Retraité depuis le confinement, à l’occasion la crise sanitaire mondiale, Rémi Talès est un ancien joueur de rugby professionnel français. Le demi d’ouverture, formé à Mont-de-Marsan et passé par le Racing 92, est désormais co-entraîneur du Stade Montois. A travers cette interview, l’ex international français revient pour Jurisportiva sur ses plus belles années avec le ballon ovale, sur l’importance des valeurs dans le rugby et sur ses perspectives d’avenir dans le milieu du sport. Nous tenons à le remercier une fois encore pour sa gentillesse et sa patience, et lui souhaitons de belles choses dans sa « nouvelle vie ».
« Je ne perds jamais : soit je gagne, soit j’apprends ».
Bonjour Rémi. Comment avez-vous découvert le rugby ?
« Je suis né dedans », comme on dit. Mon père a été joueur puis entraîneur de rugby, c’est une histoire de famille. Baigné dans le rugby, j’ai toujours été très fan de l’australien Stéphane Larkham, c’était un peu une sorte de modèle pour moi.
Quel est votre parcours rugbystique ?
J’ai commencé à jouer au rugby à Mont-de-Marsan de l’âge de 5 ans à 22 ans. Puis, j’ai joué 5 saisons en faveur du Stade Rochelais, avant d’enchaîner 4 ans à Castres puis 3 ans au Racing 92. A la fin de ma carrière, j’ai finalement décidé de revenir au Stade Montois pour deux saisons. J’ai décidé de prendre ma retraite sportive pendant le confinement.
Quels sont vos atouts et les aspects de votre rugby sur lesquels vous auriez pu davantage travailler ?
Ma force, c’était ma faculté à jouer debout et à faire jouer les autres. Au niveau des points faibles, je pense que j’aurais pu peut-être davantage travailler mon jeu au pied.
Un entraîneur qui vous a marqué et pourquoi ?
Ce sont les deux duos que j’ai eu au cours de ma carrière, Serge Milhas et David Darricarrère ainsi que Laurent Labit et Laurent Travers. C’est compliqué de départager ces deux duos car j’ai vécu trop de choses avec eux quatre. Ils m’ont donné ma chance, ils m’ont fait confiance et j’ai gagné des titres avec eux, donc forcément j’ai tissé des liens avec ces personnes. Je les remercie d’ailleurs beaucoup pour ce qu’ils m’ont apporté, tant au niveau du rugby que leur coté humain.
Avez-vous un agent ? Quelle relation entretenez-vous avec lui ?
Oui. J’ai toujours eu un agent au cours de ma carrière de rugby professionnel. Très vite, la relation est allée au-delà du professionnel, c’est devenu un ami proche et un confident. Il m’a toujours accompagné dans mes choix, aider à trouver ce qu’il y avait de mieux pour moi et ma carrière de rugbyman professionnel.
Selon vous, avec quoi rime le mot « rugby »?
Rugby ça rime avec copains. Avant d’être coéquipiers, on est pour beaucoup une bande de potes et c’est ce qui fait d’une certaine manière notre force sur le terrain, cette alchimie. Une devise m’a beaucoup marqué et je pense qu’elle vaut pour le rugby comme pour la vie de tous les jours : « Je ne perds jamais : soit je gagne, soit j’apprends ».
En juin 2013, vous remportez le Bouclier de Brennus au terme d’une finale remportée contre Toulon, dans lequel vous êtes décisif. Quel souvenir avez-vous de ce match ?
Avant une finale comme celle-ci, on rêve de gagner. C’est, je pense, le rêve ultime de tout rugbyman français que de gagner le « bout de bois » (autre appellation du bouclier de Brennus). Dans la tête, il faut se conditionner mentalement à tout donner, se dire que peut être qu’une telle occasion ne se présentera pas deux fois dans sa carrière. Lors de cette finale j’étais capitaine, j’étais très fier car j’ai été décisif notamment grâce aux deuxièmes drops. A ce moment-là du match, tu sais que tu as de grandes chances de l’emporter et l’émotion est indescriptible. C’est une sensation extraordinaire.
Le même mois de la même année, vous effectuez vos débuts en équipe nationale contre les All Blacks, une première rêvée?
Porter le maillot de l’Equipe de France, représenter son pays, c’est le Graal de tout sportif. Ce n’est pas donné à tout le monde. Une première sélection face à la Nouvelle-Zélande de Dan Carter, il y avait tout qui était réuni pour que cela soit inoubliable et que l’événement soit à la hauteur de ma fierté de revêtir ce maillot bleu. Cette sélection, c’est mon plus beau souvenir en Equipe de France. Le Haka, c’est juste incroyable ! Toute ma vie j’avais vu cela à la télé et là j’étais face à eux et chez eux, c’était impressionnant et transcendant. Ma première sélection en Equipe de France, c’est l’accomplissement d’un rêve. Je n’ai pas eu un parcours facile, j’ai longtemps évolué en Pro D2, l’Equipe de France c’était inenvisageable pour moi donc l’histoire est encore plus belle. Une fois que j’avais goûté à cette adrénaline de l’Equipe de France, j’ai toujours tout donné pour ne pas la quitter.
En 2016 vous remportez le titre de champion de France top 14 avec le Racing Club 92, quel est le plus beau trophée que vous ayez gagné au cours de votre carrière ?
C’est vrai qu’il y a eu le titre avec le Racing mais le titre de 2013, avec Castres a une saveur encore plus particulière : j’étais capitaine lors de la finale et décisif lorsque je mets le drop gagnant.
Après votre retour au Stade Montois pendant les deux dernières saisons, vous venez de prendre votre retraite pendant le confinement. Il parait que vous allez co-entrainer le stade montois, vous confirmez ?
Oui tout à fait, je confirme. J’arrête ma carrière de joueur pour en débuter une d’entraîneur. Je co-entraînerai le Stade Montois avec Julien Tastet. J’ai toujours aimé le partage, aider, apprendre et former les jeunes. Je tiens un ballon de rugby dans mes mains depuis l’âge de 5 ans, je ne me voyais pas changer totalement de voie. J’ai envie de continuer là-dedans et d’apprendre le métier d’entraîneur que je ne maîtrise pas encore. J’ai la chance d’exercer dans le milieu que j’aime, ce n’est pas donné à tout le monde mais c’est important pour moi. Le choix de Mont-de-Marsan n’est pas anodin, c’est un choix de cœur. J’ai commencé ma carrière de joueur là-bas, je souhaite faire pareil en tant qu’entraineur, d’autant plus que mon père entraînait les cadets du Stade Montois à l’époque.
Finalement, que vous ont apporté le rugby et ses valeurs ?
Je dirais dans un premier temps, l’humilité, puis la remise en question permanente et le partage. Le rugby est une école de la vie. Même si les valeurs du sport disparaissent quelque peu avec le rugby business, je pense qu’il revient aux joueurs de continuer à transmettre les belles valeurs que nous ont véhiculé les aînés. Voila aussi pourquoi je souhaite entraîner, pour faire perdurer la beauté de ce sport et de ses valeurs.
Que pensez-vous du rugby d’aujourd’hui ?
Ce n’est plus le même rugby qu’autrefois. Les clubs fonctionnent comme des entreprises et se doivent d’être rentables. Le business prend le dessus sur les valeurs, c’est dommage. Maintenant, il faut toujours essayer de tirer du positif et il y en a forcément là-dedans.
Crédit Photo : Rugbyrama