Interview de Guillaume Lucchini (Fondateur de Scala Patrimoine)

par | 18, Oct, 2023

Après quelques années d’expérience au sein de cabinets de conseil, Guillaume Lucchini fonde en 2014 Scala Patrimoine. C’est une structure spécialisée en gestion de patrimoine, qui accompagne dans la durée les familles, les entrepreneurs et professions libérales, ainsi que les sportifs de haut niveau, dans la structuration et la gestion de leur patrimoine personnel et professionnel, en France comme à l’étranger. Aujourd’hui, pour Jurisportiva, il revient sur le métier de gestionnaire de patrimoine, l’importance d’être bien accompagné pour les sportifs, et nous livre aussi quelques leviers pour optimiser la fiscalité du sportif.

Bonjour Monsieur, pourriez-vous vous présenter ?

Bonjour. Je suis Guillaume Lucchini, le président et fondateur du cabinet de gestion de patrimoine indépendant, Scala Patrimoine.

Je suis diplômé d’un Master 2 en Fiscalité et Droit de la propriété intellectuelle. Très vite, je me suis spécialisé dans l’accompagnement d’une clientèle d’artistes internationaux. J’ai notamment collaboré avec le Designer Mattia Bonetti, le chorégraphe et danseur Benjamin Millepied (New York City Ballet), le violoniste Nemanja Radulovic et les musiciens BB King et Jerry Lee Lewis. 

En 2014, il y a bientôt 10 ans, j’ai fondé le cabinet Scala Patrimoine, spécialisé dans la gestion patrimoniale des grandes familles, des professions libérales, des chefs d’entreprise et des sportifs de haut-niveau. La même année, j’ai remporté le Trophée de la Gestion, du Patrimoine 2014, décerné par le magazine Gestion de Fortune.

En parallèle de mes activités professionnelles, je suis aujourd’hui membre de l’Institut des Avocats-Conseils Fiscaux (IACF) et j’interviens en qualité d’Expert dans le cadre des Masters 2 Droit du Sport d’Aix-Marseille et de Lille. Enfin, depuis 2021, je suis aussi le Président de la Commission ISR de l’Association Nationale des Conseils Financiers (ANACOFI).

Pourquoi, quand et comment avoir créé Scala Patrimoine ? Pourriez-vous nous en dire plus sur le cabinet ?

Je suis parti du constat que les clients avaient besoin d’un accompagnement patrimonial complet, à 360°, alors que jusqu’ici, les cabinets de gestion de patrimoine fonctionnaient surtout en silo, avec une approche uniquement tournée vers « les produits ».

J’avais également la volonté de structurer Scala Patrimoine comme un cabinet de conseil à part entière, comparable à ceux des avocats ou des experts-comptables. La France reste, en effet, l’un des derniers pays d’Europe à pratiquer un modèle économique majoritairement basé sur la perception de commissions et rétrocessions. Les conseillers en gestion de patrimoine étant rémunérés en fonction des produits vendus aux clients, par leurs partenaires bancaires et assureurs.

Ce mode de rémunération favorise clairement les conflits d’intérêts. C’est pourquoi la réglementation européenne s’est emparée du sujet et a créé le statut de conseil indépendant. Un statut qui valorise les cabinets les plus vertueux, en le réservant aux seuls acteurs pratiquant une rémunération sous la forme d’honoraires.

Notre cabinet se place justement en tant que leader du conseil patrimonial « indépendant », grâce à un modèle innovant, reposant sur une rémunération à 100% en honoraires de conseil. Un positionnement qui garantit à nos clients un conseil totalement impartial. 

Nous faisons aujourd’hui partie des 5% du marché de la gestion de patrimoine à avoir adopté le statut de conseiller indépendant, alors que 95% des acteurs du métier reposent sur un modèle économique opaque.

Quelles sont les missions d’un cabinet de gestion de patrimoine comme Scala ? 

Nous accompagnons dans la durée les familles, les entrepreneurs, les cadres-dirigeants et professions libérales, ainsi que les sportifs de haut niveau. Nous structurons et gérons leur patrimoine personnel et professionnel, en France comme à l’étranger. Architecte et chef d’orchestre de leur organisation patrimoniale, nous définissons la stratégie et la mettons en musique avec l’appui de notre réseau professionnel (avocat, notaire, expert-comptable…).

Pour apporter des solutions parfaitement en phase avec les objectifs de nos clients, Scala Patrimoine propose un accompagnement à 360°, en plaçant à leur service une équipe pluridisciplinaire. 

Le cabinet est ainsi organisé autour de six départements spécialisés : 

  • Scala Patrimoine, avec l’expertise de nos ingénieurs patrimoniaux ;
  • Scala AM, avec la définition et mise en place d’une allocation d’actifs adaptée ; 
  • Scala Immobilier qui propose une étude des opportunités d’investissement sur la classe d’actifs ;
  • Scala Financement dont le rôle est de rechercher des financements sur-mesure ;
  • Scala Sport qui accompagne des profils « carrières courtes » ;
  • Scala Mécénat dont le département met en œuvre des actions philanthropiques privées et de politiques de mécénat d’entreprise.

Qu’est-ce qu’un bon gestionnaire de patrimoine ? 

Deux éléments doivent pour moi être mis en valeur : l’éthique et l’expertise.

L’éthique, car nous sommes dans un monde où les conflits d’intérêts potentiels sont omniprésents et où la soif de gains peut conduire certains à prendre de mauvaises décisions. C’est pour cette raison que nous avons fait le choix de l’indépendance, en étant rémunérés que par notre client et sur la base d’honoraires de conseils. Ainsi, quelles que soient les solutions d’investissements proposées à nos clients, notre rémunération sera identique.

L’expertise est tout aussi importante. L’environnement juridique, fiscal et financier, se complexifie. Les enjeux sont nombreux et touchent tous les pans du patrimoine (entreprise, régimes matrimoniaux, successions, gestion financière). Pour offrir un conseil à très forte valeur ajoutée, il convient de disposer de compétences très spécifiques dans chacune des matières. C’est pourquoi, un bon gestionnaire de patrimoine doit s’avoir s’entourer d’une équipe d’experts, au sein du cabinet mais également à l’extérieur, en faisant appel à des professionnels du chiffre et du droit qui viendront apporter leur soutien sur les questions les plus complexes.

Vous avez aujourd’hui un département « sport » chez Scala Patrimoine. Quels sont les intérêts pour les sportifs professionnels à être accompagnés sur le volet gestion de patrimoine ?

La carrière d’un sportif est malheureusement très courte, parfois moins de 10 ans. Et rares sont ceux qui arrivent à rester au sommet au-delà de leur 35e anniversaire. Bien gérer et sécuriser son patrimoine devient alors essentiel pour ces athlètes, avec l’idée de pouvoir aborder leur seconde vie professionnelle le plus sereinement possible.

Il faut d’ailleurs reconnaitre qu’il n’est pas toujours évident pour un sportif de haut niveau de prendre le temps de s’intéresser à des questions d’argent. Son activité professionnelle lui demande déjà beaucoup de temps et d’investissement. C’est pour cette raison qu’il faut très vite bien s’entourer. Surtout que le risque de blessure ou d’accident est omniprésent. Cela est comme une épée de Damoclès au-dessus de la vie du sportif. Penser à l’après-carrière n’est donc une option. Se protéger financièrement contre les aléas de la vie et mettre à l’abri sa famille doivent être érigés comme leur priorité.

Et c’est bien le rôle du conseiller en patrimoine de l’accompagner sur toutes ces questions et de l’aider à optimiser, développer et pérenniser son patrimoine.

Quels sont les sujets traités par le gestionnaire pour accompagner le sportif ?

Appliquer une approche purement « produit » ou « thématique » serait une grave erreur. Il est primordial d’avoir un regard à 360° sur les problématiques des sportifs, pour l’aider à construire son patrimoine, en fonction de ses objectifs, de ses contraintes et de son profil de risque.

Je pourrais faire une analogie avec un architecte qui va prendre en main la construction d’une maison. Il doit recueillir les besoins de l’occupant pour dessiner les plans qui seront en accord avec ses aspirations, bien sélectionner les matériaux utilisés et faire appel aux artisans les plus compétents.

Le rôle d’un conseiller en gestion de patrimoine est identique. Il est impossible de faire de la gestion de patrimoine, si nous parlons uniquement de private equity, de retraite ou d’assurance-vie. Il faut définir une stratégie globale, en embrassant tous les sujets liés au patrimoine personnel (des régimes matrimoniaux à la retraite) et professionnel (des salaires au droit à l’image en passant par le sponsoring). Ces sujets sont, par ailleurs, très techniques. C’est pour cette raison qu’il est essentiel de fédérer une communauté d’experts reconnus dans leur domaine d’activité (agents sportifs, avocats, experts-comptables …)

On s’aperçoit qu’il existe un certain nombre d’athlètes qui se retrouvent ruinés au cours ou à la fin de leur carrière, notamment en raison d’ une série de mauvais choix, parfois pour avoir fait confiance aux mauvaises personnes. Quel est votre regard sur cette situation ?

Les raisons qui peuvent expliquer les difficultés financières de certains sportifs sont multiples.

Le plus souvent elles s’expliquent par un taux d’endettement trop élevé. Des problématiques notamment rencontrées lorsque les emprunts ont été réalisés sur des durées supérieures à celles du contrat du joueur. Hélas, à la fin d’une carrière sportive, la baisse de revenus ne permet plus au sportif de couvrir des charges aussi importantes.

Il y a aussi les sportifs qui succombent aux promesses des placements « miracles » de personnes mal intentionnées, offrant des rendements « anormalement » élevés. 

Il faut aussi rappeler que les revenus des sportifs sont, dans la majorité des cas, perçus sur de très courtes durées. Pour valoriser leur patrimoine sur le long terme, les athlètes n’ont donc pas le droit à l’erreur.

L’objectif premier doit être de sécuriser leur après carrière. Cette stratégie nécessite donc de réaliser des investissements en bon père de famille, notamment dans la pierre. L’un des principaux enjeux étant de poser un cadre sécurisant, permettant ensuite, en fonction des objectifs, du profil du risque et des volontés du sportif d’investir sur une partie de son capital sur des actifs plus risqués (marchés financiers, private equity) ou des projets entrepreneuriaux (start-up, entreprise …).

Comment optimiser la fiscalité d’un sportif ? Pourriez-vous citer un ou plusieurs leviers ?

Certains sportifs de haut niveau, bénéficiant de rémunération très élevée, peuvent avoir intérêt à créer une société d’image. Cette stratégie lui permet ainsi de dissocier la perception des revenus versés par le club, au titre de l’exploitation de son image

Pour cela, il lui faudra opérer un transfert d’image vers une société créée à cette occasion. La rémunération liée à l’exploitation de son image sera alors perçue directement par celle-ci.

Dans un second temps, cette société d’image pourra être elle-même être détenue par une holding patrimoniale, qui capitalisera l’argent perçu au titre de l’exploitation de l’image du joueur, dans un cadre fiscal favorable. Les sommes non distribuées n’étant pas imposables. La holding jouera alors le rôle de « cash box », en vue d’une perception ultérieure par le joueur, lors de sa retraite par exemple.

Dans ce cadre, la holding permet de regrouper les actifs et de contrôler de manière simple et efficace la gestion. Elle agit comme un véhicule de gestion et de diversification sur le long terme des participations regroupées et des éventuels futurs investissements. Par ailleurs, ce véhicule permet de centraliser qui pourrait remonter des filiales.

Quels sont les grands constats que vous dressez sur la gestion de patrimoine dans l’industrie du sport ?

Au-delà de la vulnérabilité de certains sportifs face à des personnes mal intentionnées, je noterais tout de même la très grande professionnalisation des approches proposées par ces sportifs. 

Les familles qui nous sollicitent sont désormais nombreuses à fédérer une équipe de spécialistes dans des domaines périphériques du sport. C’est avec plaisir que je vois que l’accès à des conseils de haut niveau se fait de plus en plus tôt. Cela permet, à mon sens, aux sportifs de créer un cocon autour de lui, et de se protéger de toutes les affaires d’escroquerie dont ils pourraient être victimes. 

Enfin, il convient de souligner que les sportifs issus de sports ou de divisions moins médiatisés, dont les revenus sont par nature plus modestes, n’ont pas toujours besoin d’un conseil spécialisé, surtout lorsque leurs enjeux se limitent à l’acquisition de leur résidence principale ou à mettre un peu d’argent de côté.

Le secteur du sport a-t-il de nombreuses spécificités en gestion de patrimoine ?

Bien sûr. La carrière des sportifs de haut niveau se tient sur une courte durée. Ces derniers vont donc concentrer l’immense majorité de leurs revenus sur une période souvent inférieure à 10 ans. C’est un élément essentiel à prendre en compte lorsque vous devez les accompagner sur la gestion de patrimoine. Aussi, sur cette période réduite, les sportifs peuvent percevoir des revenus très importants, sur lesquels ils vont subir une fiscalité – elle-même – très élevée.

On voit de plus en plus de sportifs investir dans des startups de la Sport Tech. Qu’en pensez-vous ? 

C’est une excellente nouvelle, à condition que cela soit fait dans le cadre d’une stratégie patrimoniale équilibrée. L’investissement dans des start-up s’avère, en effet, extrêmement risqué. Cela s’adresse à des sportifs qui ont déjà sécurisé une bonne partie de leur patrimoine et qui veulent diversifier leurs placements, sur des actifs offrant des espérances de gains plus importants, en contrepartie d’une prise de risque plus élevé.

La règle la plus importante est alors de diversifier au maximum leurs portefeuilles et ainsi se positionner sur un grand nombre de start-up. Cette stratégie est primordiale pour diluer le risque associé à cette typologie d’actifs. Statistiquement, il faut garder à l’esprit que seulement une start-up sur 10 deviendra une « pépite ».

Ces dernières années, de nombreux joueurs de l’équipe de France championne du Monde 2018 ont fait le choix d’investir dans des entreprises de la sport tech. 

À travers ces investissements, ils expriment leur envie de donner plus de sens à leur action, en apportant leur soutien à des entreprises qui pourront avoir un impact plus important sur l’économie réelle.

Ce rapprochement leur donne aussi l’occasion de prêter leur image à ces entreprises, mais aussi d’apporter leur expérience et leur leadership à leurs équipes. Des sociétés qui travaillent dans un secteur d’activité – le sport – qu’ils connaissent déjà parfaitement : une bonne façon pour eux de préparer leur après-carrière et de mettre un pied dans le monde de l’entreprise.

Remarquez-vous une concurrence entre les gestionnaires de patrimoine des sportifs professionnels et les agents de joueurs ?

Dans l’esprit, les agents de joueur ne font pas du tout le même métier que nous. Contrairement à un agent sportif, nous ne négocions pas avec les clubs sportifs sur les aspects contractuels ou l’organisation d’un transfert. Inversement, les agents sportifs ne sont pas – en principe – amenés à accompagner directement un joueur sur des investissements patrimoniaux, financiers ou immobiliers.

Pour autant, dans la pratique, certains agents n’hésitent pas à faire travailler leur écosystème pour percevoir des commissions supplémentaires. C’est notamment le cas lorsqu’ils font appel à leurs partenaires pour vendre des placements aux sportifs. Des placements qui se relèvent – en pratique -très souvent hasardeux.

Si vous aviez un excellent investissement à donner pour un sportif, quel serait-il ?

Les investisseurs devraient regarder avec intérêt le marché de l’immobilier. Dans un contexte de remontée très forte des taux d’intérêt et d’un durcissement des conditions d’accès au financement, le secteur souffre. Or, c’est justement dans de telles périodes, aussi agitées, que se présentent les plus belles opportunités. Les acquéreurs ayant une vision à très long terme bénéficient à ce jour d’une belle décote sur les prix et d’une marge de négociation encore plus importante avec les vendeurs. L’environnement est donc idéal pour se constituer des revenus complémentaires, pour l’après-carrière.

Quelque chose à rajouter ? 

Être conseiller en gestion de patrimoine ne s’improvise pas. Offrir un accompagnement à 360° à des sportifs de haut niveau demande de multiples compétences techniques et des équipes fournies. Il me fait donc toujours sourire de voir des anciens sportifs se lancer dans cette activité, sans avoir bénéficié d’une réelle formation sur les matières juridiques, fiscales et financières.

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