Auparavant entraîneur jeunes, éducateur, conseiller technique fédéral du Rhône (FFF) pendant 10 ans, Julien Sokol est arrivé à l’OL en 2011 en tant que chargé du recrutement régional pour le centre de formation. Il est ensuite devenu recruteur national et responsable club partenaires, puis coordinateur administratif et sportif. Depuis 2021, il est le Team Manager de l’équipe professionnelle masculine de l’Olympique Lyonnais. Entretien avec un passionné du ballon rond, élément clé et facilitateur de l’ombre de l’Olympique Lyonnais.
Bonjour Monsieur, dans un premier temps, pouvez-vous vous présenter ?
Bonjour! Je suis originaire de Quetigny, dans la proche périphérie de Dijon. J’ai 47 ans. Je suis marié avec une Dijonnaise, qui partage ma vie depuis 1998, et nous avons 2 filles.
J’ai réalisé quelques mois à la Faculté de Droit de Dijon avant d’intégrer l’UFR STAPS de Lyon en 1994. Les quelques mois passés là-bas m’ont permis d’acquérir une base juridique, que j’estime nécessaire pour être à un poste tel que celui que j’occupe actuellement.
Je suis également titulaire d’un DU entraîneur sportif et de la licence A UEFA.
Au niveau de ma carrière de sportif, j’ai commencé le football à l’AS Quetigny, j’y ai joué dans toutes les catégories. Ensuite, j’ai intégré le FC Lyon (1995/1999 et 2001/2003) puis l’AS St Priest (1999/2000). J’ai arrêté assez vite de jouer car j’avais davantage la fibre d’éducateur, j’ai donc basculé dans l’encadrement. J’ai entraîné toutes les catégories des débutants aux seniors pendant une petite vingtaine d’années.
Quel a été votre parcours professionnel jusqu’à présent ?
J’ai travaillé tous les étés depuis mes 18 ans, que cela soit comme employé dans une entreprise électrique où j’ai connu les 3x8h, comme éducateur sportif pendant les vacances ou dans d’autres petits boulots.
À la sortie de mon service militaire, j’ai dû travailler dans une grande surface, tôt le matin. Il y a une époque où je préparais les bûches de Noël et les tartes dans le rayon pâtisserie.
En 2001, j’ai intégré le District du Rhône de Football comme éducateur, puis en 2004 j’ai été nommé Conseiller Technique Fédéral. En 2011, j’ai intégré la cellule recrutement de l’Olympique Lyonnais comme responsable du recrutement régional.
En 2018, j’ai été nommé coordinateur administratif et sportif de l’OL Academy, et j’ai été consultant sportif sur les matchs de l’Academy sur OLTV pendant 7 ans.
Depuis octobre 2020, j’occupe la fonction de Team Manager auprès du groupe professionnel masculin de l’Olympique Lyonnais.
En quoi consiste le métier de Team Manager ?
La fonction de Team Manager est très vaste et peut avoir certaines spécificités en fonction du club dans lequel on travaille.
Un Team Manager a une fonction à la frontière des postes de Manager et de Chef de service. En tant que tel, il aura pour tâches de participer au développement de la structure, de faire maintenir les règles de fonctionnement et de créer du processus.
Il est le relais entre la Direction, le Staff technique et les joueurs, ce qu’on appelle l’appareil du système.
À titre personnel, j’agis ou j’interagis sur des domaines très différents :
- Le groupe professionnel et le staff
- L’Academy et l’équipe réserve
- La gestion du quotidien de l’équipe (définition des plannings, des déplacements, suivi administratif LFP…)
- La relation avec les ressources humaines, le service billetterie, les services juridiques, le service marketing et merchandising, le service événementiel et sponsoring, et les services généraux
- La Fondation OL
- OL Voyage pour le volet déplacement pour la partie interne.
- Au niveau externe, je suis en relation surtout avec les hôtels, les aéroports et les opérations ponctuelles (partenaires, supporters…).
À quoi ressemble la semaine type d’un Team Manager ?
Une semaine type n’existe pas pour un Team Manager. Chaque semaine est différente et planifiée en fonction du nombre de matchs à jouer dans celle-ci.
Ainsi, pendant les périodes FIFA, autrement dit les trêves internationales (8 jours de période pour les internationaux en équipe nationale), le Team manager profite d’avoir moins de joueurs au club pour aller faire des repérages.
Si le Club joue la Coupe d’Europe, il se rendra dans les hôtels, il visitera les stades, rencontrera le personnel des aéroports afin d’organiser les déplacements…
Lorsque nous jouons un match par semaine, la semaine est rythmée par 4 ou 5 séances en plus du match. Un match à domicile est différent d’un match à l’extérieur, en tout cas au niveau de la préparation.
Lorsque nous jouons deux matchs par semaine (Coupe ou Coupe d’Europe), l’intensité de la semaine ne permet pas de coupure, il est nécessaire d’être toujours en éveil afin de ne pas commettre d’erreurs dans le périmètre d’action.
Il faut aussi trouver du temps pour les différentes actions du club (la relation des partenaires avec le public).
Nous avons, tous les jours, une réunion avant l’arrivée des joueurs pour faire le point sur le plan médical, organisationnel et sportif.
J’assiste, également, à toutes les causeries du coach et de son staff que ce soit dans la semaine mais jour de match aussi.
Bref, je suis toujours avec l’équipe, mise au vert comprise.
Peut-on considérer le métier de team manager comme un “facilitateur de l’ombre” faisant le lien entre le sportif et l’administratif ?
Oui, on peut résumer comme cela. Le Team Manager est le liant entre les deux.
Il m’est très difficile de décrire mon métier à mon cercle familial ou amical car le périmètre de ce dernier est tellement vaste, que cela prend du temps à expliquer.
Je pense personnellement qu’il est important d’avoir joué au football, d’avoir encadré et d’avoir une bonne connaissance du milieu sportif afin d’anticiper les problématiques et de cerner rapidement le fonctionnement du staff et des joueurs.
Un Team Manager est un couteau-suisse.
J’ai tendance à dire qu’il ne peut pas faire gagner l’équipe mais peut la faire perdre.
Le métier de Team Manager n’existe que depuis quelques années en France alors qu’il était déjà un poste clé à l’étranger. Que pensez-vous de ce retard d’intégration de votre profession dans le paysage sportif français ?
Effectivement, ce poste a été créé avec l’apport et la collaboration d’entraîneurs étrangers ou d’anciens joueurs français ayant évolué à l’étranger.
C’est un poste méconnu et assez ingrat.
Historiquement, l’intendant principal faisait office de Team Manager, puis des régisseurs sont apparus, et enfin a été créé le poste de Team Manager.
La deuxième raison est que les clubs se sont structurés et staffés de plus en plus et qu’il a fallu créer un poste de coordination sur la partie sportive/administrative.
Quelles aptitudes sont indispensables à l’exercice de votre fonction ?
Je pense qu’il faut déjà aimer être au service des autres, avoir de l’empathie et une forte détermination.
Avoir un esprit d’ouverture, de communication et de synthèse pour procéder à des reporting. Être dans l’anticipation, proactif et réactif sont aussi nécessaires.
L’importance de parler plusieurs langues devient fondamentale avec le nombre croissant d’internationaux au sein des clubs.
Je dirais également qu’il faut bien connaître son club, son histoire et savoir rester les pieds sur terre, en ayant un grand sens de la discrétion.
Travaillez-vous plutôt seul ou en équipe à l’OL ?
Dans mon périmètre de proximité professionnel, deux personnes interagissent avec moi.
J’ai la chance de bénéficier de la présence de Guy GENET, auquel je succède à ce poste, qui travaille à mi-temps avec moi. Il est un relais précieux de par sa riche expérience, son calme et ses avis. Il a pour missions principales le suivi et la gestion des locaux du groupe professionnel, la gestion de la flotte automobile de celui-ci.
Puis il y a Isabelle DIAS, chargée de l’accueil et de l’accompagnement des joueurs, qui a, également, une grande expérience au club dans le suivi des joueurs et de leurs familles que ce soit sur le plan administratif mais aussi sur le plan affectif.
Suite au départ de Rudi Garcia en 2021, l’équipe professionnelle de l’OL s’est dotée d’un nouvel entraîneur, Peter Bosz. Vous avez donc côtoyé deux personnalités différentes, qui plus est de nationalités/cultures distinctes. De manière générale, la coopération staff technique / team manager est-elle bien différente en fonction de l’entraîneur en place ?
Un Team Manager doit s’adapter aux besoins et aux exigences de l’entraîneur, tout en gardant la ligne directrice qui est fixée par le club et ses dirigeants.
A titre personnel, je suis sous l’autorité directe du Directeur du Football, Vincent Ponsot, et c’est de lui que je prends les directives importantes, et à qui je fais les reportings.
Toutefois, mon quotidien reste en grande majorité avec le staff technique et les joueurs, donc oui, la coopération est différente en fonction de l’entraîneur existant.
De nombreux joueurs de l’OL sont internationaux, qu’est-ce que ce paramètre engendre sur votre travail ?
Du travail supplémentaire !
En effet, je suis chargé de la relation avec les différentes Fédérations et Team Managers, afin d’avoir toutes les informations sur le calendrier de nos internationaux et de la logistique (départ, retour, modalités de voyage…).
Certaines fédérations oublient que les joueurs sont salariés des clubs et que nous devons avoir toutes les informations nécessaires, comme le régit les règlements FIFA, annexe 1, article 9 sur la mise à disposition des internationaux.
Il est important de garder le lien avec nos joueurs en sélections et d’être réactif, si besoin, pour un retour rapide dans le club.
Avant le COVID19, il n’était pas rare d’aller voir les matchs de certains internationaux et de rentrer avec eux directement après.
Avez-vous un rôle sur la logistique du club à l’étranger ?
Il existe deux cas de figures à l’étranger :
- Le déplacement européen en semaine (type Ligue des Champions ou Europa League) où je gère, en collaboration avec mon partenaire Jonathan GOOS, Travel Manager chez OL Voyage, la logistique complète : projet général avec Christophe ETIENNE, directeur d’OL Voyage Voyage, repérage, choix de l’hôtel, choix de l’avion et des horaires de vol, planning des journées, menus… en collaboration et sous la validation du Directeur du Football et de l’entraîneur, Peter BOSZ.
- Le stage estival ou hivernal où nous travaillons en binôme avec Clément MICHON, Head of International Department, Preseason Manager, sur le calendrier de reprise, les opportunités de matchs amicaux, stades et sur les lieux de stages et l’organisation générale. Il étudie toutes les options réalisables et nous les propose sous condition de validation par Vincent PONSOT.
Cette semaine j’étais en déplacement au Portugal afin de préparer le match contre FC Porto en Europa League, qui a eu lieu hier soir.
Quel est le rapport qu’entretient le Team Manager avec l’équipe professionnelle, et avec le joueur individuellement ?
Le Team Manager doit être proche des joueurs car il est le relais entre le club, le staff et eux. Généralement, il est connecté avec les joueurs via un groupe fermé où les informations du quotidien sont diffusées.
Il doit avoir le respect et la confiance des joueurs car il existe des informations privées, qu’il est obligatoire de garder pour soi. Il faut instaurer un climat de confiance.
Je ne suis pas pour être copain/copain avec les joueurs car je pense que chacun doit rester à sa place, toutefois, il est important d’avoir une certaine proximité.
Quelle relation entreteniez-vous avec Juninho ?
Lorsque Juninho était Directeur Sportif, j’avais une relation de proximité avec lui puisque j’étais amené à faire le point quotidiennement sur le fonctionnement, les améliorations, les prises de décision…
Au-delà de l’immense joueur qu’il a été, j’ai apprécié travailler avec lui, humainement et professionnellement. Il a beaucoup donné pour l’Olympique Lyonnais.
Nous sommes toujours en contact aujourd’hui.
Votre travail est soumis aux aléas du sport professionnel. Un changement de staff sportif peut conduire à une certaine instabilité professionnelle. Comment vivez-vous cela ?
Je ne pense pas qu’un changement de staff remette en question le choix d’un Team Manager. En effet, celui-ci doit être ancré dans le club afin de faire gagner du temps d’intégration et de fonctionnement au staff.
À ma connaissance, il n’existe pas de Team Manager attaché professionnellement à un entraîneur comme pourrait l’être un adjoint ou un préparateur physique.
Les types de contrats ne sont pas les mêmes.
L’instabilité résiderait en un changement fréquent de staff avec un réajustement systématique du fonctionnement. En effet, chaque entraîneur a sa méthode, son fonctionnement propre de gérer un groupe, qui suppose de s’adapter.
Par exemple, tel entraîneur souhaite des mises au vert systématique, tel entraîneur souhaite des entraînements le matin, la mise en place d’amendes…
Avez-vous un lien particulier avec les supporters lyonnais dans le cadre de votre travail ?
Particulier évidemment car nous soutenons la même équipe, le même club.
J’essaye d’être au maximum disponible lorsque je suis sollicité afin de répondre au mieux aux différentes demandes qui me sont soumises.
J’accompagne l’équipe et/ou le staff lors de rencontres avec les supporters.
Au quotidien ou lors des matchs, nous rencontrons souvent les mêmes fans.
Comment expliquez-vous la montée des violences dans les stades français depuis la reprise des championnats post Covid19 ? Quelles seraient les solutions pour freiner ce phénomène ?
Il est difficile de tout expliquer mais il est évident qu’il y a eu des changements dans les comportements que nous rencontrons.
Les confinements successifs suite au Covid19 ont certainement généré beaucoup de frustrations chez les gens et le besoin de s’extérioriser, d’une manière ou d’une autre, ressurgit.
Ceux qui ont eu la chance de vivre cette période compliquée dans une maison avec de l’espace ont pour certains peut-être moins subis que les personnes résidant en appartement.
Le football est un sport dit « populaire » et l’absence des fans dans les stades a dû changer certaines attitudes. Cette année, nous avons été particulièrement touchés par des événements (match arrêté contre Marseille et PFC notamment).
Je n’ai pas de solutions miracles à ces débordements, si ce n’est qu’il faut accentuer la prévention et maintenir des sanctions en répression de ces actes.
Quels sont vos objectifs d’ici la fin de la saison avec l’OL ?
Mes objectifs sont en lien avec les objectifs du club : se qualifier pour la Ligue des Champions l’année prochaine et gagner l’Europa League.
À titre personnel, vivre des émotions, prendre un peu de temps avec ma famille et garder la forme mentale et physique.
Crédit photo : Damien LG