Interview de Michaël Gallet (Directeur du District de football de Provence)

par | 13, Avr, 2022

Directeur du District de Provence de Football et Vice Président du CDOS 13, Délégué au Pôle Éducation et Citoyenneté, Michaël Gallet à un véritable rôle de « couteau suisse » au sein des instances précitées. Pour Jurisportiva, il évoque, au sein d’un échange tant sincère que passionnant, ses missions et ses projets, l’organisation de foot-dating ainsi que l’importance de la féminisation du football, tout en relevant le rôle crucial des districts pour faire évoluer la pratique du football. Un grand merci à lui pour sa disponibilité.

Bonjour Michaël. Pouvez-vous présenter votre parcours universitaire ainsi que professionnel ?

Bonjour, tout d’abord merci pour cette interview.

Je m’appelle Michaël Gallet et j’ai 35 ans. Je suis issu du monde du droit et plus particulièrement de l’Université d’Aix Marseille. Au départ, j’ai intégré une Licence de droit pour développer mes connaissances et solidifier ma culture générale. Mon but premier était d’intégrer une école de journalisme à la suite de ma licence. Je voulais avant tout devenir journaliste sportif ! Cependant, le droit a su me conquérir. J’ai rencontré Fabrice Rizzo, Professeur en droit des contrats et j’ai particulièrement apprécié sa manière d’enseigner. De plus, passionné de sport depuis mon enfance, j’ai été interpellé par son statut de Co-directeur du Centre de Droit du Sport et je me suis renseigné pour connaître les débouchés éventuels. Ainsi, arrivé à la fin de ma licence, j’ai dû faire un choix entre continuer sur le cursus juridique ou intégrer l’école de journalisme. La judiciarisation du sport commençait à s’accélérer au même moment et j’ai décidé de continuer sur la voie du droit en faisant le Master 1 Droit des affaires et Master 2 en droit du sport à l’Université d’Aix et Marseille.

Quelles sont vos missions principales en tant que Directeur du District de Provence de football ? Quelles relations entretenez-vous avec la Ligue Méditerranée de Football ? Avec la FFF ?

Pour commencer, il est important de préciser que le District de Provence de Football fait partie du Top 8 des districts en France. À ce jour, après une diminution du nombre de licenciés dû à la crise sanitaire, nous avons été surpris par l’accroissement du nombre de licenciés qui équivaut à 42 600 alors qu’on était à 35 000 durant l’épidémie. On compte 177 clubs en activité sur le département et plus de 28 000 rencontres sont organisées chaque année.

Parallèlement, nous sommes actifs sur les domaines de la formation de dirigeants, éducateurs, arbitres ou encore sur de nombreux événements à portée éducative et sociale.

Au-delà de l’apprentissage du football, il s’agit de les former en tant que citoyen.

C’est pourquoi, nous sommes très présents sur les thématiques suivantes : mixité, féminisation, insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté ainsi que la lutte contre le cancer. Et la liste est encore longue ! Cependant, pour réussir à réaliser nos objectifs, il faut une certaine organisation en interne. Nous sommes une association loi de 1901, mais nous devons fonctionner comme une PME. Notre comité de di-rection est composé de 14 membres élus. Nous avons également 12 salariés en contrat à durée indéterminée, 2 en contrat à durée déterminée, des alternants et des services civiques chaque année sur différents postes.

En tant que directeur, mes missions sont assez polyvalentes: la gestion du personnel, le management de l’équipe, la gestion de projets, la coordination des différents services, la gestion des contrats, le développement des partenariats et avec cela la gestion des dossiers de subvention auprès des collectivités territoriales. C’est un poste varié et c’est ce que j’aime.

Très concrètement, j’ai commencé en étant référent juridique mais à l’heure actuelle je fais également de la communication, de l’événementiel et du marketing; un véritable couteau suisse!

Enfin, nous sommes quotidiennement en contact avec la Ligue Méditerranée et la Fédération Française de Football qui est notre fédération de tutelle. Au niveau du district, nous devons nous conformer à ses orientations politiques tout en conservant néanmoins une certaine autonomie dans notre fonctionnement et notre organisation. De plus, les projets sont de plus en plus territorialisés, comme au niveau des contrats d’objectifs. Ainsi, les discussions sont courantes entre les élus de la ligue et des districts. On travaille tous dans le même intérêt : la promotion du développement du football et l’accompagnement des clubs.

En novembre 2021, vous avez organisé un foot-dating. Pouvez-vous nous présenter l’initiative ? Notamment son fonctionnement et les objectifs que vous souhaitez atteindre avec ce genre d’événement ?

Nous avons toujours eu des liens étroits avec Pôle Emploi ainsi que la mission locale. En effet, tout club peut être potentiel employeur et il est important de les accompagner pour leur faire découvrir les dispositifs et leur permettre de développer un réseau au niveau territorial.

Avec du recul, nous nous sommes rendu compte que parmi tous nos licenciés, certains, notamment les jeunes, avaient du mal à trouver du travail. Il fallait trouver une solution pour pouvoir y remédier. Nous sommes donc entrés en contact avec Pôle Emploi et la Mission Locale. L’idée a donc fini par se développer. Le but était de faire rencontrer des demandeurs d’emploi et des employeurs au-delà du cadre classique très conventionnel des entretiens.

Les rencontres se déroulent de la manière suivante ; nous les faisons se rencontrer sur des terrains de foot à 5 à travers des ateliers. Toutes les personnes sont mélangées et lors des rencontres, personne ne sait qui est recruteur ou qui est demandeur d’emploi. Chacun crée sa cohésion d’équipe. Suite aux oppositions, des temps d’échanges plus conventionnels sont mis en place grâce à des stands, ce qui permet de faciliter la discussion. C’est une opération qui a bien fonctionné. Lors de la deuxième édition avant le début de l’épidémie, il y a eu 46% de déclarations préalables à l’embauche.

C’est pourquoi nous avons réitéré l’expérience. Lors de la dernière édition en décembre, près d’une soixantaine de demandeurs d’emploi étaient présents. Avec les restrictions sanitaires, les chiffres seront moins élevés que l’édition précédente mais le bilan reste satisfaisant.

À plusieurs reprises vous avez organisé des colloques ou des événements afin de promouvoir le football féminin, quels ont été les retours ? Qu’est ce qu’il manquerait à votre avis pour le faire encore plus évoluer ? Croyez-vous en une potentielle égalité par la suite et notamment au niveau des salaires ?

L’objectif principal de ces événements reste l’accès des femmes aux fonctions dirigeantes. Une féminisation de la pratique est nécessaire et c’est pourquoi il faut développer des passerelles permettant de tendre vers une mixité plus importante. Sur plus de 42 000 licenciés, il y a seulement 3 000 licenciés féminines en Provence, ce qui représente un faible pourcentage. Il y a encore beaucoup de travail à faire. C’est en faisant évoluer les mentalités que l’on arrivera à quelque chose d’intéressant.

À l’origine, des événements étaient organisés dans chaque district afin de faciliter l’accès des femmes aux fonctions dirigeantes.

Ces actions faisaient parties intégrantes du dispositif fédéral “Mesdames franchissez la barrière “. Il s’agissait d’une opération que les territoires devaient dupliquer dans chaque département pour favoriser son évolution. Cependant, l’opération perdait de sa valeur et certains territoires ont arrêté d’organiser ces événements.

Lorsque la FFF a arrêté ce dispositif, j’ai souhaité maintenir la dynamique que nous avions instauré. J’ai donc eu cette idée d’organiser par saison au moins un temps fort, sous forme de table ronde, dédié à la féminisation des instances dirigeantes, et cela en collaboration avec le CDOS 13. La première table ronde s’est déroulée il y a trois ans. Différentes personnalités du sport féminin ont été invitées et ont eu l’occasion de revenir sur leur parcours et les difficultés rencontrées en tant que femmes. Une conférence qui fut très enrichissante. Mais, il fallait aller au-delà de cette thématique en proposant des solutions. Depuis, chaque saison, un colloque est organisé sur la féminisation des fonctions dirigeantes avec des thématiques précises et le but est de trouver des solutions sur la problématique posée.

Le colloque organisé en novembre 2021 concernait la charge mentale et l’accès aux bonnes informations et à la formation. Il y avait deux ateliers co animés par un responsable d’instance et chacun était accompagné d’un psychologue. De par ses ateliers, on a pu identifier des difficultés et chaque participant, participante a pu proposer une solution.

Actuellement, nous aimerions développer un mécanisme de tutorat où un tuteur aurait la possibilité d’accompagner, au quotidien, une femme qui souhaiterait rentrer dans une fonction dirigeante. Ce travail là est fondamental. Ce qui bloque réellement c’est le temps. Il faut pouvoir s’investir à fond pour obtenir un véritable résultat.

Depuis le début de la saison, on constate une recrudescence des violences dans les stades au niveau professionnel. Selon vous, pourquoi elle s’est accentuée ? Est-ce que l’absence de stades pendant un moment a pu jouer la dessus? Quel est le moyen selon vous pour y remédier ? Les sanctions de la LFP sont-elles une bonne solution ?

Selon moi, c’est à l’image de la société actuelle. Pour certains supporters, le stade est un échappatoire à leurs problèmes personnels. Cependant, ils le témoignent d’une manière violente et ça ne devrait pas être le cas.

Le règlement stipule que chaque club est responsable du comportement de ses supporters et le club qui reçoit est également responsable en tant qu’organisateur de la police des terrains. Chacun donne son avis dans la presse sans connaître les règlements. Le club se doit d’assurer un travail de prévention auprès de ses adhérents, ses joueurs ainsi que ses supporters. Il est donc normal que le club soit sanctionné. Par contre, si on arrive à identifier les perturbateurs parmi les supporters, il faut également les sanctionner de manière sévère afin qu’ils ne puissent pas recommencer. Chaque mauvais comportement doit être réprimé.

De plus, si le club n’était pas sanctionné et qu’on est uniquement sur de la répression individuelle, ça aurait un impact sur le football amateur. On n’a pas les outils nécessaires pour sanctionner les supporters lors d’une rencontre sportive. Dès lors, si les clubs se désintéressent, les clubs amateurs aussi et nous ne sommes pas à l’abri de plus d’animosité au sein des stades.

Dans le football amateur, la violence, qu’elle soit physique ou verbale, existe depuis plusieurs années. Cela peut fluctuer ou diminuer en fonction de certaines périodes. Néanmoins, je ne pense pas que ce qu’il se passe en ce moment lors des rencontres de Ligue 1, soit en contact direct avec le football amateur. Il y a de la tension, de l’enjeu certes, cependant, il suffit qu’il se soit passé quelque chose à l’école et cela va se régler sur les terrains. Beaucoup de facteurs peuvent provoquer la violence au sein des stades ou des rencontres sportives. Il ne faut pas hésiter à sanctionner sévèrement quand il le faut, tout en restant dans une approche pédagogique et préventive. Le tout est d’être le plus proportionnel possible au niveau des sanctions.

Début décembre, la Coupe de provence senior de football a eu lieu et elle était représentée par UNIBET. Ne pensez-vous pas que, vis-à-vis de votre statut de vice-président dans le cadre d’éducation des jeunes, l’introduction d’une société de paris sportifs en tant que naming des compétitions soit néfaste pour les jeunes et leur rapport aux jeux ? Y-a t’il une campagne de prévention ?

Tout d’abord, il faut préciser que le partenariat est noué au niveau du district. Les subventions publiques ne suffisent plus et nous sommes donc constamment à la recherche de partenaires. Chaque club doit revoir son modèle économique et essayer de diversifier ses sources de revenus en essayant de développer du partenariat privé. De plus, le naming se développe de plus en plus et nous avons eu la possibilité de pouvoir discuter d’une collaboration avec UNIBET. L’une des premières choses dont on a discuté concerne l’approche des jeunes vis -à -vis des jeux d’argent car en effet, les jeunes sont le fonds de commerce du district. C’est l’une des raisons pour lesquelles le naming a été fait sur une coupe d’adultes et non de jeunes. Ce volet n’est pas à négliger !

Concomitamment à vos activités de direction du district de Provence, vous êtes Vice Président au Pôle Education et Citoyenneté chez CDOS 13. Quel est le poids des programmes dits d’ « Héritage” de Paris 2024 (notamment Terres de Jeux) dans l’apport des Jeux sur le territoire marseillais ?

C’est une fierté d’avoir obtenu ces Jeux et de pouvoir les accueillir en France, et notamment à Marseille. Pour notre ville et notre département, l’héritage est double; l’amélioration des infrastructures sportives et la structuration de notre mouvement sportif. Marseille est la deuxième ville de France et lorsque l’on voit les stades ou les gymnases, “ nous sommes à des années lumières de ce qu’on devrait avoir”. Ces jeux vont nous permettre, je l’espère, de pouvoir enfin développer toutes nos infrastructures pour qu’elles soient à la hauteur !

De plus, pour pouvoir former des champions, il faut avoir des éducateurs diplômés. La part administrative dans les clubs prend également de l’ampleur. Il faut professionnaliser les différents postes disponibles dans un club. C’est fondamental qu’à tous les niveaux, on puisse se structurer. Le sport ce n’est pas uniquement faire de la compétition, la partie loisir est également présente. Il faut développer de nouvelles manières de faire du sport avec de nouveaux axes.

On compte beaucoup sur ces JOP 2024 afin que le mouvement sportif français, et pour nous « organisation départementale », puisse se développer comme il se doit.

Quel est le temps hebdomadaire consacré à chacune de ses fonctions ?

Fondamentalement, il faut être passionné. La rigueur et l’organisation feront le reste. La passion fait tenir le rythme. C’est enrichissant et ça donne envie de réussir. Le réseau est important dans le domaine du sport. Chaque rencontre peut nous faire évoluer.

Le tout est de réussir à faire coïncider les deux pour que ça puisse servir au niveau des deux structures. Je me considère comme un professionnel du sport et je me concentre de la même manière sur ma fonction de salarié et de bénévole.

Quelles sont vos ambitions futures ? Que peut-on vous souhaiter pour la suite de votre carrière ?

Je suis un homme de projets. Il y a énormément de choses à faire au niveau du sport amateur. C’est une richesse ! Beaucoup de projets sont à développer et à construire, et je souhaite continuer à m’y épanouir pleinement.

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