Le jeudi 24 février 2022, l’invasion de l’Ukraine par la Russie a entraîné une vague de décisions marquantes contre Moscou au sein de la sphère sportive. Nous assistons à un mouvement international de boycott, sans pour autant que cette situation soit inédite. Ce n’est en effet pas la première fois que la scène sportive est utilisée en tant qu’outil politique et géopolitique, comme en témoignent les Jeux Olympiques organisés par Hitler en 1936, ou encore la prise d’otage des israéliens par les Palestiniens durant les Jeux Olympiques de Munich en 1972.
Selon Pascal Boniface, géopolitologue français, « le sport est un facteur social global qui se joue des frontières ». Grâce à l’apparition des médias, le sport rassemble les différentes populations et permet de véhiculer des messages politiques. C’est pourquoi, la plupart des pays se sont mobilisés aux côtés de l’Ukraine.
De nombreux sportifs et sportives des deux pays ont également dénoncé cette invasion russe, et protesté contre cette atteinte à la souveraineté ukrainienne :
« J’étais en mission pour mon pays ». La joueuse de tennis ukrainienne Elina Svitolina a battu, ce mercredi 2 mars, la russe Anastasia Potapova au premier tour du tournoi de tennis de Monterrey, au Mexique. Elle a indiqué que « toutes les primes que je gagne ici iront à l’armée ukrainienne, alors merci pour le soutien ».
Oleksandr Zinchenko, joueur de football évoluant à Manchester City, ne cesse, quant à lui, de renouveler son soutien aux ukrainiens et ukrainiennes et de multiplier les gestes pour son pays. Très marqué par cet épisode, on l’a vu fondre en larmes dans les bras de son compatriote Vitaliy Mykolenko lors du match opposant Everton et Manchester City.
Andreï Chevtchenko, gloire du football ukrainien et ballon d’or en 2004, a tenu à laisser un message vidéo diffusé sur écran géant avant le coup d’envoi de la demi-finale aller de la Coupe d’Italie opposant l’AC Milan à l’Inter Milan, mardi : « Chers amis italiens, depuis San Siro je vous demande de faire entendre votre soutien à la paix en Ukraine. Le peuple ukrainien veut la paix, parce que la paix n’a pas de frontières (…). Arrêtons cette guerre ensemble ».
De nombreux et anciens athlètes ont décidé d’aller plus loin en prenant les armes pour leur pays. C’est notamment le cas de Sergiy Stakhovsky, ancien 31e joueur mondial à l’ATP, Oleksandr Usyk, champion du monde unifié des poids lourds, ou bien encore Yuriy Vernydub, ex-entraîneur du Sheriff Tiraspol. Les frères Klitschko, boxeurs ukrainiens, ont également rejoint le mouvement.
Du côté russe, il n’a pas fallu attendre longtemps avant de voir les premières réactions des athlètes. Que ce soit le tennisman Andrey Rublev ou le footballeur Fedor Smolov, tous deux dénoncent cette invasion en Ukraine en disant « non à la guerre ».
Alors que les équipes russes et biélorusses ont été exclues des épreuves cyclistes, que l’équipe Gazprom/RusVelo s’est vu retiré son statut UCI, le cycliste franco-russe Pavel Sivakov a également publié un message sur Twitter en s’opposant à la guerre en Ukraine et en demandant « l’arrêt des messages de haine envers la population russe ». Il semblerait que les sportifs et sportives russes, outre leur nationalité, ne prennent pas part au conflit.
La joueuse de tennis Anastasia Pavlyuchenkova (14e mondiale et numéro 1 russe) dénonce également cette guerre, pour qui « des ambitions personnelles ou politiques ne justifient pas une telle violence ». Le nouveau numéro 1 mondial, Daniil Medvedev, a quant à lui déclaré qu’il souhaitait « la paix dans le monde, la paix entre les deux pays ».
Selon Robert Lewandowski, l’international footballeur polonais, « les footballeurs et les fans russes ne sont pas responsables de cela, mais nous ne pouvons pas prétendre que rien ne se passe ».
Parallèlement aux réactions individuelles des sportifs, ce sont les instances sportives qui ont suivi le mouvement en prenant à leur tour position :
Le Comité International Olympique ne souhaite plus d’événements en Russie et en Biélorussie. Il encourage fortement l’ensemble des fédérations sportives internationales à annuler leurs événements prévus en Russie.
Dans la foulée, plusieurs fédérations sportives internationales ont donc exécuté cette recommandation. La Fédération internationale de l’automobile a annulé le Grand Prix de Sotchi ayant lieu fin septembre, et le pilote russe Nikita Mazepin ne sera pas autorisé à concourir lors du GP de Formule 1 à Silverstone en Angleterre, le 3 juillet prochain.
La Fédération internationale de ski a annulé les étapes de Coupe du monde qui devaient se tenir en Russie. L’organisation du Mondial 2022 masculin de Volley-ball, prévu en août et septembre, a également été retirée à la Russie. La Fédération internationale de hockey suspend elle aussi la Russie de toute compétition.
L’EuroLeague Basket a annoncé ce lundi, la suspension de toutes les équipes russes de Basket de la compétition, tout comme la Fédération internationale d’athlétisme.
La Fédération européenne de handball a également annoncé ce lundi soir la suspension des clubs et sélections de Russie et de Biélorussie de toutes les compétitions internationales organisées sous son giron. La Russie et le Bélarus ont ensuite été suspendus mardi de toute participation au rugby international « jusqu’à nouvel ordre « , indique World Rugby.
De plus, l’UEFA, qui a rompu son contrat de partenariat avec Gazprom, a également délocalisé la finale de la Ligue des champions au Stade de France après s’être réunie en urgence. L’UEFA a aussi prononcé la disqualification du Spartak Moscou de l’Europa League. Le club moscovite, appartenant à un oligarque russe proche de Vladimir Poutine, dénonce une décision « extrêmement bouleversante« .
Dans le milieu de la petite balle jaune, l’Instance internationale du tennis (ITF), l’ATP et la WTA ont décidé de suspendre la Russie de la Coupe Davis. Quant aux joueurs russes et biélorusses, ils auront uniquement le droit de participer aux tournois sous bannière neutre.
Pour finir, la FIFA a fini par exclure les russes de la Coupe du monde 2022. Après le refus des Polonais et Suédois de jouer contre la Russie lors d’un match de barrage de qualification à la Coupe du monde, la FIFA a pris une décision radicale.
On le voit donc, l’ensemble du de la sphère sportive internationale, par le biais des fédérations mais également des sportifs et sportives, se positionne en faveur d’une mise à l’écart du sport russe.
L’objectif implicite est d’atteindre les oligarques russes, proches du Kremlin et souvent impliqués dans le monde du sport, tels que Abramovitch à Chelsea. Ce dernier a justement été écarté de la gestion de Chelsea et prépare actuellement la vente du club.
Notons qu’à contre-courant de toutes ces décisions, le Comité international Paralympique a annoncé que les sportifs et sportives russes et biélorusses seraient autorisé(e)s à concourir aux Jeux Paralympiques de Beijing, qui débutent vendredi.
Ainsi, le monde du sport ne reste pas passif face à cette guerre entre la Russie et l’Ukraine. Néanmoins, les sanctions prises par les instances sportives auront-elles un réel impact sur l’invasion russe en Ukraine ? Et de manière plus générale, le sport est-il légitime à intervenir dans de telles situations, ou doit-il au contraire rester apolitique ?