La lutte contre les discriminations dans le sport

par | 27, Fév, 2023

L’OMS de la ville de Vaulx en Velin (Rhône) a organisé le 25 novembre dernier un colloque sur la lutte contre toutes les formes de discriminations dans le sport, avec la participation de Jean-Charles Mbotti Malolo, réalisateur de la série animée « Some of Us » qui traite des discriminations dans le sport, de Stella Akakpo, membre de l’équipe de France d’athlétisme, d’Aby GAYE , joueuse professionnelle de basket-ball, membre de l’équipe de France, et de Colin MIÈGE, président du comité scientifique de Sport et Citoyenneté. C’est l’occasion de refaire un point sur cette question qui reste toujours d’actualité.

Préliminaire

Selon le dictionnaire, discriminer consiste à distinguer et à séparer. Cette différenciation n’est pas en soi une discrimination; elle le devient lorsqu’elle est fondée sur des critères illégitimes ou illégaux. On peut considérer que le sport de compétition est discriminant par nature, car il suppose d’abord des sélections, qui consistent à éliminer des concurrents par épreuves successives. La compétition elle même, qui vise à désigner un vainqueur et à établir un classement, opère également une discrimination entre les meilleurs et les moins bons. Enfin le sport de compétition sépare les hommes et les femmes, et établit des catégories d’âge, de poids, etc.…, ce qui pourrait être ressenti comme discriminant. Mais ces procédures de sélection et de classement ont été admises par le juge, dès lors que les critères de sélection sont objectifs, non disproportionnés et qu’ils répondent à l’objectif d’intérêt général visant à assurer l’équilibre, l’équité et l’intégrité des compétition (1). Toute autre forme ou motif de discrimination est par principe bannie dans le sport, et d’une manière générale dans tous les secteurs de la vie sociale. Elle constitue un délit dans les pays européens.

I – Rappel de quelques éléments de droit applicable

Les textes qui proscrivent les discriminations sont légion, que ce soit au niveau international européen (2) ou national.

1.1. En France, le premier article du Code du sport dispose que « La loi favorise un égal accès aux activités physiques et sportives, sans discrimination fondée sur le sexe, l’identité de genre, l’orientation sexuelle, l’âge, le handicap, l’appartenance, vraie ou supposée, à une nation ou à une ethnie, la religion, la langue, la condition sociale, les opinions politiques ou philosophiques ou tout autre statut » (3).

1.2. Par ailleurs, aux termes de l’article 225-1 du code pénal, « constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs moeurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée» (4).

1.3. Il convient de rappeler aussi que la loi du 24 avril 2021 confortant le respect des principes de la République a instauré le contrat d’engagement républicain, dont le contenu a été défini par décret du 31 décembre 2021. Depuis le 1er janvier 2022, toute association souhaitant obtenir un agrément d’État, une subvention publique ou accueillir un jeune en service civique est tenue de souscrire aux sept engagements du contrat. L’engagement n° 4 intitulé « Égalité et non-discrimination » est formulé ainsi : « L’association (…) s’engage, dans son fonctionnement interne comme dans ses rapports avec les tiers, à ne pas opérer de différences de traitement fondées sur le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, l’appartenance réelle ou supposée à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion déterminée, qui ne reposeraient pas sur une différence de situation objective (…), ni cautionner ou encourager de telles discriminations. Elle prend les mesures, compte tenu des moyens dont elle dispose, permettant de lutter contre toute forme de violence à caractère sexuel ou sexiste »

1.4. Enfin, la Charte d’éthique et de déontologie du CNOSF, dont une version révisée a été adoptée en mai 2022 (5), affirme notamment que « Le refus de toute forme de discrimination, quelle qu’en soit la nature, est au cœur des valeurs du sport. Ces valeurs excluent en particulier toute «distinction d’origine, de race ou de religion (…), mais aussi toute distinction en fonction du sexe, du genre, de l’orientation sexuelle ou de l’apparence physique. Accepter la diversité, être ouvert aux autres, promouvoir l’égalité des chances, avoir le souci de la cohésion et de la participation de tous aux projets collectifs sont des références permanentes pour tous ceux qui pratiquent le sport et animent ou encadrent des activités sportives » (article 3). En outre, l’article 18 dispose que « Les organisations sportives proscrivent la violence et toutes les formes de discrimination, en accordant une attention particulière aux personnes et aux groupes en situation de vulnérabilité (…). Elles promeuvent des actions d’information et de sensibilisation à cet effet ».

1.5. Ainsi la France, mais aussi les pays européens et plus largement les pays occidentaux, ont adopté un ensemble de textes protecteurs, et adhèrent à un système de valeurs qui bannit sans équivoque toutes les formes de discrimination. Ce qu’on nomme communément « le modèle européen du sport » est fondé entre autres sur ces valeurs.On pourrait penser que ces principes sont universels, mais il n’est est rien. Dans la période récente, des régimes non démocratiques ont montré assez clairement qu’ils n’y adhérent pas, et qu’ils ne les mettent pas effectivement en oeuvre . C’est le cas notamment de la Chine, de la Russie, du Brésil ou du Qatar. Dans certains régimes par exemple, la tolérance manifestée officiellement envers les personnes LGBT est considérée comme une forme de décadence morale.

II . Quelques actions menées au niveau européen et français

2.1. Le réseau « Football against racism in Europe » (FARE)

Afin d’élaborer une stratégie commune de lutte contre le racisme et la xénophobie qui affectent trop souvent le football, une conférence réunissant des clubs de football et des syndicats de joueurs s’est tenue à Vienne en février 1999, à l’initiative de groupes de supporters de différentes régions d’Europe. Cette réunion a permis la création du réseau FARE (Football Against Racism in Europe), qui regroupe des organisations d’une quinzaine de pays européens, ainsi que l’élaboration d’un plan d’action. Le réseau FARE s’est donné pour but de lutter dans toute l’Europe contre le racisme et la xénophobie dans le football, en mettant ses efforts en commun au niveau national et local.

2.2. Combattre le discours de haine dans le sport

Ce projet vise à explorer les approches innovantes pour lutter contre le discours de haine dans le sport. Il est cofinancé par l’Union européenne et le Conseil de l’Europe et mis en œuvre par la Division Sport du Conseil de l’Europe pendant 24 mois, de janvier 2022 à décembre 2023. La France est partie prenante, avec un projet piloté par la direction des sports.

2.3. Au niveau national

Déjà étoffé, l’arsenal législatif français a été récemment renforcé par la loi n° 2022-296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France, qui a prévu la possibilité pour les associations impliquées dans la lutte contre les discriminations, de se constituer partie civile en cas de provocation à la haine et a pénalisé l’introduction de symboles homophobes dans un stade.

L’enjeu pour le ministère français des Sports consiste surtout à promouvoir ce dispositif auprès de l’ensemble des acteurs du sport afin qu’il puisse être respecté. Il s’agit aussi de veiller à ce que ces acteurs participent effectivement à la défense des valeurs citoyennes et au respect de la règle (notamment actions de sensibilisation auprès des supporters, intégration de modules de formation dans le cursus des éducateurs professionnels,  contractualisation avec les fédérations sportives au titre de leur délégation pour qu’elles s’impliquent dans des actions de prévention des actes de haine, lutte contre le cyber-harcèlement, etc....).

Parmi les outils de prévention actuellement disponibles, on peut citer le « Guide juridique sur la prévention et la lutte contre les incivilités, violences et discriminations dans le sport » et le « Petit guide juridique».

Même si la lutte contre les discriminations sexistes a sensiblement progressé dans la période récente (obligation de parité dans les instances sportives par exemple), les efforts doivent être poursuivis. Le champ du sport ne doit pas être le dernier dans lequel le seuil de tolérance vis-à-vis de ces comportements reste à un niveau élevé.

Pour finir, il semble opportun de rappeler qu’en parallèle au principe de non discrimination, il existe aussi des principes dits « républicains » qui doivent être respectés, notamment la neutralité et la laïcité dans le sport. Il peut arriver en effet que ceux qui ne les respectent pas et qui sont sanctionnés pour cela invoquent abusivement la discrimination dont ils seraient les victimes.

Bibliographie

  1.  Notamment le juge européen, cf. CJCE, Deliège, avril 2000 ; CJCE, Lehtonen, avril 2000 ou CJUE, Biffi, 2021.
  2. En ce qui concerne l’Europe, on peut mentionner en particulier l’article 21 relatif à la non-discrimination de la Charte des droits fondamentaux de l’Union : « Est interdite toute discrimination fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, les origines ethniques ou sociales, les caractéristiques génétiques, la langue, la religion ou les convictions, les opinions politiques ou toute autre opinion, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, un handicap, l’âge ou l’orientation sexuelle ». Et aussi la Charte européenne du sport révisée en octobre 2021, dont l’article 10 énonce : Aucune discrimination fondée sur la race, la couleur, la langue, la religion, le genre ou l’orientation sexuelle, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation n’est autorisée dans l’accès aux installations sportives ou aux activités sportives ». On peut enfin citer la résolution 2276 (2019) « Halte aux propos et actes haineux dans le sport » du Conseil de l’Europe (http://assembly.coe.int/nw/xml/Xref/Xref-XML2HTML-FR.asp?fileid=27637&lang=FR.
  3. Code du sport, article L100-1.
  4.  L’article 225-2 punit la discrimination commise à l’égard d’une personne physique ou morale de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende lorsqu’elle consiste à refuser la fourniture d’un bien ou d’un service, à entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque, à refuser d’embaucher, à sanctionner ou à licencier une personne, à subordonner la fourniture d’un bien ou d’un service à une condition fondée sur l’un des éléments précités, à subordonner une offre d’emploi, une demande de stage ou une période de formation en entreprise à une condition fondée sur l’un des éléments précités, à refuser d’accepter une personne à certains stages.
  5.  Aux termes de l’article L.141-3 du code du sport, «Le Comité national olympique et sportif français veille au respect de l’éthique et de la déontologie du sport définies dans une charte établie par lui ». L’article L. 141-3-1 issu de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République ajoute que «Le Comité national olympique et sportif français établit une charte du respect des principes de la République dans le domaine du sport».

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