Sport professionnel : Quid de la prise de conscience des enjeux climatiques ?

par | 5, Sep, 2022

« On est en train de voir si on ne peut pas se déplacer en char à voile ». C’est ce que répond Christophe Galtier, actuel entraîneur du Paris Saint-Germain à la question posée par un journaliste, quant à la possibilité de voir les joueurs du PSG se déplacer en train au lieu du jet privé. 

Bref focus. Kylian Mbappé et Christophe Galtier ont participé à une conférence de presse le samedi 3 septembre dernier. Au sein de celle-ci, le journaliste Paul Larrouturou les interroge à propos d’un tweet d’Alain Krakovitch, dirigeant SNCF. Ce dernier a retweeté une vidéo publiée par Marco Verratti montrant les joueurs du PSG à bord d’un jet privé pour relier Paris à Nantes. Il a commenté cette vidéo en soulignant que « Paris-Nantes se fait en moins de 2 heures en TGV » et renouvelle une « proposition d’offre TGV adaptée à vos besoins spécifiques, pour nos intérêts communs : sécurité, rapidité, services et éco-mobilité ». 

Soulever cet événement n’est pas surprenant et est particulièrement d’actualité dans un contexte de crise climatique et après un été marqué par la canicule, le manque d’eau et de graves incendies. Cependant, à la question de savoir s’il été envisagé par le club de voyager en train, les deux interviewés rient et Christophe Galtier réponds avec ironie « ce matin on a parlé avec la société qui organise les déplacements, on est en train de voir si on ne peut pas se déplacer en char à voile ».

L’attitude des deux hommes témoigne d’une légèreté qui irrite sur les réseaux sociaux et dans les médias, mais surtout interroge. Qu’en est-il aujourd’hui de la responsabilité des entreprises dans la protection de l’environnement ? Qu’en est-il du principe pollueur-payeur, notamment dans l’industrie du sport ou du divertissement ? L’importance des déplacements qu’impose un championnat sportif, toute discipline confondue doit interroger dans le contexte actuel. 

Ces dernières années, la législation française a évolué sur ces questions de responsabilités des entreprises. On parle de plus en plus de « responsabilité sociale des entreprises » ou « RSE » ce qui, selon la Commission européenne, est l’intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leur relation avec les parties prenantes. Les devoirs de conformité et d’éthique se judiciarisent et les citoyens se saisissent de ces questions : manifestations, pétitions sont fréquentes sur le sujet de la lutte contre le réchauffement climatique. Impossible de ne pas mentionner « l’affaire du siècle » qui témoigne de l’impact de la mobilisation citoyenne dans la lutte contre le climat, et des résultats qu’il est possible d’atteindre. La justice a ainsi condamné l’État français en 2021 pour son inaction en matière de lutte contre le réchauffement climatique. 

Les entreprises ne sont pas à l’abri de sanctions, comme l’illustre la condamnation de l’entreprise Shell par la Cour internationale de Justice à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 45% d’ici 2030. Cette condamnation vise la responsabilité de l’entreprise Shell dans le changement climatique et ses conséquences sur les citoyens (pour ses propres émissions, comme pour celles de ses fournisseurs et clients, ce qui est une prise de position remarquable de la cour de La Haye).

Si l’on revient à la législation française, la loi n°2017-399 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordres adoptées en 2017 s’applique à certains groupes de taille conséquente et leur impose d’établir, publier, respecter et évaluer un plan de vigilance. Ce dernier doit identifier les risques et prévenir les atteintes graves envers les droits humains et les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes ainsi que l’environnement dans toute leur sphère d’influence. Tous ces mécanismes mis en place témoignent d’une volonté de pousser les entreprises à agir pour lutter contre le réchauffement climatique. L’adoption le 23 février dernier par la Commission Européenne d’une Proposition de Directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité ne fait que renforcer cette idée. 

Il est intéressant de regarder chez nos voisins quant à leurs perspectives d’évolution du monde du sport sur le sujet de l’écologie. En Espagne, la compagnie ferroviaire Renfe permettait dès 2018 aux spectateurs de bénéficier de tarifs préférentiels pour accéder à la capitale et aux matchs de championnat. Depuis, l’entreprise est devenue partenaire de la Liga pour offrir ces mêmes tarifs préférentiels et est récemment devenue le « transporteur officiel » du Real Betis (pour les équipes de football et de basket). Ce n’est pas un cas isolé puisqu’en Angleterre, les équipes de Manchester et de Liverpool se déplacent également en train jusqu’à la capitale Londres. Le club de Tottenham (entre autres puisque ce n’est pas un cas isolé) s’illustre par son action en faveur de l’écologie, notamment encore une fois par l’utilisation accrue des transports en commun, avec un accès facilité pour les spectateurs, bien que cet engagement s’illustre par d’autres actions et partenariats. 

Face à la prise de conscience générale de l’urgence climatique, et à la démonstration par plusieurs clubs professionnels de la possibilité d’agir, l’attitude de Christophe Galtier et de Kylian Mbappé a de quoi faire réagir. A moins de deux mois de la prochaine Coupe du Monde de football qui se déroulera au Qatar, et dont les impacts écologiques et humanitaires sont considérables, se pose finalement la question de la responsabilité de ces acteurs, dont la popularité et le rayonnement pourraient impliquer des conséquences. 

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