Interview de Michal Ferrisi (fondateur d’Ecolosport)

par | 15, Déc, 2022

Michaël Ferrisi (à droite sur la photo), issu des secteurs du sport et de la communication, est un passionné et spécialisé des questions qui mêlent sport et développement durable. Fondateur d’Ecolosport, un média positif et engagé dans la transition écologique dans le sport, il partage aujourd’hui, pour Jurisportiva, ses ambitions pour un sport éco-responsable, le chemin qu’il a récemment pris avec la création de l’agence Écolosport, ou encore sa manière d’aborder les futurs enjeux environnementaux dans l’écosystème du sport. Entretien.

Bonjour, tout d’abord pourriez-vous vous présenter? 

Bonjour. Je m’appelle Michaël Ferrisi et je suis le fondateur d’Ecolosport. Avant cela, j’ai travaillé dans le sport professionnel, principalement dans le rugby au sein de deux clubs : le FC Grenoble Rugby et le Castres Olympique. Je suis issu de la communication et du digital, avec aussi un gros penchant pour le journalisme. Ce qui m’a amené à créer Ecolosport !

Comment et pourquoi avoir lancé Ecolosport ?

J’ai lancé Ecolosport pendant le premier confinement. L’événementiel sportif était à l’arrêt et j’essayais de me renseigner autour de la transition écologique dans le sport. En ne trouvant rien – ou très peu de choses – j’ai eu un déclic. J’ai donc réuni ma sensibilité et mes petites compétences et j’ai créé ce qui était initialement un blog, où je postais deux ou trois articles chaque semaine. Très vite, j’ai compris le potentiel qu’avait ce blog et plusieurs rédacteurs et rédactrices m’ont rejoint.

Aujourd’hui, le média rassemble une bonne vingtaine de rédacteurs et est suivi par plus de 13000 lecteurs chaque mois. Notre objectif est de parler de la transition écologique du sport de manière positive, montrer les initiatives, les bonnes pratiques et interroger les acteurs du changement. Ainsi, nous créons une dynamique positive et enthousiasmante autour d’un sujet souvent décrit comme anxiogène. Nous voulons raconter un nouveau récit.

Depuis l’été 2022, le média n’est plus seul. L’association qui le chapeautait voit ses missions évoluer et va sensibiliser sur le terrain, sur les événements sportifs et auprès des jeunes. Surtout, une agence a vu le jour, avec mon associé Eddy Klemenczak. Nous accompagnons tous les acteurs du sport dans leur transition écologique et sociale à travers trois pôles : conseil, communication et formation. Au-delà de sensibiliser et de médiatiser, nous voulons désormais agir et mettre les mains dans le cambouis !

Dans ce cadre, quelles sont les structures que vous accompagnez ? 

Sur le volet conseil, nous pouvons accompagner les structures en les auditant et en réalisant des recommandations et une feuille de route stratégique et/ou opérationnelle pour les mener vers cette transition écologique. À ce sujet, nous discutons par exemple avec un grand club de Top 14 et une grande fédération sportive française. Nous accompagnons aussi les collectivités, qui sont en lien avec les associations sportives. Nous l’avons récemment fait avec la ville de Revel (31).

Sur le volet communication, nous pouvons accompagner les organisations sportives dans leur communication RSE, c’est ce que nous faisons avec la Fédération Française de Handball ; ou accompagner les organisations sportives éco-responsables dans leur stratégie de communication ou digitale globale, ce que nous faisons avec l’équipementier NOLT ou les ballons Rebond, par exemple.

Sur le volet formation, nous essayons de sensibiliser et former à la fois les collaborateurs de ces organisations, les professionnels du sport et les étudiants. Nous intervenons donc dans certaines écoles et aussi dans certaines structures sportives.

Ce que nous souhaitons, c’est contribuer à l’évolution du modèle sportif, en conservant la culture de l’organisation. Avoir une stratégie 100% dédiée vers l’éco-responsabilité n’est pas antinomique avec la recherche de résultats sportifs et économiques.

Quelles sont les principales actions à mettre en place pour un sport plus vert en France ? À l’échelle des clubs comme des supporters, voire des sportifs également ? 

Pour des organisateurs d’événements, le principal levier est la mobilité. 80% de l’impact d’un événement est dû aux transports, dont une très large majorité provient des spectateurs. La priorité est ici. Il faut aussi agir sur les déchets et leur réduction, sur une alimentation plus saine, locale et végétale, sur l’énergie qu’il faut économiser, sur les achats que nous devons raisonner. Il faut inciter les supporters à être plus responsable, sans leur faire la morale non plus, c’est important. 

Les sportifs peuvent agir sur leur pratique, dans la manière de s’équiper d’abord. Il existe aujourd’hui de plus en plus de marques de vêtements ou chaussures éco-responsables. Au-delà de ça, ou des autres produits sportifs, chacun doit essayer de faire attention à la façon dont il se déplace pour se rendre sur le lieu de pratique. Idéalement, nous devons réduire drastiquement l’utilisation de la voiture individuelle, sauf s’il y a covoiturage.

Vous avez récemment analysé les stratégies des clubs du Forest Green Rovers (Angleterre) et du Real Betis (Espagne) que vous jugez en avance sur leur temps. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ? 

Le Forest Green Rovers est un modèle du genre. Tout est pensé par le prisme de l’éco-responsabilité et de la durabilité. Absolument tout ! Leur nouveau stade en bois – une première ! -, des maillots à base de marc de café, une pelouse organique, une alimentation végétale lors des matchs, une énergie solaire pour une grande partie de l’activité… Cette stratégie porte ses fruits : les sponsors se bousculent, une liste d’attente a même été créée, le club ne s’est jamais aussi bien porté économiquement et surtout sportivement, puisque le Forest Green Rovers est monté en 3e division anglaise pour la première fois de son histoire. C’est extraordinaire !

L’exemple du Real Betis est aussi intéressant, par certaines de ses actions (Forever Green, le partenariat avec la Renfe, etc…) mais n’est pas le seul. Un club comme l’OL fait de belles choses, trop méconnues je pense, notamment autour de l’accessibilité de son stade et de l’énergie par exemple.

Observez-vous des progrès en termes de développement durable dans le sport ?

Il y a des progrès, oui, bien sûr. On aimerait toujours que ça aille plus vite, mais ça va globalement dans le bon sens. Certaines organisations progressent par conviction et de manière proactive, d’autres par obligation ou pour l’image, et vont donc se confronter assez vite à certaines critiques ou limites. Il faut être sincère dans cette démarche, et le faire pour les bonnes raisons : sauvegarder notre environnement et sa biodiversité. Dans un monde à +4°, c’est 2 mois de pratique sportive en moins possible ! Le sport sera impacté et doit donc agir.

De part votre expérience dans le domaine de la communication, j’imagine que vous portez un œil attentif à celle menée par le Qatar pour la Coupe du Monde de football. Comment la décririez-vous, tant sur le fond que sur la forme ? 

C’est un scandale, autant sur le fond que sur la forme. On sait désormais, grâce au travail d’ONGs, qu’il y a eu des milliers de morts sur les chantiers, autant à cause du Qatar que des entreprises de construction – ne les oublions pas ! On vient se divertir dans un endroit où les droits de l’Homme ne sont pas respectés, où la planète n’est pas respectée. Allumer la climatisation d’un stade à ciel ouvert, la mettre à 20° alors que l’air est à 23°, se rend t-on compte de l’absurdité et des dégâts ? Tout ça pour que le Qatar montre ses muscles aux yeux du monde… Mettre en place des vols toutes les 10 minutes vers des pays voisins car le Qatar ne peut pas loger tous les supporters, c’est terrible. Ne pouvait-on pas y penser avant, au moment de l’attribution de cette compétition ? D’après les organisateurs, la Coupe du Monde sera neutre en carbone, c’est risible… Un événement neutre en carbone est un événement qui n’a pas lieu !

Quelle position adoptez-vous dans le débat du boycott, ou non, de la compétition ? 

Mon avis a changé, depuis cet été par exemple : je suis partagé. On demande aux sportifs et aux spectateurs, qui subissent la décision, de se mouiller et de s’engager là où certains dirigeants et politiques – qui sont responsables de cette situation – ne font rien et manquent globalement de courage. C’est hypocrite.

A titre personnel, j’avais dit en amont que je boycotterais l’événement. Mais j’avais sous-estimé cette difficulté pour le fan de football que je suis, alors qu’en temps normal je regarde 95% des matchs. J’ai boycotté une large majorité des matchs, toute la phase de groupes, mais il m’est bien difficile de résister à ceux de la France depuis la phase éliminatoire… Je m’en veux mais la passion est forte. De 95%, je suis passé à 5%, donc c’est une forme de boycott je pense.

Ce sont aux décideurs de faire les premiers efforts, de ne pas céder à l’argent voire la corruption et d’organiser des événements responsables, pas des événements qui servent de plateforme de greenwashing à des états ou à des marques.  

Que pensez-vous de la manière de raisonner qui dit que “sport professionnel et écologie ne sont pas, ou du moins plus compatibles car la recherche de profit passe avant” ?

Elle est en partie vraie. Chaque organisation sportive veut augmenter la taille de sa zone de chalandise, vendre davantage de billets ou de produits dérivés, développer ses revenus et donc ses profits. Les principes de la décroissance appliqués au sport professionnel seraient intéressants à étudier. Et si nous bloquions le nombre de spectateurs par événement ? Et si nous régionalisions les événements sportifs pour ne plus avoir de spectateurs qui prennent l’avion ? Et si nous nous cantonnions à ce dont nous avions seulement besoin pour exister et concourir ? 

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