Aujourd’hui journaliste pour la chaîne M6, Marie Portolano a longtemps oeuvré dans le domaine sportif, et notamment en animant le célèbre Canal Sport Club pendant plusieurs années. Nous avons eu l’honneur d’échanger avec elle lors d’une interview au cours de laquelle nous abordons des sujets éminemment d’actualité. Un grand merci à Marie Portolano de nous avoir offert de son temps et accordé cet entretien.
Bonjour Marie. Tous les adeptes du sport vous connaissent, mais pouvez-vous vous présenter succinctement?
Bonjour, je m’appelle Marie PORTOLANO et j’ai 36 ans. J’ai travaillé pendant 10 ans dans le journalisme sportif où j’ai présenté des émissions de football et de sport en général.
Il y a un an j’ai quitté le domaine exclusif du journalisme sportif pour me consacrer au domaine du divertissement chez M6. Je suis donc journaliste sportive de formation et journaliste d’animation d’évolution, notamment présentatrice du “Meilleur Patissier”.
Quel a été votre parcours étudiant ?
J’ai toujours souhaité être journaliste sportive donc j’ai orienté mes études en conséquence. Je savais qu’il fallait obtenir un Bac +3 pour intégrer une école de journalisme donc j’ai commencé par effectuer une Licence de Cinéma à la Sorbonne. J’ai ensuite passé les concours et j’ai intégré une école de journalisme à Paris. J’ai enchaîné les expériences et les rencontres qui m’ont ouvert les portes de ce milieu.
Vous avez affirmé que si vous n’aviez pas exercé un métier de journalisme, vous auriez probablement suivi des études de droit pénal. Pourquoi cette attirance pour le droit pénal, et qu’est-ce qui vous a finalement amené à choisir la voie du journalisme ?
En effet. Le droit pénal car je suis fascinée par les enquêtes criminelles et les faits divers.
C’est étrange et en même temps c’est quelque chose qui passionne beaucoup les Français, en témoignent les nombreuses émissions à ce sujet. Je fais effectivement partie de cette population qui est détendue devant une histoire horrible…
J’ai envisagé d’en faire mon métier quand j’étais plus jeune, d’autant plus que je suis fascinée par le métier d’avocat. Et finalement, dans une certaine mesure, le journalisme d’enquête n’est pas si éloigné du travail que l’avocat effectue avant sa plaidoirie.
Mais je dois dire que, très vite, la passion du sport m’a rattrapée et je suis très heureuse dans mon métier.
En tant qu’avocate pénaliste, y a-t-il une affaire en particulier que vous auriez aimé défendre ?
Sans parler d’une seule et unique affaire, le sujet des violences faites aux femmes suscite mon intérêt. Je pense que je me serais attardée sur ces questions en tant qu’avocate.
Votre attrait pour le journalisme et le football était présent très tôt, vous avez notamment interrogé Habib BEYE à l’âge de 14 ans dans le cadre d’un travail scolaire, et votre mémoire de fin d’études portait sur David Cronenberg, un réalisateur canadien.
Tout à fait. A l’âge de 14 ans, j’avais un projet d’étude qui portait sur l’intégration par le sport. Je suis allée à la rencontre d’Habib BEYE, qui était joueur au Racing Club de Strasbourg à l’époque.
A cette période, je ne me disais pas qu’exercer ce métier allait être possible car je n’avais pas de modèle féminin sur lequel m’appuyer dans le domaine. Mais rétrospectivement, quand je vois ce que je faisais étant jeune, je me rends compte que c’était du journalisme.
C’est finalement le signe d’une passion qui était déjà bien ancrée.
Votre métier requiert un certain leadership. Pour le Canal Sport Club notamment, vous informez, animez et fédérez des débats sur des sujets multisports. Est-ce un trait de caractère nécessaire pour exercer dans le milieu journalistique ?
C’est une bonne question. J’aurais tendance à dire que non. Animer un débat sur un plateau de télévision est une des nombreuses facettes du métier de journalisme.
Être journaliste, c’est une multitude de possibilités : présenter une émission, mener une enquête, faire des reportages, partir à l’autre bout du monde pour filmer des images. Le leadership, il faut l’avoir pour tenir un plateau, c’est certain. En revanche, ce n’est pas une qualité absolument indispensable pour être journaliste de manière générale.
En tout cas, il est clair qu’à mes débuts je n’aurais pas été capable d’animer des débats comme je l’ai fait pour le Canal Sport Club. J’ai beaucoup travaillé, notamment avec Hervé MATHOUX qui m’a beaucoup appris et inspiré.
Selon vous, comment votre métier de journaliste a-t-il évolué ces dix dernières années ?
Concrètement, le journalisme a évolué car il y a aujourd’hui de nombreux moyens de consulter l’information. Notamment, les réseaux sociaux sont apparus et donnent un accès immédiat à l’information. L’immédiateté a du positif, c’est certain, mais le problème est la question de la véracité de l’information.
Une qualité que se doit d’avoir le journaliste est de s’assurer d’être en possession de plusieurs sources vérifiées avant d’affirmer une information, c’est une règle d’or. Or, les réseaux sociaux ne permettent pas de comparer les sources. Le fait de donner l’information le plus rapidement possible est génial en un sens, et dangereux en un autre.
S’agissant de l’actualité foot, l’affaire Mediapro a fait les gros titres, au-delà même de la sphère sportive. Au vu des sommes promises par le groupe audiovisuel pour acquérir les droits de diffusion, ne pensez-vous pas qu’un risque très important a été pris lors de la signature du contrat ?
Ce qui est arrivé avec l’affaire Mediapro représente selon moi les prémices de l’explosion capitaliste dans le domaine. Nous sommes dans une société où l’on veut toujours plus.
Dans ce cas en particulier, l’appât du gain était tellement élevé que l’aspect financier a été privilégié à la garantie de diffusion.
Il y avait pourtant plusieurs prétendants à la diffusion des matchs comme Canal+ ou BeIn Sport, qui se positionnaient comme des acteurs d’une fiabilité historique, reconnue et certifiée.
Je ne connais pas les tenants et les aboutissants du contrat avec Mediapro, mais force est de constater que le risque pris a été perdant.
Espérons que cette affaire serve de leçon pour la suite.
Aujourd’hui, tous sports confondus, quelle mesure aimeriez-vous voir émaner du ministère des sports ?
Selon moi, le racisme, les propos homophobes, les insultes aux joueurs, aux femmes.. toutes les violences quelles qu’elles soient, devraient être sanctionnées beaucoup plus radicalement.
Étant jeune, j’ai été dans des kops de supporters et c’était génial, j’adorais. Ce sont des espaces où les supporters se libèrent et évacuent leurs émotions. On ne crie pas dans la rue mais on est autorisé à le faire dans les tribunes, c’est le côté magique des stades. Mais il y a des limites, on doit supporter son équipe sans insulter quiconque.
Donc pour moi, il faut à la fois arrêter les matchs lorsqu’il y a de tels incidents, et interdire d’entrée au stade, les contrevenants à ces règles de vie.
Depuis quelques années, il existe beaucoup de discussions autour des quotas de genre dans la sphère sportive. Quel est votre avis sur ces quotas qui imposeraient un nombre minimum de femmes aux postes de direction ?
Je suis totalement pour les quotas, car force est de constater que quand il n’y a pas de quotas, il n’y a pas d’évolution. Il suffit d’analyser les organigrammes : plus on avance dans la hiérarchie, moins les femmes sont nombreuses… c’est qu’il y a un problème. Cela se vérifie dans la société en général, pas seulement au sein des instances sportives.
Je pense que c’est aussi lié aux générations. Les personnes de ma génération et de la précédente sont moins ouvertes à ce genre de sujets : nommer uniquement des hommes aux postes de direction leur paraît tout à fait banal. A mon avis, les jeunes générations ont saisi le problème et il y aura moins de débats à ce propos dans les années à venir.
En attendant, imposer un certain nombre de femmes pour les postes à haute responsabilité me semble totalement nécessaire. Mais la vraie victoire serait de nommer les personnes en fonction de leurs compétences et non pas du fait de leur genre. La nomination d’une femme à un poste de direction ne devrait plus être vue comme un truc génial, mais normal.
Le jour où l’on ne ne tiendra plus de discussion relative aux quotas, ce sera gagné !
Vous avez co-produit avec Guillaume Prioux le documentaire « Je ne suis pas une salope, je suis journaliste » (2021) dans lequel vous épinglez le sexisme dans le journalisme du sport. Il a notamment reçu le Prix « Enquête et Reportage » aux assises de journalisme international. Au-delà de cette reconnaissance, votre documentaire a-t-il eu les effets que vous espériez ?
Dans la mesure où j’ai quitté les rédactions sportives, je ne sais pas encore quelles retombées a pu provoquer le documentaire dans les faits. Il est vrai qu’il a fait beaucoup parlé de lui pour les scènes coupées au montage et ce n’était évidemment pas ma volonté.
En revanche, le but était de participer à un changement de mentalités, une libération de la parole et un arrêt des dysfonctionnements en question. J’espère que ce documentaire est une pierre posée parmi d’autres et va permettre de faire avancer le processus.
Estimez-vous que le milieu sportif est un espace où le système de pensée que vous soulignez dans le documentaire est particulièrement présent ?
Historiquement, le sport appartenait aux hommes. En Grèce Antique, les Jeux Olympiques étaient interdits aux femmes. A la base, le sport est un milieu prégnant masculin donc aujourd’hui, c’est peut-être l’héritage de cette histoire mais, s’agissant des rédactions sportives, il y a plus d’hommes que de femmes. De fait, il y a forcément un peu plus de sexisme dans le sport que dans un milieu où la parité est respectée.
Avez-vous l’intention de réaliser de nouveaux documentaires sur ce sujet s’agissant d’autres corps de métiers ?
J’y réfléchis en effet, je travaille sur un projet sur ce thème.
Depuis le début de votre carrière, y a-t-il une interview qui vous a particulièrement marquée ? Et une interview particulièrement compliquée à réaliser ?
L’interview qui m’a le plus marquée a été effectuée l’année dernière dans le cadre du documentaire. J’ai contacté une journaliste issue d’une génération plus âgée que la mienne. Elle a d’abord refusé d’intervenir dans le documentaire car elle estimait ne jamais avoir connu aucune situation particulière durant sa carrière. Son témoignage m’intéressait tout autant que les propos des autres intervenantes, donc elle a accepté d’échanger avec moi.
Au cours de notre discussion, elle s’est rendue compte qu’elle avait beaucoup plus de choses à raconter qu’elle ne le croyait. Elle a réalisé qu’elle avait pendant longtemps accepté et pris pour acquis des situations anormales. Notre discussion était particulièrement émouvante pour nous deux, c’était un moment fort. Je me suis dit que je ne menais pas ce projet de documentaire pour rien.
S’agissant des interviews difficiles à réaliser, je dirais qu’elles concernent des interlocuteurs très stressés par l’exercice du plateau. Mener une interview avec un joueur qui répond uniquement par « oui » ou « non », c’est compliqué. Mais c’est tout à fait normal, les joueurs sont souvent très jeunes et ont peu d’expérience médiatique. Intervenir dans une émission comme le Canal Football Club alors que l’on regardait l’émission quand on était petit, et que l’on se retrouve à la place de ses idoles, ce n’est pas rien !
Vous travaillez désormais pour la chaîne M6 pour une émission de divertissement. Quitter le monde du sport était une volonté ? Ou peut-être l’envie d’un nouvel objectif ?
Cela faisait un moment que je me disais qu’animer une telle émission pouvait être un exercice intéressant pour moi. Dans la vie en général, j’aime expérimenter de nouvelles choses.
L’opportunité de présenter « Le meilleur pâtissier » est arrivée à un moment idéal car je venais de publier le documentaire, j’étais dans une bonne position à Canal+ mais je ne savais pas comment allait évoluer mon avenir. Et c’est à ce moment que M6 m’a contactée. Il n’y a pas eu de volonté de ma part de changer mais une opportunité s’est présentée et je l’ai saisie avec plaisir.
La direction d’une chaîne de télévision serait un poste qui pourrait vous intéresser ?
À vrai dire, je ne sais pas car c’est un tout autre métier. C’est peut-être dans la lignée des choses, peut-être que j’aurai un jour envie de diriger les plus jeunes. C’est possible que cela m’intéresse un jour, mais ce n’est pas d’actualité.
Un de vos centres d’intérêt est également la musique, vous tenez une société de management d’artistes, n’est-ce pas ?
Je n’y travaille plus mais j’ai effectivement monté une société de production qui consistait à faire tourner des groupes de Rock dans Paris. Je l’ai créé en 2008, mais quelques années plus tard je ne trouvais plus le temps de gérer l’entreprise donc j’en ai donné la direction aux personnes avec qui je collaborais.
Aujourd’hui encore, je suis une vraie consommatrice de musique.
Pour finir, au sein de l’équipe de Jurisportiva, il y a des supporters de l’Olympique Lyonnais et du FC Nantes… Vous rejoignez quel camp ?
Hum… J’aime bien les deux clubs, mais à choisir… je dirais le FC Nantes !
Crédit photo : RTL