La faute lucrative : de la publicité en faveur des actifs financiers ?

par | 13, Nov, 2023

À l’aller comme au retour, le match de Ligue des Champions opposant Manchester City aux Young Boys Berne n’a pu être diffusé en France à cause du sponsor Plus 500, présent à l’avant des maillots du club suisse. 

Revenons sur Jurisportiva sur ce principe du Code de la consommation, selon lequel toute opération de parrainage ou de mécénat est interdite lorsqu’elle a pour objet ou pour effet la publicité, directe ou indirecte, de services financiers / actifs numériques.

De manière on ne peut plus clair, l’article L222-16-2 du Code de la consommation prohibe en France, le mécénat et le parrainage (ou sponsoring) ayant pour objet ou pour effet la promotion, directe ou indirecte pour : 

  • Des services d’investissement portant sur les contrats financiers[1] dont le risque maximal n’est pas connu au moment de la souscription et le risque de perte est supérieur au montant de l’apport financier initial ;
  • Des services sur actifs numériques (tels que l’achat et la vente de crypto-monnaie, etc)[2], à l’exception de ceux ayant obtenu un agrément de l’Autorité des marchés financiers[3] (seulement 1 à ce jour)[4] ;
  • Des offres au public de jetons[5] à l’exception de ceux ayant obtenu un visa de l’Autorité des marchés financiers[7] (seulement 4 à ce jour)[8].

Cette disposition est évidemment applicable en matière sportive. 

L’objectif défendu par le législateur est de protéger tout consommateur d’investissements incertains[9] et/ou de pratiques non encore maîtrisées par les dispositions légales et réglementaires en vigueur[10]

Cependant, une telle prohibition a pour corollaire la limitation des sources de revenus auxquelles peuvent prétendre les associations sportives et sociétés éponymes. Ce, de la même manière que la promotion des paris sportifs et des boissons alcooliques est strictement encadrée[11].

Sans trahir de secret, il semblerait que de nombreux clubs aient trouvé une parade en ayant recours à à la « faute lucrative ». Puisque tout manquement à l’article L222-16-2 du Code de la consommation précité est sanctionné, au maximum, d’une amende administrative de 100 000 €, la conclusion d’un contrat de mécénat ou de parrainage illicite n’est finalement qu’une question de « management du risque ».

En effet, dans l’hypothèse où la contrepartie financière perçue par l’association ou société sportive est inférieure à 100 000 €, il y a un risque de perte en cas d’amende. Mais, dans le cas où elle est supérieure à 100 000 €, le résultat est forcément bénéficiaire pour l’entité sportive, à l’image de stratégies d’ambush marketing.

Cette stratégie a notamment été retenue, dans la sphère footballistique, pour la promotion des services/jeux de Fantasy Football liés à une blockchain tels que Sorare ou Ultimate Champions.  

Enfin, l’interdiction posée par l’article L222-16-2 du Code de la consommation se répercute également sur les diffuseurs de manifestation sportive (notamment internationale) en France.

Par exemple, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes avait interdit à beIN Sports de diffuser les matchs de l’Atalanta Bergame la saison passée.


[1] Article 533-12-7 du Code monétaire et financier.

[2] Article L. 54-10-2 du Code monétaire et financier.

[3] Article L. 54-10-5 du Code monétaire et financier.

[4] https://www.amf-france.org/sites/institutionnel/files/pdf/61000/fr/Obtenir_un_enregistrement__un_agrement_PSAN.pdf?1668744009

[5] Article L. 552-3 du Code monétaire et financier.

[7] Article L. 552-4 du Code monétaire et financier.

[8] https://www.amf-france.org/sites/institutionnel/files/private/2023-01/liste%20blanche%20ICO.pdf

[9] https://www.amf-france.org/fr/espace-epargnants/savoir-bien-investir/cadrer-son-projet/risques-et-rendements-des-placements

[10] Par exemple, le Règlement européen MICA, entré en vigueur le 29 juin 2023, ne sera applicable qu’à compter du 31 décembre 2023.

[11] Pour exemple, voir la communication récente de l’Autorité nationale des jeux (n°2023-C-001 du 25 mai 2023) et pour la promotion en faveur des boissons alcooliques, l’article L3323-2 du Code de la santé publique

[12] https://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Pourquoi-le-match-young-boys-berne-manchester-city-ne-sera-pas-diffuse-en-france/1427402

Nos dernières publications