Oswald Tanchot est un ancien footballeur français, qui, formé au Stade Lavallois, a fait l’essentiel de sa carrière dans les rangs amateurs. Désormais reconverti entraîneur, il a eu l’occasion de coacher des équipes telles que le Havre AC entre 2016 et 2019, ou plus récemment le Sporting Club d’Amiens. Le Mayennais de naissance ayant quitté ses fonctions à Amiens en juin 2021, est désormais à la recherche d’un nouveau projet sportif. Au cours de l’interview, Oswald Tanchot revient sur ses débuts en tant qu’entraîneur, sa philosophie de jeu, mais aussi sur ses moments heureux de coach, et ses moments de doutes. Il nous partage également ses ambitions d’avenir et notamment sa recherche d’un nouveau club à entraîner. L’équipe Jurisportiva le remercie vivement pour son témoignage et lui souhaite bon vent.
J’ai reçu des « offres » à l’étranger, je ne m’interdis rien. J’attendrai peut être pour un banc français ou peut être que je prendrai ma chance à l’étranger, cela peut être une expérience intéressante pour la suite de ma carrière.
Oswald Tanchot
Bonjour, pouvez-vous dans un premier temps vous présenter ?
Bonjour, je m’appelle Oswald Tanchot, j’ai 47 ans et je suis né en Mayenne. J’ai été formé comme joueur au Stade Lavallois et effectué la majeure partie de ma carrière dans les rangs amateurs. Je suis par la suite devenu entraîneur de football professionnel. J’ai entraîné La Vitréenne FC, Le Poiré sur Vie, le Havre AC, et Amiens SC.
Vous avez commencé votre carrière d’entraîneur avec La Vitréenne qui évoluait en DH à l’époque, pouvez-vous nous raconter votre apprentissage du métier d’entraîneur, ce qui vous anime dans ce métier et l’évolution de votre vision du jeu entre vos débuts et aujourd’hui ?
Je ne peux pas dire qu’il y ait eu un réel début dans ma carrière d’entraîneur car j’ai toujours entraîné, depuis que je suis rentré au centre de formation du Stade Lavallois. J’ai fait mes débuts à 16,17 ans. J’entrainais les plus jeunes. J’ai toujours évolué sur deux projets : jouer et entraîner. Lorsque je débarquais dans un club en tant que joueur, j’avais toujours cette demande de pouvoir intégrer le staff technique plus tard. J’ai assez rapidement passé mes diplômes d’entraîneur.
L’évolution est parallèle à celle du jeu. Même si je suis encore jeune entraîneur, il y a eu des changements notamment la notion de contre pressing, pressing à la perte. Il y a aussi eu ma façon d’entrainer qui a évoluée. Cela a évolué sur les notions de variations techniques et les jeux de positions.
J’aime la compétition, la relation avec les joueurs et la patience que nous demande ce fabuleux métier, même si parfois on manque de temps. Faire émerger des jeunes joueurs, c’est la ligne directrice de ma carrière. J’ai cette envie de faire découvrir des joueurs, de les lancer et de les faire progresser.
Comme au Havre, équipe que vous avez entraînée, vous êtes devenu entraîneur principal après avoir été adjoint à Amiens. Comment voyez vous ce changement d’entraîneur adjoint à l’entraîneur principal, votre comportement vis-à-vis de vos joueurs a-t-il changé ?
Concernant mon aventure au Havre, il était programmé que je travaille avec Bob Bradley et qu’il s’en aille assez rapidement. Son objectif était de se servir du Havre comme tremplin pour aller en Angleterre. Il est parti à Swansea lors d’une saison déjà démarrée. Au bout de quelques jours en tant qu’adjoint, je suis passé numéro 1. Ce n’était pas une surprise. Je pense qu’il ne faut pas spécialement changer quelque chose, il ne faut pas que la casquette de numéro 1 ou numéro 2 nous fasse jouer un rôle. J’aime être proche de mes joueurs, je pense que le respect on le gagne par l’intégrité et la compétence.
Que retenez-vous de votre passage au Havre ? Que pensez-vous de l’ascension de Ferland Mendy?
Sur 3 saisons et demies, j’ai eu le malheur de presque monter deux fois. Une fois avec Bob Bradley, nous avons été privés de montée à cause d’un but. On avait la même différence de but que Metz mais nous ne sommes pas montés sur le critère de la meilleure attaque, à un but après, là leur était meilleure. Je me souviens, il fallait gagner le dernier match 6-0, nous l’avons gagné 5-0 à domicile contre Bourg-en-Bresse Péronnas. C’était un ascenseur émotionnel incroyable, nous étions tout près de signer un exploit retentissant. Malheureusement, cela n’a pas fonctionné.
L’autre fois où nous avions failli monter, c’est lors d’un match de barrage contre Ajaccio. On avait battu le record de points du Havre depuis sa redescente en Ligue 2 (12 ou 13 années plus tard).
Beaucoup de tristesse mais aussi beaucoup de fierté de ce que l’on a réussi avec le staff à l’époque.
Concernant Ferland Mendy, c’est le parcours d’un joueur qui a mis du temps à éclore. La maturité a mis du temps à arriver mais sur les qualités du joueur, c’était largement envisageable cette ascension. Il était très au-dessus du lot dans beaucoup de domaines, vitesse, qualité des deux pieds, hermétique à la pression, force et qualité d’appui. Toutes ces qualités font de lui un sacré joueur. Il était très au-dessus de la Ligue 2, il mérite tout cela.
Vous arrivez ensuite à Amiens. Qu’avez-vous appris de Lukas Elsner que vous avez remplacé ?
Malheureusement avec Luka on a travaillé peu de temps ensemble. Ce qui est pour moi une forme d’injustice car on avait eu une préparation avec peu de joueurs, en provenance du centre de formation ou qui étaient sur le départ, d’autres ne voulaient plus jouer à cause de la descente. Ce fût compliqué.
Ce que j’ai appris, je ne peux parler d’apprendre car je pense qu’une relation entre un entraîneur et son adjoint va dans les deux sens. J’ai surtout rencontré une personne passionnée, motivée, d’une grande qualité humaine. J’aurais aimé continuer à ses côtés, il était très connecté aux évolutions du jeu. Il est encore jeune mais il a un énorme potentiel.
Quelle est votre philosophie de jeu et avez-vous réussi à l’installer dans le groupe d’Amiens?
C’est toujours compliqué de parler de philosophie de jeu en Ligue 2 ou autre division inférieure où les clubs vendent des joueurs très régulièrement, c’est difficile de parler « philosophie ». Pour cela, il faudrait avoir la main sur l’ensemble du projet technique du club, des jeunes jusqu’aux seniors pour inculquer une certaine vision de jeu. Les coachs doivent s’adapter à la matière première du club et à son identité. Amiens s’est construit sur une période bien définie avec Christophe Pélissier sur un jeu de transition. C’est ancré dans le club. Pourtant la saison dernière à Amiens, nous avons dû utiliser 42 joueurs, avec une instabilité chronique, des mouvements incessants et très peu de joueurs les deux pieds dans le club. À un moment, on a changé de stratégie, en intégrant beaucoup de jeunes du centre de formation qui étaient pleinement impliqués dans le projet et cela était nécessaire car quand j’ai pris les commandes, nous n’avions que 5 points en 6 matchs. A côté de cela, si vous demandez mon style de jeu, je suis un entraîneur qui aime tous les footballs mais le jeu de transition et le jeu de pressing avec pression haute, pressing immédiat et à la perte, c’est ça que j’apprécie. Surtout je pense que l’entraîneur est le générateur de confiance, il faut que les joueurs aient des temps d’avance, et qu’ils sachent s’adapter.
Christophe Pelissier a marqué le club de son empreinte tout d’abord de par ses deux montées successives en Ligue 2 puis Ligue 1, mais également par la personnalité et le style de jeu qu’il a su inculquer à ses joueurs. Existe-t-il des restes de son passage dans la façon concevoir la manière de jouer ?
Pas du tout. Car quand je suis arrivé, il ne restait que 2 joueurs qu’avait connus Christophe Pélissier. C’est compliqué de laisser un héritage avec aussi peu de joueurs. Là où il a marqué le club, c’est dans sa personnalité, dans l’état d’esprit de l’équipe mais il y a peu de reste dans le jeu. Depuis son départ, le centre de formation s’est largement développé, il y avait peu d’apport à ce niveau dans le projet d’époque. La difficulté qu’on a pu rencontrer avec Luka la saison dernière, c’est de créer un collectif avec des joueurs des 4 coins du monde qui pour beaucoup ne connaissaient pas la Ligue 2 avant.
Quel retour d’expérience sur votre passage à Amiens, pouvez-vous faire ?
Je suis très satisfait car j’estime avoir atteint mes objectifs et, comme je vous disais précédemment, j’ai eu l’occasion de lancer beaucoup de jeunes et les faire progresser. Quand les objectifs fixés sont réussis et que tu mets le pied à l’étrier et accompagne les jeunes, c’est idéal. Beaucoup de choses sont venues compliquer la tâche lors de mon passage à Amiens mais on a réussi à créer une belle ambiance dans le vestiaire, avec des joueurs qui sont généralement individualistes. Mon rôle de coach a aussi été de créer cette cohésion, osmose dans l’équipe. Après, c’est la première fois que je reste si peu longtemps dans un club mais parfois c’est pas facile de garder tous la même vision d’avenir, pourtant nécessaire si l’on veut tenir sur la durée et obtenir des résultats.
Quel est le plus beau souvenir de votre carrière d’entraîneur à ce jour?
C’est difficile car en tant qu’entraineur, une fois qu’un beau souvenir arrive, on passe directement à de nouveaux objectifs. J’ai de beaux souvenirs dans tous les clubs où je suis passé, à la Vitréenne avec les montées. Au Havre, j’ai eu des bons et mauvais moments. Beaucoup de peine avec le décès de Samba Diop. Amiens, cela a été une saison particulière avec le Covid19 et le licenciement de Luka. Vous savez, j’aime tout dans mon métier, les bons et moins bons moments. Mais ce que je retiens, c’est les rencontres que j’ai pu faire.
Quelle est la plus grande situation de crise à laquelle vous avez dû faire face ? Et comment y avez-vous remédié ?
Des situations de crises on en connaît toujours dans une carrière d’entraîneur. Je me rappelle d’un match avec le Havre, l’année ou l’on a fini avec 66 points, une partie du public avait envahi la pelouse. On avait perdu à domicile contre Quevilly Rouen Métropole. C’était dur cet envahissement de terrain de nos supporters car de souvenir, on venait de rompre une série de 13 mois sans défaites à domicile, le record. On avait tout de même réussi à relever la tête, avec 7 ou 8 matchs sans défaite et une place en barrage. Il faut toujours garder la foi, garder confiance et continuer à travailler. On est jamais seuls dans la difficulté, c’est un collectif, dans la victoire comme dans la défaite.
Quels sont vos objectifs à court, moyen et long terme ? Des touches avec des clubs ?
Je n’ai pas pu avoir de touches en France à cause de mon départ tardif d’Amiens. J’ai résilié la veille de la reprise, les bancs étaient déjà pleins. Par contre j’ai eu des « offres » à l’étranger, je ne m’interdis rien. J’attendrai peut-être pour un banc français ou peut-être que je tenterai ma chance à l’étranger, cela peut être une expérience intéressante pour la suite de ma carrière. J’ai eu la chance de travailler avec Bob Bradley, il m’a montré une autre façon d’entraîner, de voir les choses. Cela m’enrichit dans mon parcours. Luka aussi a travaillé un peu à l’étranger, c’est toujours intéressant d’apprendre des autres. Je souhaite continuer de faire des rencontres, progresser, garder la passion du jeu, l’important est de rester connecter sur le football et non l’environnement autour qui peut parfois être décevant.
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