Issu d’une formation en Droit et Science politique, Julien Aubignat consacre aujourd’hui son savoir et son énergie dans la promotion de l’activité physique et sportive en tant que Secrétaire Général de l’Union Sport & Cycle. Son activité quotidienne vise à promouvoir et à organiser l’émergence d’une culture du sport en France. Nouvelles pratiques sportives, plan massif d’équipements sportifs lancé par le Président de la République… Pour Jurisportiva, il livre ses analyses et impressions. Entretien.
Bonjour. Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis Julien Aubignat, Secrétaire général de l’Union Sport et Cycle (USC), poste que j’occupe depuis mars 2021.
Après des études de Droit et de Science politique, j’ai travaillé au sein d’agences de conseil en affaires publiques et de communication. J’accompagnais des clients dans leurs besoins en matière de lobbying, de communication d’influence et également de communication politique. J’avais, au sein de ma précédente entreprise, différents clients, comme des entreprises, des ONG, des syndicats professionnels etc.
J’ai, par la suite, été recruté par l’Ordre des Avocats de Paris afin de prendre en charge en interne le pôle des affaires et relations publiques. J’ai travaillé là bas pendant trois ans.
Je me suis ensuite spécialisé dans le sport car c’est le domaine qui m’intéressait le plus. J’ai donc pris le poste de Secrétaire général de l’USC. J’ai aujourd’hui la responsabilité du fonctionnement et du management de l’Union Sport et Cycle. Je gère quotidiennement les rendez-vous institutionnels et je structure notamment l’action syndicale de l’USC auprès des pouvoirs publics (Gouvernement, Parlement, Administration).
De plus, dans la mesure où nous sommes engagés avec des acteurs interprofessionnels comme le Medef, je siège aussi avec le Délégué Général à différentes réunions sur ces sujets.
Quel est le but poursuivi par l’Union Sport et Cycle ?
L’USC est la première organisation professionnelle des entreprises de la filière du sport, des loisirs, du cycle et de la mobilité active. Nous regroupons 3000 entreprises que nous conseillons et représentons auprès des pouvoirs publics. Notre raison d‘être est la promotion de l’activité physique et sportive pour tous en France.
Nous avons la conviction que l’activité physique et le sport est une solution qui permet de répondre de manière durable et concrète à des enjeux de société : santé publique, renforcement du lien social, mais également du développement économique car le secteur du sport connaît une croissance plus importante que le reste de l’économie.
Nous militons pour une « sport culture » en France en expliquant que le sport offre des solutions concrètes et durables aux différents enjeux de la société.
Concrètement, avec quels acteurs interagissez-vous ?
Il y a un gros travail de lobbying et plaidoyer auprès des pouvoirs publics (gouvernement, Parlement, et Administrations).
Côté gouvernement, nous avons des liens directs et réguliers avec le Ministère des sports, mais nous avons aussi tissé des liens fort avec le Ministère de l’Economie et des Finances, car en tant qu’organisation qui représente les entreprises, nous avons des enjeux économiques : les questions de compétitivité, la réindustrialisation, ou encore la fiscalité.
Nous interagissons également avec le Ministère du Travail car nous sommes face à des enjeux d’emplois.
Pour le sport-santé, nous communiquons avec le Ministère de la Santé même si c’est un interlocuteur qui nous connaît encore assez peu.
Enfin, pour les questions d’ordre environnemental et écologique, le Ministère de la Transition Écologique est notre interlocuteur.
Du côté du Parlement et des Administrations, nous avons un lien direct établi avec les élus locaux dans les territoires (communes, départements, régions) notamment sur les questions d’infrastructures.
Mais nous siégeons aussi au MEDEF, donc nous sommes également adhérents à la CPME (Confédération des PME) et au CDCF (Conseil du Commerce de France).
L’USC est également membre fondateur de l’Agence Nationale du Sport (ANS), au sein de laquelle nous disposons d’une place importante. Nous siégeons notamment au collège économique de l’ANS.
Enfin, nous avons aussi des liens avec nos équivalents bruxellois à l’échelle européenne car il existe des organisations à l’échelle continentale qui représentent les intérêts des entreprises du sport et du cycle, pour porter certains sujets auprès du Parlement et de la Commission Européenne.
Votre équipe comporte une juriste en droit de l’environnement. Ce poste n’est pas encore tout à fait répandu au sein des entreprises du sport. En quoi ce besoin spécifique vous est apparu essentiel pour votre activité ?
Les sujets écologiques prennent de plus en plus d’ampleur dans notre activité. À ce propos, des obligations légales et réglementaires liées au respect de l’environnement s’imposent de plus en plus aux acteurs économiques.
Je pense notamment à la Loi ALGEC (Loi anti-gaspillage pour une économie circulaire) qui a notamment créé une filière « responsabilité élargie des producteurs » (REP) pour les articles de sport et de loisirs.
Depuis le 1er janvier 2022, les entreprises qui mettent en marché des articles de sport (ballons de foot, combinaisons de ski, casques de vélo etc) ont des obligations sur la fin de vie de ces produits qui consiste à les confier à un éco-organisme. Ces organismes les trient, les réparent ou les recyclent et font en sorte que l’économie circulaire se mette en place.
En outre, à partir du 1er janvier 2023, les entreprises doivent payer une éco-contribution sur les produits mis en marché.
Par ailleurs, nous pouvons aussi citer la Loi Climat et Résilience ou le décret tertiaire sur la consommation énergétique des bâtiments.
Ce système vertueux représente de nouvelles obligations pour les entreprises.
Le rôle de l’USC est donc d’accompagner nos entreprises adhérentes dans la mise en oeuvre des réglementations environnementales.
Face à ces enjeux, nous avions en effet besoin d’être accompagné en interne par un juriste. En l’occurrence, la juriste de l’USC conseille les adhérents et opère une veille juridique sur ces sujets car ils sont très présents dans le débat public et de nouvelles réglementations émergent très régulièrement.
Quel bilan de l’activité économique du sport dressez-vous en cette fin d’année 2022 ?
S’agissant du commerce de sport, c’est-à-dire les enseignes qui vendent des articles de sport, le commerce a connu une bonne croissance par rapport à l’année dernière. L’année 2022 est globalement réussie même si nous avons quelques craintes notamment du fait de l’inflation et de l’augmentation du prix de l’énergie, qui risque de peser dans la consommation des ménages et donc dans le chiffre d’affaires des enseignes de distribution. C’est un point à surveiller.
Ensuite, la période post-covid a été difficile pour les « loisirs sportifs marchands » comme les salles d’escalades, les terrains de foot à 5, ou les terrains de paddle car ces établissements sont restés fermés longtemps.
Toutefois, en termes de fréquentation, nous constatons que la rentrée scolaire 2022 est plutôt bonne. Elle est positive pour les salles de sport, très positive pour les salles d’escalade et les établissements de tennis paddle sont très prisées par les Français et connaissent un véritable boom.
En revanche, c’est plus compliqué dans le domaine du fitness et du yoga car depuis le covid, les Français ont pris des habitudes de pratique à domicile.
Sur le domaine du cycle, l’année 2022 est très encourageante sur le segment des vélos électriques et un peu moins sur les vélos classiques. Le vélo électrique est véritablement ce qui tire la croissance du cycle en France.
Vous parlez de modifications des pratiques sportives des Français depuis le covid, quelles sont-elles ?
Les Français pratiquent moins de sport depuis le Covid, en tout cas sur certaines typologies de population. Nous nous sommes rendus compte que les femmes et les séniors pratiquaient moins.
Nous observons également que la pratique sportive des Français se diversifie. Historiquement, la logique était de pratiquer du sport dans un club, qui impose un lieu et un horaire d’entraînement, et un groupe.
Aujourd’hui, ce schéma est battu en brèche par une demande de la population d’une pratique plus agile. Les Français veulent pratiquer où ils veulent, quand ils veulent et avec qui ils veulent. De ce fait , l’offre privée répond à ce besoin.
Par exemple, pour plus de liberté, ils vont privilégier la location d’un terrain d’urban soccer plutôt que de prendre une licence à l’année dans un club.
En ce qui concerne les salles de sport, nus observons une consommation à la carte. Nous avons du mal à créer de l’engagement sportif à l’année, les adhérents choisissent une séance par-ci, une séance par-là.
Enfin, nous avons relevé une multiplication des activités. Il y a quelques années, on pratiquait globalement un ou deux sports par an. Les jeunes générations pratiquent désormais 3 à 4 sports sur une année donnée, surtout chez les plus jeunes. Ils sont touche-à-tout et moins fidèles à un sport.
Quel regard portez-vous sur le Plan massif d’équipements sportifs impulsé par le Président de la République en 2021 ?
Nous l’avons accueilli avec satisfaction. Cela va dans le même bon sens que de créer 5000 équipements sportifs sur le territoire, car effectivement beaucoup sont en carences d’équipement sportifs ou sont vieillissants et inadaptés aux nouvelles pratiques des Français.
Toutefois, nous avons un point d’alerte que l’on a fait valoir auprès de l’ANS et du gouvernement sur le financement du projet : nous souhaitons que le secteur privé ne soit pas oublié. Ce plan ne doit pas servir uniquement les collectivités pour financer les associations et les clubs, mais aussi les acteurs privés.
Pourquoi ? Car ils font partie de l’offre sportive de la même manière que l’offre associative et fédérale et offrent des équipement innovants. Je pense notamment à des entreprises qui créent des terrains de basket 3×3, ou des aires de jeu avec différents sports sur un terrain donné.
Bref, les entreprises innovent aussi dans la façon de proposer de nouvelles activités sportives donc nous avons à cœur que ce plan ne mette pas à l’écart les acteurs économiques au profit des seules associations sportives.
C’est le point d’alerte que nous avons relevé et communiqué.
Selon vous, quel aspect de la politique sportive a fait l’objet de progrès ces dernières années ?
Je pense que la création de l’ANS est très structurante et positive car elle a le mérite de favoriser la rencontre entre l’ensemble des acteurs du sport : État, Collectivités Locales, monde associatif et fédéral, et acteurs économiques.
L’ANS est une « maison du sport » qui permet de mener une politique sportive en faisant vivre l’intelligence commune de tous les acteurs.
De plus, dans le débat public, émerge petit à petit le fait que la pratique sportive est bonne et importante pour la santé physique et mentale de la population, pour la prévention de certaines maladies cardio-vasculaires, ou pour certains médecins qui peuvent prodiguer des séances de sport pour certaines pathologies.
Les autorités commencent à le comprendre, à le valoriser et communiquer sur les bienfaits de l’activité physique pour tous.
Il reste beaucoup de travail mais cette dimension est plus importante aujourd’hui qu’elle ne l’était auparavant.
Par ailleurs, quel est le principal levier d’amélioration pour démocratiser encore un peu plus le sport en France ?
Je pense qu’il y a encore beaucoup de choses à faire sur la reconnaissance du sport-santé. L’enjeu est d’amener des personnes qui sont aujourd’hui éloignées de la pratique sportive (séniors, femmes et personnes en situation de handicap notamment).
Cela passe en particulier par le développement du sport à l’école, en entreprise, et de meilleurs équipements sportifs dans les territoires carencés. Il y a un travail transversal à mener là-dessus.
L’Union Sport et Cycle a organisé une conférence mercredi 14 décembre sur le sujet « Saison hiver 2023, quelles perspectives dans le contexte actuel ? ». Quels sont les points à retenir de cet échange ?
Il y a une importance historique et un dynamisme de la communauté montagne au sein de l’Union Sport et Cycle. C’est une commission à part entière chez nous. Le secteur de la montagne a un ADN fort.
Après la saison blanche en 2020/2021, il y avait une perte financière qui dépassait le milliard pour l’ensemble des entreprises de cet éco-système. C’était une période où l’USC s’est notamment mobilisé pour défendre ses adhérents et faire en sorte que les aides économiques soient bien fléchées vers ces acteurs-là.
Aujourd’hui, les perspectives de remplissage des stations pour Noël, janvier et février sont encourageantes. Les conditions sont plutôt favorables avec un événement majeur que sont les Championnats du Monde de ski qui vont se dérouler à Courchevel et Méribel en février. C’est donc un événement qui sera sans doute porteur pour les acteurs économiques de la région.
Crédit photo : Sport Business Club