Direction Outre-Atlantique pour un échange avec Richard Legendre. Ancien joueur de tennis professionnel canadien, il fut l’un des artisans du tennis québécois dans les années 80/90 en tant que directeur de deux circuits de tennis puis comme directeur des Internationaux de tennis du Canada en 1988 à Montréal, que l’on connaît désormais sous le nom de « Masters du Canada ». Après une courte carrière en politique où il consécutivement été Ministre délégué au Tourisme, au Loisir et au Sport puis député au Québéc, il devient en 2007 Vice-Président exécutif du club de soccer « Impact de Montréal », aujourd’hui devenu « CF Montréal ». Il est désormais professeur associé à HEC Montréal. Entretien.
Bonjour Monsieur Legendre, pourriez-vous vous présenter dans un premier temps ?
Bonjour. Mon nom est Richard Legendre et je suis depuis 2019, professeur associé en management du sport à HEC Montréal et Directeur associé du Pôle sports HEC Montréal.
Pouvez-vous revenir brièvement sur votre carrière de joueur de tennis professionnel ? Diriez-vous que cette expérience vous a inspiré pour votre reconversion en tant qu’homme politique et dirigeant dans le monde du sport ? Selon vous, retrouve-t-on des qualités similaires chez le sportif professionnel et le manager en entreprise ?
Le tennis a occupé une très grande place dans ma vie.
Après avoir remporté le championnat junior canadien et après un séjour de trois ans sur l’équipe universitaire de Florida State University, j’ai fait une carrière professionnelle qui m’a mené au 217e rang mondial et j’ai représenté le Canada en Coupe Davis en 1978.
J’ai beaucoup appris grâce au tennis et cela a été pour moi une véritable école de formation pour mon parcours comme gestionnaire du sport pendant 40 ans: Directeur des Internationaux de tennis du Canada, Ministre du Loisir, du Sport, du Tourisme, de la Jeunesse et de la Faune et des Parcs et Vice-Président exécutif du club de soccer en MLS, l’impact de Montréal, maintenant le CF Montréal.
Par le tennis de compétition, j’ai appris l’importance de la préparation, de la concentration, de la discipline, de la capacité d’adaptation, du contrôle de soi, de l’équipe qui t’entoure,de la communication, de la persévérance et de la passion dans le travail.
Tous ces apprentissages m’ont guidé tout au cours de ma carrière et ont fait de moi le gestionnaire que j’ai été.
Vous avez été l’un des artisans du tournant du tennis Canadien, notamment par la transformation du stade de baseball du parc Jarry en centre national de tennis, et en élevant la qualité des Internationaux de tennis du Canada au rang des tournois les plus prisés de l’élite internationale. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce sujet ? Comment a évolué le tennis Canadien? Ce dernier est-il promis à un bel avenir à votre avis ?
Au cours des 5-6 dernières années, le tennis québécois et canadien a fait un bond de géant, au point que le Canada est le champion mondial en titre de la Coupe Davis (2022).
Leylah Fernandez, Bianca Andreescu, Félix Auger-Aliassime et Denis Shapovalov sont des joueuses et des joueurs établis parmi les meilleurs au monde. La création à Montréal en 2007, grâce aux installations du Stade IGA , du Centre national regroupant les meilleurs jeunes joueurs du pays, a été un point tournant pour le développement de nos joueurs de niveau international. C’est grâce aux profits accrus du tournoi que des investissements majeurs ont pu être faits dans le développement du programme de haute performance; ces profits n’auraient pas été possibles sans la reconstruction du stade en 1996. L’avenir est prometteur pour le tennis canadien car les moyens et les structures sont en place, mais c’est encore plus difficile de rester au sommet de la hiérarchie mondiale que d’y accéder.
Vous avez longtemps travaillé à Montréal, comment décririez-vous la ville en termes de sport ? Pourriez-vous faire un état des lieux du paysage sportif à Montréal ?
Montréal est une ville unique au monde. La plus grande ville francophone d’Amérique, c’est aussi une ville d’une très grande diversité des différentes communautés culturelles qui y habitent.
Cela se reflète dans son paysage sportif: beaucoup de diversité. Tantôt nord-américaine avec la popularité du hockey et de son équipe emblématique, le Canadiens de Montréal, du football des Alouettes du baseball de ses Expos disparus et du basket-ball de son équipe naissante , l’Alliance, tantôt européenne avec la popularité grandissante du soccer, le CF Montréal en MLS, avec le grand succès d’événements internationaux majeurs comme le Grand Prix de F1, les Internationaux de tennis du Canada et les Grands Prix cyclistes, Montréal insiste autant sur le sport de participation avec son Tour de l’île à vélo que sur le sport d’excellence avec son héritage olympique et par exemple son Institut national du sport du Québec.
Par ailleurs, c’est comme si Montréal ne réalisait pas suffisamment qui elle est et ce qu’elle a!
Le sport est-il considéré à sa juste valeur ici au Canada ?
Le sport occupe beaucoup de place dans le cœur et le quotidien des Montréalais et des Québécois. Cependant, le sport souffre d’un manque de financement de la part des gouvernements..
Par exemple, le budget du Ministère de la Culture est d’environ 1.7 milliard; celui du sport, qui n’est pas un Ministère comme tel mais plutôt un simple secteur du Ministère de l’Éducation, son budget est de 170 millions, donc 10 fois moins que la Culture, qui, à juste titre, réclame plus d’argent!
En tant que Ministre délégué au Tourisme, au Loisir et au Sport (du 8 mars au 13 novembre 2001), Ministre responsable de la Jeunesse, du Tourisme, du Loisir et du Sport (du 13 novembre 2001 au 29 avril 2003) et Ministre responsable de la Faune et des Parcs (du 30 janvier 2002 au 29 avril 2003), quelles ont été vos principales réalisations ?
J’ai eu le privilège d’être Ministre durant deux ans seulement il y maintenant plus de 20 ans. J’ai pu créer l’Équipe Québec, un programme d’aide financière pour les athlètes et les entraîneurs de niveau international. Ce programme existe toujours mais malheureusement avec les mêmes montants accordés! J’ai pu aussi augmenter le budget du sport de 20% et donner naissance au programme « Québec en forme » pour permettre d’offrir plus d’activités physiques et sportives aux enfants d’écoles primaires en milieu défavorisé. Notre gouvernement est venu en aide financièrement au club de soccer l’Impact de Montréal qui était au bord de la fermeture à l’époque. En tourisme, nous avons mis en place une campagne de promotion sans pareil pour le Québec, dans un contexte historique extrêmement difficile, au lendemain des événements du 11 Septembre 2001 à New-York. Le Plan d’action Jeunesse que nous avions présenté, a fait consensus auprès des différents groupes représentant les jeunes et enfin, j’ai été le premier Ministre de la Faune à faire approuver le droit légal de chasser au Québec afin de mieux baliser les interventions en nature.
Diriez-vous que le sport canadien est un mix entre le sport US et le sport en Europe ? Selon vous, quels sont les principaux axes dont le sport européen devrait s’inspirer du sport en Amérique du Nord ? Et quels sont les axes de développement du sport au Canada ?
L’Amérique et l’Europe peuvent apprendre l’une de l’autre.
L’Amérique aurait intérêt à diversifier son offre sportive et investir dans plusieurs sports. C’est un peu le cas de Montréal.
L’Europe pourrait probablement apprendre de l’Amérique en matière d’infrastructures sportives et surtout de l’importance de l’expérience-client pour tous les sports.
Quelles ont été vos principales actions en tant que dirigeant sportif ?
De mon côté, j’ai été privilégié dans mon parcours professionnel, car j’ai été impliqué à plusieurs reprises dans les projets de construction très importants pour le développement notamment du tennis et du soccer au Québec: Stade IGA, Stade Saputo, Centre Nutrilait, Club de tennis Avantage à Québec. Mon objectif a toujours été d’augmenter la popularité de ces deux sports qui étaient plutôt des sports émergents à l’époque.
Vous êtes désormais professeur à HEC Montréal. Pourquoi avoir débuté une carrière dans l’enseignement ? Qu’enseignez-vous comme discipline ?
Après avoir pris ma retraite comme gestionnaire du sport en 2018, j’ai eu la chance de me joindre à l’équipe HEC Montréal pour contribuer à son nouveau programme universitaire de management du sport. Il s’agit de la première université au Québec à offrir un programme diplômant de management du sport!
Pour moi, il s’agit d’une occasion exceptionnelle de rester branché sur le milieu sportif, mais surtout de pouvoir redonner en partageant ce que j’ai eu le privilège de vivre dans le sport.
Mon cours consiste à faire connaître les parcours de différents gestionnaires du sport québécois et ainsi aider les étudiants à mieux comprendre le métier de façon très concrète et vivante.
Crédit photo : HEC Montréal.