions spécifiques s’appliquent aux différents acteurs du sport. 

Concernant les sportifs, il est possible d’évoquer, par exemple, l’épineuse question du dopage.

Dans ce domaine, plusieurs infractions pénales sont édictées aux articles L. 232-25 à L. 232-31 du code du sport. Particulièrement, l’article L. 232-30 expose les conditions dans lesquelles le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF), les fédérations sportives agréées par le Ministre Chargé des Sports, et l’Agence Française de Lutte contre le Dopage (AFLD) peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile en matière d’infractions liées au do11page. De manière plus globale, la constitution de partie civile des fédérations sportives est admise en ce qui concerne les infractions « portant un préjudice direct ou indirect aux intérêts collectifs de leurs licenciés et de leurs associations sportives »9.

Par ailleurs, il est également possible d’évoquer le récent débat quant au harcèlement moral au travail dans le mécanisme des « lofts » au sein du football professionnel10, une cour d’appel ayant récemment admis cette qualification pénale dans le cas d’un joueur mis à l’écart du groupe, à la suite d’un abus de la pratique initialement prévue à l’article 507 de la Charte du Football Professionnel. 

Les règles particulières de procédure 

La procédure pénale connaît également des règles particulières en matière sportive. 

Par exemple, concernant la recherche d’infractions pénales au sein du mouvement sportif, l’article L 111-3 du Code du sport prévoit à son premier alinéa : « Outre les officiers et agents de police judiciaire agissant conformément aux dispositions du code de procédure pénale, les fonctionnaires relevant du ministre chargé des sports habilités à cet effet par le même ministre et assermentés dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat peuvent rechercher et constater par procès-verbal les infractions prévues par les dispositions du présent code à l’exception de celles mentionnées aux articles L. 232-11, L. 241-5 et L. 322-8. ». 

Pour le dopage, les personnes agréées par l’AFLD sont habilitées à procéder aux contrôles diligentés par l’Agence, ou demandés par les fédérations à celle-ci. Le Code du sport encadre lesdits contrôles11, les visites et saisies envisageables12, ainsi que les rapports entre les personnes opérant les contrôles et l’autorité judiciaire13

En tout état de cause, la matière pénale traverse le mouvement sportif sous différentes formes en réprimant certains comportements commis tant par les acteurs même dudit mouvement que par ceux qui n’en sont que les spectateurs. 

Le spectre du droit pénal dans le sport s’avère donc particulièrement large et ne cesse de se développer.

Maître Baptist AGOSTINI-CROCE
Avocat au barreau de Paris
Président du Cercle de Réflexion sur le droit pénal sportif 

  1. LOI n° 2022-296 du 2 mars 2022, art. 54 
  2.  Code Pénal, article 313-6-2 
  3.  CPI, Art. L. 335-2 et L. 335-2-1 
  4.  L’Equipe, « Une unité anti-fraude sportive en création » 1er mai 2021 
  5.  LOI n° 2022-296 du 2 mars 2022, art. 46 – C. sport, art. L. 335-1 nouveau 
  6.  C. sport., L. 222-9 à L. 222-20 
  7.  Répertoire de droit pénal et de procédure pénale Sport et activités physiques – Alain LACABARATS ; Jean-Marc PASTOR, n° 129
  8.  J.-P. VIAL, Les violences et infractions d’imprudence dans les compétitions sportives, AJ pénal 2013. 308
  9.  C. sport, art. L. 131-10 
  10.  PKFoot, « Les lofts dans le foot professionnel : la jurisprudence Ngamukol », 10 mars 2021
  11.  V. par ex : C. sport, art. L. 232-10-1 à L. 232-14-4 
  12.  C. sport, art. L. 232-18-7 
  13.  C. sport, art. L. 232-19 à L. 232-20-2 

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