Interview Yann Roubert (Président du LOU Rugby)

par | 24, Juin, 2021

Président du LOU Rugby depuis 2012, Yann Roubert a connu le retour en première division, les débuts en coupe d’Europe, la première demi-finale de Top 14 de l’histoire du club, et doit aujourd’hui affronter un adversaire plus redoutable que n’importe quelle équipe : la Covid-19 et tout ce que cela implique sportivement, économiquement et humainement. L’équipe Jurisportiva est allée à sa rencontre. Au cours de l’échange, Yann Roubert revient sur ses débuts au LOU, sur les projets tant économico-sociaux du club et notamment sur le développement du Matmut Stadium de Gerland, mais également sur ses engagements tant récemment pour la campagne de vaccination contre la Covid19, que plus généralement pour la planète avec de réelles convictions pour un sport plus vert. Entretien.

J’aime bien rappeler qu’un club, c’est une équipe et une entreprise. Ni que l’un, ni que l’autre et jamais l’un sans l’autre.

Yann Roubert

Bonjour Monsieur Roubert. Pouvez-vous vous présenter en quelques mots pour nos lecteurs?

Bonjour. Je m’appelle Yann Roubert, je suis le président du LOU Rugby depuis Noël 2012. Je n’ai jamais été rugbyman de haut niveau, j’ai simplement joué en universitaire à une époque lointaine, celle où je courais vite (rires). Mes sports de prédilection étaient l’alpinisme et la voile. Avant d’arriver au LOU Rugby, j’étais d’abord chargé du sponsoring « mer et montagne » chez Bouygues Télécom puis j’ai effectué une expédition Tour du Monde pour aller grimper et naviguer. Je me suis ensuite marié en revenant en France, j’ai alors été nommé Directeur du sponsoring et des évènements chez SFR avant de déménager à Dubaï pour le groupe GL Events, pour lequel je m’occupais du sport au Moyen Orient. GL Events est d’ailleurs l’actionnaire principal du LOU Rugby depuis 2006 : voilà comment je suis arrivé à Lyon, à la tête du club en 2012.

Comment êtes-vous arrivé aux commandes du club de rugby lyonnais? Et quelle fut la mission initiale que l’on vous a confiée?

Sans doute une série de mauvais choix, soit les miens soit ceux de mon actionnaire (rires). Plus sérieusement, le sport a toujours été mon domaine de prédilection (personnel comme professionnel). Quand GL Events a souhaité me confier la présidence du LOU Rugby en 2012 alors que le club était monté une première fois en 2011, puis était redescendu immédiatement en Pro D2, l’objectif était de faire grandir et progresser ce club tout en sachant que pour moi, il y a toujours eu un fort potentiel dans ce club. Je crois énormément en ce projet, parce que c’est Lyon, une ville et une métropole qui a tout pour réussir. Le potentiel de ce club se situe à 3 niveaux, tout d’abord le rugby, un club historique depuis 1896. La région lyonnaise est forte de sa passion, de ferveur et de pratique rugbystique. Le terreau rugbystique y est fertile, avec une centaine de clubs et 60 000 licenciés dans un rayon d’une heure autour de Lyon. Le deuxième potentiel est la population, dans ce même périmètre de 1 heure autour de Lyon, on compte plus ou moins 1M 500 000 personnes. Si on arrive à faire venir déjà 2% soit 30 000 personnes, c’est déjà intéressant. Pour prendre un exemple, la première demi-finale du LOU en Top 14 en 2018, on avait atteint un pic de 60 000 spectateurs. Et le seul marketing qui vaille pour cela, c’est d’être performant et de gagner les matchs. Enfin, le 3ème et dernier volet est économique, il ne faut pas se voiler la face. Il faut des moyens dans le sport pour réussir. À Lyon, 2ème ville de France, nous avons ce qu’il faut et, si nous sommes bons, nous devrions pouvoir trouver des moyens à hauteur de nos ambitions. Notre actionnariat est solide, nos partenaires sont impliqués. Le projet est donc passionnant. Le LOU rugby ne doit pas avoir de complexe avec son homologue du football : l’Olympique Lyonnais. Il n’y a pas de fatalité, le LOU a toutes ses chances de représenter tout aussi bien la région lyonnaise que l’OL.

Que représente l’entreprise du LOU aujourd’hui que vous pilotez ?

J’aime bien rappeler qu’un club, c’est une équipe et une entreprise. Ni que l’un, ni que l’autre et jamais l’un sans l’autre. L’équipe est la partie émergée de l’iceberg et l’entreprise LOU Rugby c’est une SASP (Société Anonyme Sportive) qui rassemble une centaine de salariés et une trentaine de millions de chiffre d’affaires chaque année. De club de rugby, on est devenu une entreprise à part entière avec des activités annexes comme de la brasserie, organisateur d’événement, gestionnaire du stade, promoteur immobilier, bientôt hôtelier…

Le projet économique du LOU Rugby s’articule notamment autour de l’aménagement du Matmut Stadium de Gerland. Où en êtes-vous de l’aménagement du site ?

Ce stade est clé dans notre développement car au delà d’être le stade où nous jouons au rugby et accueillons les autres équipes, c’est un véritable lieu de vie où se rassemble tout le LOU, de l’école de rugby aux professionnels en passant par le centre d’entraînement, de formation, le siège social, la boutique, le restaurant. On souhaite que cela soit un carrefour d’échange et un lieu où les femmes et les hommes se rencontrent. On a engagé beaucoup de travaux sur ce stade, se décomposant en trois grandes phases : la première, celle qu’on a engagé à notre arrivée : sur l’aspect du sportif et la vie du club en elle même, rénovation du stade et construction des centres d’entraînements, du village (brasserie, boutique, place des 22…). La phase 2 est un programme immobilier qui s’appelle « les jardins du LOU », pour lesquels on a construit 28000 m2 de bureau, ce projet a d’ailleurs été primé au SIMI (salon international de l’immobilier). Des entreprises et des collectivités sont désormais installées là bas. La dernière phase en cours est la construction, d’une part un hôtel et d’autre part, un centre médical. Une phase 4 est en vue, la rénovation de la piscine de Gerland, qui sera un centre nautique et sportif. Le Matmut Stadium de Gerland est donc, en effet, clé dans notre fonctionnement et développement, il nous permet de développer le club et de participer à la vie citoyenne de quartier, en créant ces espaces de travail, de rencontre… 

En parlant de l’aspect économique, comment le club gère-t-il financièrement la crise de la Covid 19 ?

Évidemment, à l’image des autres clubs et je dirais même des autres acteurs économiques dans le milieu du sport, de l’événementiel et de la restauration, l’impact de cette crise a été énorme. Il a fallu continuer à assumer l’essentiel de nos charges à savoir payer les joueurs, alors que nous étions privés de l’énorme majorité de nos revenus (billetterie, hospitalités, sponsoring, buvettes, événements…) à l’exception des droits tv. Pour faire simple, nous avions toujours 80 % de nos charges, mais nous devions les assumer alors que nous étions privés de 80% de nos revenus. Il a fallu s’adapter à la crise, avoir des efforts de tout le monde (salariés, partenaires, des supporters, dont la solidarité a été juste exceptionnelle). Les objectifs et l’ambition du club ne changent pas mais il a fallu prendre en compte cet impact de la COVID19 en diversifiant nos sources de revenus par exemple. On a eu la chance d’être accompagné par un fonds pour procéder à une augmentation de capital qui nous permet d’engager les travaux de l’hôtel et de conserver nos ambitions en dépit de la crise. Il faut se serrer les coudes.

Comment avez-vous vécu la déception de la saison dernière avec l’arrêt du championnat en raison de la crise sanitaire ?

L’arrêt du championnat avec la crise sanitaire la saison dernière a été une grande frustration car on réalisait une saison exceptionnelle, d’autant plus que l’on restait sur deux demi-finales consécutives perdues. On ne saura jamais ce que cette saison aurait donné à la toute fin. On espérait être qualifié directement pour les demi-finales ou au moins pour les quarts, le club n’avait pas été dans d’aussi bonnes dispositions depuis 1933, on se dit qu’on était à 2 ou 3 matchs du graal, que l’on attend depuis 88 ans… Le fait de ne pas pouvoir défendre nos chances sur le terrain fut un réel traumatisme (se faire éliminer par un virus et non par plus fort…). L’enjeu est de digérer et de transformer cela en efficacité sur le terrain. C’est un peu compliqué cette année car on n’a pas été épargné ni par le COVID, ni par les blessures. Il faut accepter, le sport est fait ainsi et invite toujours à se remettre en question. Ce n’est pas une science exacte…

Pensez-vous que le résultat sportif doit inévitablement découler de l’investissement économique ?

Tout est lié évidemment. Il faut essayer d’être dans un cercle vertueux, avec les 4,5 grosses étapes. L’objectif est de gagner les matchs, pour cela il faut des bons joueurs, pour avoir ces derniers il faut des moyens, moyens que l’on obtient du public, des partenaires/sponsors… Notre meilleur marketing sera toujours de gagner des matchs.

Vous êtes le Président du LOU depuis 2012. Quel est jusqu’à présent votre plus beau moment ?

Il y en a plusieurs mais ce sont des moments de partage avec mes joueurs, supporters, staffs, partenaires, actionnaires… La minute d’émotion au coup de sifflet final quand nous venons de remporter le match, c’est indescriptible comme émotion. Cela vient compenser tous les petits inconvénients que l’on peut avoir au sein d’un club, d’une entreprise. Si je devais citer des moments, je dirais notre premier titre pour la montée en TOP 14 (le premier pour moi, le second pour le LOU), il y a aussi la victoire face à Toulon en quart de finale alors que nous n’étions pas favoris. Cette intensité dans la victoire, c’est magique. Il y a déjà beaucoup de bons moments et j’espère que les meilleurs restent à venir. J’essaie d’être un président le plus proche de mes joueurs, de mon staff et des autres acteurs du LOU. On partage ensemble l’envie de réaliser de belles choses.

Vous êtes aussi vice-président de la LNR. Quelles sont vos missions à ce poste ?

Je siège au Bureau de la Ligue, et au Comité directeur. Je m’occupe spécifiquement de l’international. Je représente essentiellement la LNR (Ligue Nationale de Rugby) au sein des différentes institutions internationales de rugby comme l’EPCR, en charge des Coupes d’Europe. Je travaille aussi sur l’élaboration d’une Coupe du Monde des clubs au sein de World Rugby.

Vous faites partie des 130 acteurs du monde du sport qui s’engagent pour la vaccination contre la Covid 19? Pourquoi cet engagement ?

Comme beaucoup d’autres, tout simplement pour retrouver une vie la plus normale possible et notamment pour jouer au rugby sans encombre, pouvoir venir supporter son équipe sans restrictions, se retrouver pour partager des émotions. Je pense que le vaccin peut aider à cela, quand cela sera notre tour, nous irons nous faire vacciner.

Nous avons récemment interviewé Julien Pierre (ancien joueur de rugby professionnel français et fondateur du label « Fair Play For Planet, au service d’un sport plus vert). L’Olympique Lyonnais, la LNR ont rejoint ce label récemment. Le LOU Rugby compte-t-il s’engager pour l’environnement ?

Nous sommes sensibles à ce genre de valeurs au LOU. Nous avons la « LOU attitude », qui repose sur 5 piliers. En premier lieu, il y a LOU territoire, le rôle vis à vis de nos territoires et clubs alentours, comment peut-on travailler ensemble sur des projets communs… Il y a LOU féminin, c’est-à-dire promouvoir la pratique du rugby féminin, de nos louves. Le 3ème pilier est LOU santé, nous travaillons avec un centre de santé pour aider à la guérison à la rémission, et pensons que le rugby peut jouer un rôle positif pour la santé. Puis il y a le LOU citoyen, les actions citoyennes du club à savoir la distribution de repas à des étudiants, la collecte de don du sang. Nous demandons à nos licenciés d’avoir chaque année, une action pour le club, une pour l’environnement et une pour les autres. Le dernier pilier est LOU green, il me tient particulièrement à cœur. L’idée est d’être plus vertueux, plus éco responsable. En tant que Président du LOU rugby, je suis d’ailleurs, à ce titre, engagé dans la Convention des Entreprises pour le Climat. 

Quelles sont vos ambitions pour le LOU à court, moyen et long terme ?

La principale ambition est sportive. Quand je suis arrivé, nous avons défini un projet en 4 grandes étapes : la première étape est l’étape zéro car il ne faut pas oublier que ce club existe depuis 125 ans, nous sommes les héritiers de ceux qui ont mouillé le maillot rouge et noir depuis plus d’un siècle. Écrire l’histoire moderne de ce club est très excitant. L’étape 1 était de revenir en TOP 14, l’étape 2, d’y rester et on peut donc considérer que cela est validé même si rien n’est vraiment jamais acquis. L’étape 3, la marche la plus haute, celle de gagner des titres. On s’en rapproche petit à petit mais sans arrogance car on sait comme la route est encore longue. A côté de cela, l’idée est de pérenniser et sécuriser le modèle économique du club, de persévérer dans la formation des jeunes. S’il faut garder une image du LOU qui résume nos ambitions, c’est d’avoir au sein du Matmut Stadium de Gerland, qui je le rappelle est un véritable lieu de vie avant tout, et un petit peu la cité des sports de la ville Lyonnaise finalement, notre équipe qui remporte des titres au milieu de nombreux supporters et de célébrer tous ensemble, dans la joie et la ferveur notre passion commune pour le rugby et le LOU ! 

Crédit photo : Lyon People

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