En considération de la période actuelle de candidatures en Master, Jurisportiva a récemment décidé de lancer une saga d’interviews des Directeurs des divers Masters de Droit du Sport en France, ayant accueilli favorablement notre sollicitation , afin d’aider au mieux les étudiants à découvrir les avantages et particularités de chaque formation. La série continue avec le Master 2 Droit du Sport de l’Université de Lille.
Présentation & Admission
Bonjour Monsieur, pouvez-vous vous présenter dans un premier temps ?
Bonjour. Tout d’abord merci beaucoup de m’avoir convié à cet entretien. C’est toujours un plaisir de pouvoir répondre aux questions des étudiants et de présenter le Master Droit du sport de Lille. Pour me présenter dans les grandes lignes, j’ai réalisé mes études de droit à l’Université de Lille après une prépa scientifique. Je me suis ensuite orienté vers un doctorat spécialisé en droit des affaires. J’ai alors rédigé une thèse sur la « dépendance des distributeurs ». Par la suite, j’ai passé le Barreau de Paris et j’ai travaillé dans un cabinet d’avocats pendant près de 4 années. Après cela, j’ai complété ma formation avec une année dans un Master en administration des entreprises à l’IAE de Lille avant de devenir finalement Maître de conférences à l’Université de Lille en droit privé et de prendre la direction du Master 2 Droit du Sport qui, depuis cette année est un parcours de Master en deux années. Enfin, très récemment j’ai eu l’opportunité de prendre la direction de la mention Droit des affaires dont le Master Droit du Sport est un des parcours.
Pourquoi avoir repris le Master de droit du sport ? Pouvez-vous faire un rapide historique général de la formation?
Il a été créé initialement par le Professeur Romain Boffa puis dirigé par Monsieur Jean-Philippe Tricoit, c’est lui qui a assuré la direction du master pendant deux années avant de me transmettre le flambeau.
Je n’avais pas fait de Droit du sport avant, c’était une matière que je connaissais de très loin. En étudiant le droit du sport, on se rend vite compte que c’est un droit polyvalent qui touche à différents domaines du droit. En réalité la majeure partie des questions sont liées à des problématiques d’entreprises et des spécificités liées au sport. Il était donc pertinent qu’un spécialiste en droit des affaires s’investisse dans une formation de droit du sport. D’ailleurs la plupart de mes collègues en droit du sport n’ont pas, à l’origine une formation en droit du sport, mais par exemple, une formation en droit public ou en droit social. Ces branches du droit mènent au droit du sport.
Comment définiriez vous le droit du sport ?
Le droit du sport en tant que tel n’existe pas, ce n’est pas une véritable branche du droit, il s’agit plus des différentes pans du droit qui sont appliqués à un secteur économique particulier : le sport. En réalité, derrière le « droit du sport » on rassemble toutes les règles éparses applicables au sport. C’est plus le droit d’un secteur économique qu’une branche du droit en elle-même.
Quel est le profil type idéal pour faire un Master en droit du sport ?
À mon sens, il n’y a pas de profil type. Justement, comme le droit du sport est très varié et polyvalent, je recherche au sein du Master de Lille plutôt des profils divers d’étudiants spécialisés : en droit privé ou en droit public par exemple car lorsque l’on travaille dans une Fédération, généralement délégataire d’une mission de service public, on fait beaucoup de droit public. Les étudiants peuvent venir de tous les domaines du droit, voire même de formations non juridiques à condition bien sûr que cette formation comporte tout de même de quelques enseignements juridiques (langues étrangères appliquées ou encore STAPS). De même il n’y a pas forcément besoin d’être sportif et passionné par le sport. Ce que recherchent les entreprises, c’est avant tout un juriste, pas un supporter. Certes, naturellement, les étudiants qui présentent leur candidature ont généralement une appétence pour le sport et la connaissance du milieu sportif est importante mais les compétences juridiques le sont encore plus.
Quels sont vos critères de sélection pour intégrer le Master?
Mes critères de sélection sont transparents, ils sont publics et disponibles sur la plaquette du Master. La sélection s’effectue en deux temps : d’abord une sélection sur dossier où plus ou moins un tiers des étudiants sont retenus pour un entretien. Les critères principaux de sélection sont les suivants :
– La maîtrise d’une langue étrangère, particulièrement l’anglais
– Les résultats scolaires sont évidemment très importants et ce spécialement dans les matières pertinentes pour le droit du sport à savoir le droit des obligations, le droit public… Il faut avoir des fondamentaux solides ;
– Enfin les expériences dans le milieu professionnel (stage, travail dans le domaine juridique…), associatif ainsi que dans le milieu sportif sont de réelles plus values qui peuvent faire la différence sur un dossier.
L’objectif de l’entretien est de sonder le savoir-être de l’étudiant, sa manière de se présenter, de s’exprimer à l’oral et sa capacité à pouvoir s’intégrer dans un groupe. Bien que cela soit compliqué à déterminer en une dizaine de minutes, les étudiants en Master droit du sport sont généralement des personnes assez sociables.
Quelle est la procédure d’admission au Master?
Les dates de dépôt des dossiers sont affichées sur le site de l’Université de Lille. Il y a un dossier à constituer sur un site qui s’appelle Ecandidat, qui est une plateforme utilisée par la majorité des universités. Il faudra joindre un CV, une lettre de motivation notamment ainsi que d’autres pièces justificatives. J’insiste sur le fait qu’il est important de soigner la présentation de ces documents, il faut les personnaliser, s’être renseigné. Il ne faut pas hésiter à poser des questions aux anciens, aux étudiants actuels ou au responsable directement pour avoir d’amples informations si nécessaire. Une fois les dossiers transmis, le jury a environ un mois pour les étudier. Il y a ensuite des convocations à des entretiens individuels qui s’étalent sur deux semaines. Ces entretiens durent une dizaine de minutes. Je demande aux étudiants de se présenter en Anglais et ensuite de répondre à quelques questions. L’étudiant reçoit enfin une réponse et sait s’il est placé en liste principale ou complémentaire.
Le cursus universitaire
Quelles sont les matières principales en Master 2 droit du sport et qu’aborde-t-on en Master 1 en matière de droit du sport ?
L’approche du droit du sport correspond à celle du milieu, soit une approche 360. Il y a des matières juridiques fondamentales dans le droit du sport comme la justice sportive, le droit des groupements sportifs, ou encore le droit du dopage… Il y a également des matières moins juridiques comme de la sociologie des organisations sportives, de la physiologie du sport. Il y a enfin des matières plus économiques comme le financement du sport, le marketing sportif. Toutes les matières sont détaillées sur la plaquette, elles sont très variées car l’objectif est d’avoir un large champ de compétences sur tous les domaines mobilisés par le sport.
Quelles sont les spécificités du Master Droit du Sport de Lille?
Il faut savoir qu’il existe plusieurs Masters en Droit du Sport. Ces masters sont tous de qualité. J’encourage les étudiants qui ont vraiment identifié qu’ils voulaient poursuivre en Master droit du sport à présenter des candidatures à l’ensemble des masters pour mettre toutes les chances de leur côté. Chaque Master à ses spécificités, le Master de Dijon insiste sur le droit public notamment, alors que le Master de Limoges a une composante économique très marquée… Notre Master Droit du Sport à Lille est intéressant pour plusieurs raisons :
Il se réalise sur deux années désormais : les étudiants sont sélectionnés dès le Master 1 et suivent dès la première année, des enseignements adaptés aux besoins du secteur sportif : contrats d’affaires appliqués au sport, compatibilité d’entités sportives, gestion juridique des activités sportives etc.
Une autre spécificité du master de Lille qui constitue un véritable atout est sa situation géographique (1h de Paris, 30 min de Bruxelles et 1h15 de Londres). Cela ouvre des perspectives pour les contrats d’apprentissage, les contrats de professionnalisation et les stages. Un stage en alternance est d’ailleurs possible dès le second semestre de Master 1.
L’objectif est de professionnaliser progressivement l’étudiant sur quatre semestres.
Comment est organisé l’extra scolaire avec le Master droit du sport ?
L’extra-scolaire est extrêmement important au sein du Master. Le Master a noué des partenariats et des liens avec la plupart des acteurs sportifs de la région mais également au-delà (en France, en Belgique, en Suisse, etc.) dans tous les sports et niveaux. Il est donc proposé aux étudiants plusieurs fois par mois d’avoir des rencontres avec des professionnels (juristes, agents sportifs, directeur de club…) afin d’aider les étudiants à construire leurs projets professionnels en découvrant la variété des métiers du milieu juridico-sportif mais également de se constituer un premier réseau. Sont également proposées des visites d’infrastructures sportives (INSEP, Stade Pierre Mauroy, Stade du Hainaut…). A également lieu chaque année, si les conditions sanitaires le permettent, un tournoi sportif inter-masters avec la majorité des Masters Droit du Sport en France. Il a eu lieu à Dijon cette année.
L’après Master 2
Quels sont les différents débouchés d’un Master en droit du sport ?
Un master en droit du sport peut mener à différents métiers.
Cela peut être juriste dans une entité sportive comme une fédération, une ligue, un club mais également un équipementier sportif ou un annonceur. Cela peut aussi mener au métier d’avocat, certains en font leur activité principale, d’autres une activité accessoire. Certains sont avocats mandataires sportifs. Il est possible de travailler dans les collectivités territoriales, par exemple dans les services des sports des mairies, des départements, des régions ou bien encore au Ministère des Sports. Cela peut enfin mener à un travail dans des entreprises privées comme Décathlon mais aussi des médias sportifs. Certains diplômés en droit du sport travaillent aussi dans le milieu associatif, l’insertion par le sport. Enfin et je le cite en dernier volontairement car c’est une « ultra niche », le métier d’agent sportif : cela fait rêver beaucoup d’étudiants mais la réalité est beaucoup moins reluisante car c’est un métier compliqué et il est difficile d’en vivre.
Certaines personnes peuvent avoir tendance à s’inquiéter du secteur assez fermé que représente le droit du sport, que leur répondez-vous?
Le droit du sport est incontestablement une niche. Il y a de plus en plus de sports qui se professionnalisent comme le handball par exemple. Il y a donc, par voie de conséquence, un accroissement du besoin de juristes. Il y a de plus en plus de contentieux mais cela reste un véritable secteur de niche. Il faut aussi le souligner, le juriste en droit du sport n’est pas le juriste le mieux payé non plus mais le véritable attrait du droit du sport est de travailler dans un domaine particulier, passionnant. De plus un juriste en droit du sport est généralement amené à toucher à tout et mobiliser de nombreuses compétences.
Ainsi, le rôle du juriste grandit-il dans les structures sportives ?
Oui évidemment. Pendant très longtemps il y avait très peu de contentieux et il était peu complexe. Aujourd’hui on retrouve du contentieux même au sein du sport amateur. Cela a amené à juridiciser énormément le sport. Par exemple, dans certains sports, les commissions de discipline ne prenaient pas la peine de motiver leurs décisions auparavant. Puis, quand des décisions ont été remises en causes par le juge administratif, cela a évolué. Les fédérations ont ainsi dû s’adapter et recruter des juristes. À côté de cela, le juriste a de nombreuses autres missions diverses, notamment administratives et financières.
Le Master que vous dirigez peut-il mener à une carrière au sein d’entité e-sportive ?
L’Esport est une discipline en plein essor. Il y a de plus en plus de structures professionnelles avec des compétitions d’ampleur nationale voire mondiale. Il y a une véritable structuration du milieu qui passe par un certain nombre de normes juridiques et, par suite, le besoin de juriste pour rédiger les statuts, les contrats de travail ou encore gérer le contentieux lié à cette pratique. Tant en Master 1 qu’en Master 2, un module est consacré au Esport.
En termes de métiers, les compétences que l’on attend d’un juriste dans le domaine du sport sont exactement les mêmes que celles que l’on attend d’un juriste dans l’Esport à quelques exceptions près. Les compétences sont sensiblement les mêmes. Ainsi une personne ayant une formation en droit du sport peut, à mon sens, tout à fait embrasser une carrière dans le droit de l’Esport.
Attention, cela reste un secteur en structuration, les postes purement juridiques sont assez rares pour l’instant. Dans le sport en général on recherche des juristes très polyvalents, c’est d’autant plus vrai dans l’Esport. C’est en tout cas un secteur qui, je pense, a de l’avenir.